Parmi ces mesures, retenons celle qui consiste à pénaliser les entreprises désireuses de s'octroyer des marchés publics et qui n'appliqueraient pas une politique antidiscriminatoire. Public nombreux — quatre cents personnes environ — des intervenants de qualité, des témoignages aussi pertinents qu'émouvants, bref, tous les ingrédients étaient réunis pour un succès annoncé. Organisé en partenariat avec le journal Le Monde et l'association Terrafemina, ce colloque a d'abord été marqué par une brillante intervention, celle de l'historien Pascal Blanchard, spécialiste des immigrations du Sud et analyste pointu des legs du colonialisme au niveau des préjugés et discriminations qui traversent la société française d'aujourd'hui. Auteur de La fracture coloniale, il a co-réalisé une série de documentaires traitant des représentations raciales dans l'iconographie des XIXe et XXe siècles. S'interrogeant sur « les trous de mémoire » de la république française, Pascal Blanchard met à jour un héritage colonial essentiel à la construction d'une identité nationale cohérente. « On refuse, dit-il, aux jeunes Français issus de l'immigration, une possible identification avec leurs héros, qui sont aussi des héros de l'histoire de France. Ce sont pourtant des images positives très précieuses. » Face à un déni institutionnalisé et aux tabous historiques qui pèsent sur une jeunesse discriminée, Pascal Blanchard est remonté jusqu'aux origines des stéréotypes coloniaux montrant surtout comment ils se sont perpétués. Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, s'est interrogé, pour sa part, sur le racisme en occident, questionnant ce qu'il appelle « l'erreur du naturaliste ou les errements humanistiques ». « Bien qu'il n'existe pas de race noire, jaune ou blanche selon les canons éculés du racisme obstiné, affirmera-t-il, la génétique historique établit de plus en plus précisément l'histoire du peuplement de l'humanité actuelle avec des populations plus proches les unes des autres par leurs gènes et leurs langues ». Linda Hamilton-Krieger, professeur de droit à l'université de Berkeley et spécialiste de la psychologie sociale, a apporté, de son côté, un éclairage venu d'outre-atlantique, lequel a montré avec intérêt comment dépasser nos « catégories mentales », mettant en évidence les mécanismes inconscients qui nourrissent les préjugés. Patricia Braflan-Trobo, universitaire, a évoqué avec brio les soubassements sociaux, mais également raciaux qui expliquent la crise antillaise, laquelle a fait la Une des médias ces dernières semaines. L'après-midi, Jean-Claude Legrand, directeur « monde » de la diversité et du regroupement chez l'Oréal, fournira l'exemple d'une grande entreprise, signataire de la charte de la diversité il y a trois ans et qui a mis en œuvre une politique en faveur de la lutte contre les discriminations à l'embauche. Côté médias, Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, stigmatisera les retards enregistrés au niveau du paysage audiovisuel français. Comparant deux études, à dix années d'écart, il fustigera l'immobilisme de la télévision française où, hormis un visage coloré ici ou là, rien n'a bougé, notamment au niveau des staffs toujours aussi « gaulois ».George Pau-Langevin, député PS de Paris, a développé avec force détails la proposition de loi qu'elle a déposée récemment à l'Assemblée nationale, laquelle loi « vise à lutter contre les discriminations liées à une origine réelle ou supposée ». Venue de Chicago où elle anime avec talent une association multi-ethnique, la Révérende Patricia Watkins a défini quelques axes de réflexion dont le modèle français pourrait, ou tout au moins s'inspirer, positivement. Ce colloque aura surtout mis en évidence combien la discrimination est au cœur de pratiques affichées ou sournoises de la société française et que son éventuelle résolution passe obligatoirement par une volonté politique qui irait jusqu'à décréter la diversité comme une cause nationale.