– II Plaidoyer pour une hausse des salaires – II.1. Le volet générique : pour une augmentation du point indiciaire et une réduction des charges sociales au sein de la fonction publique On parle de croissance hors hydrocarbures comme s'il ne s'agissait pas d'une vraie croissance, mais d'une manne tombée du ciel qu'il suffirait juste de recueillir. Comme si elle ne représentait pas le résultat d'un investissement planifié colossal consenti à ce qu'il convient d'assimiler à une concession minière. A la différence près qu'il s'agit d'un gisement liquidien ou gazeux, résultant de la décomposition de micro-organismes aquatiques, végétaux ou animaux, réaffirmant de ce fait une haute teneur énergétique, ce qui en fait un produit d'une grande valeur stratégique. Celle-ci, exploitée par une société, requiert une technologie et un savoir-faire considérable, ainsi que le produit du travail de toute une armée d'opérateurs, tous plus ou moins qualifiés dans un domaine particulier de compétences, lequel travail est intégré au sein d'une multiplicité d'autres, diversifiés et complémentaires, dans le cadre d'une économie globale intégrée. En tout état de cause, cette société, il a bien fallu la créer et la doter de tous les instruments nécessaires à l'accomplissement de sa mission (juridiques, financiers, administratifs, techniques, commerciaux, de recherche et de prospection, de valorisation des ressources humaines et de formation). Ces hydrocarbures, il a bien fallu les localiser, les puiser, les traiter, les acheminer vers les centres de raffinage ou de stockage et de là vers les oléoducs et gazoducs. Ces installations, il a bien fallu les concevoir, les installer, les faire fonctionner, les entretenir et les développer, les actualiser en fonction de la technologie. Ce personnel, il a bien fallu le recruter, le sélectionner, le former, le mettre en place, le motiver et le faire travailler. Cette production finale est bien le résultat de la volonté de tous ces hommes et de leur travail, s'appuyant sur la convergence de toutes les séries de paramètres précités. Ce secteur de l'économie, à la fois concession minière particulière et industrie pétrochimique et autre, est organiquement solidaire du reste de l'économie nationale tous secteurs confondus. En effet, tout le personnel a été formé, pour l'essentiel, par l'école et l'université algériennes. Ensuite, tout ce personnel et les siens, il a bien fallu les nourrir, les loger, les vêtir, les chauffer, les éclairer, les climatiser, les informer, les distraire, les soigner, les transporter, les faire rêver, assurer leur sécurité, assainir et préserver leur environnement, évacuer leurs déchets et les traiter, faire parvenir et acheminer leur courrier, assurer leurs communications, viabiliser, entretenir et urbaniser leur cadre de vie, etc. En somme, il y a une interpénétration, une interconnexion et une intégration solidaire, ainsi qu'une cohérence harmonieuse de tous les secteurs de l'économie. Une réussite dans un secteur de pointe, constituant le fleuron de l'industrie et de l'économie, est en fait soutenue par tout l'ensemble et ne représente que la partie émergée de l'iceberg. Ainsi, s'il y a un excédent dégagé du fruit de la croissance semblant provenir directement d'un secteur particulier, celui-ci procède en fait également, quoique de manière indirecte, de l'ensemble des autres secteurs de l'économie, sans quoi il ne peut exister et perd toute raison d'être. En quelque sorte et pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, la croissance du secteur des hydrocarbures est également une croissance, de toute l'économie globale, orientée préférentiellement vers cette activité, dont elle constitue le socle, qu'elle conditionne et garantit et dont elle assure la permanence et la stabilité. Toute subtile distinction n'est que le fait d'un découpage notionnel du réel et d'une approche didactique par le spécialiste qui, comme chacun sait, coupe le cheveu en quatre, alors que la saine logique et le bon sens avisé plaident tout autrement. D'autre part, l'excédent dégagé du fruit de la croissance, fut-il intrinsèquement lié au secteur des hydrocarbures, est bien là et sa disponibilité est réelle et effective. Aussi, que faut-il en faire et est-ce que le fait d'en consacrer une certaine partie à l'augmentation des salaires, une fois l'affectation prioritaire aux urgences vitales et aux exigences impératives, assurée, en représente un mauvais usage ? Ou bien, y aurait-il de meilleur usage possible, en guise d'alternative, plus pertinente et opportune ? De plus, ce qu'on appelle augmentation des salaires n'est en fait qu'un amortissement de la baisse effective du salaire et d'une diminution progressive et constante du pouvoir d'achat, particulièrement nette chez les fonctionnaires, et cela depuis l'indépendance. Que l'on se souvienne des premiers salaires servis par la Fonction publique de la toute nouvelle République algérienne à ses personnels, qui avaient subi une réduction drastique par rapport aux derniers salaires octroyés par celle de la puissance coloniale. Et depuis, pratiquement, l'écart n'a pas cessé d'aller en se creusant. Le dinar s'échangeant à 2 pour 1 franc français dès la fin des années 1970, et est arrivé tout récemment à la fin des années 1990 à s'échanger à 15 voire 18 contre 1, avant de se stabiliser depuis l'instauration de l'euro, actuellement à 100 dinars pour 1 euro, c'est-à-dire pour 7,6 francs français à peu près, ce qui fait environ 100 dinars pour 13 francs. De fait, le pouvoir d'achat du fonctionnaire algérien et avec lui, celui de la majorité du peuple, n'a cessé de se dégrader au fil du temps. Celui-ci ne peut plus se permettre ce qu'il pouvait se permettre encore à la fin des années 1970 et au début des années 1980. c'est-à-dire qu'il ne peut plus comme avant, aller au restaurant, prendre une chambre d'hôtel, voyager, voir un spectacle, s'habiller sur mesure, acheter un appartement décent qui coûte 1 milliard de centimes, soit 1000 fois le SNMG, équivalent national du SMIG ni une voiture qui coûte 100 millions de centimes, soit 100 fois le SNMG, ni même tout simplement relever un tant soit peu l'ordinaire de son menu, dans la mesure où 1 kg de crevettes revient à 2000 DA, soit un cinquième du SNMG, 1 kg de steak pratiquement à 1000 DA, soit un dixième du SNMG et la tomate à 100 DA, soit un centième du SNMG (prix enregistrés à la vente, dans la capitale, à la mi-avril). L'augmentation des revenus et l'amélioration de la qualité de vie, à défaut d'augmentation de salaire pour les fonctionnaires qui, bien au contraire, ont essuyé une diminution des salaires, perdant ainsi au change, c'est bien plus pour une confortable minorité de nantis qui ont eu le temps de s'enrichir depuis l'indépendance sur le dos de la nation et des citoyens, et qui se recrutent parmi les spéculateurs, les affairistes véreux, les fraudeurs fiscaux, les corrompus de tous bords et autres trabendistes, escrocs et trafiquants de tous genres. L'augmentation des salaires, outre l'amélioration du pouvoir d'achat qui va favoriser la consommation et par voie de conséquence la production et la croissance, selon un effet économique direct, aura, de plus, un effet des plus bénéfiques sur la motivation des personnels et travailleurs, le revenu étant un puissant facteur de motivation externe et un incentif de premier ordre qui va stimuler la productivité et permettre la croissance, selon un effet psychodynamique direct à retentissement et impact économique indirect. De la même façon, cela permettra, ne serait-ce que symboliquement, d'atténuer le sentiment d'injustice sociale, de tendre à ressusciter l'espoir et rétablir la confiance, bien mis à mal par les temps qui courent, il faut bien le reconnaître. De la même façon, l'augmentation des salaires, qui n'est en réalité qu'un réajustement partiel en valeur différentielle et limité dans sa portée et son ampleur, permettra de combler partiellement le fossé creusé par la dévaluation du dinar et sa traduction directe en termes de pouvoir d'achat et également juguler partiellement les effets de l'inflation qui est en partie la résultante de la flambée des prix du pétrole, laquelle est précisément à l'origine de la croissance. L'inflation découle de l'augmentation du prix de revient du produit fini et donc des prix à la consommation du fait de la répercussion de la hausse des prix de la source d'énergie servant à la fabrication et au transport des biens de consommation. En somme, en la circonstance, l'inflation et la croissance découlent simultanément de la même cause, la première grevant le pouvoir d'achat et la suivante étant censée l'améliorer, les deux procédant d'une détermination nécessaire. commune, l'une devant précisément équilibrer l'autre puisque l'une est un mal alors que l'autre est un bien qui l'accompagne, comme l'envers et l'endroit d'une même médaille. Dans cet ordre d'idées, à quoi peut bien rimer cette logique qui s'évertue à faire endurer un mal nécessaire, sans pour autant faire profiter des ressources d'un bien procédant de la même nécessité, à l'effet d'en corriger un tant soit peu les effets indésirables concomitants et d'en atténuer l'effet pénalisant ? En d'autres termes, on expose aux rudesses d'un phénomène, tout en privant de la protection du remède que porte en lui ce même phénomène. D'un autre côté, l'augmentation des salaires, et celle du pouvoir d'achat qui en découle, permettra aux travailleurs de se restaurer plus méthodiquement et convenablement, et en fournissant un meilleur apport en énergie calorique, stimulera leur force de travail et l'entretiendra, ainsi que leur rendement et donc la productivité, toutes conditions étant égales par ailleurs, comme de bien entendu. De la même façon et pour les mêmes raisons que précédemment, cela favorisera la résistance aux maladies et préservera de la pathologie carentielle, notamment chez les enfants et surtout les nourrissons, ce qui tendra à diminuer d'autant les dépenses de santé de façon générale et la morbidité infantile de façon particulière. Alors que chez l'adulte, cela tendra à diminuer l'absentéisme au travail et les frais qui en découlent, du fait de la facture de remboursement supportée par la Caisse de sécurité sociale, et des pertes qui en découlent, du fait du manque à gagner par diminution de la productivité. Dans le cas particulier du fonctionnaire, il y aura tendance à une meilleure qualité et un plus grand volume d'activité du service public, ce qui ne fera que conforter la puissance publique et la souveraineté étatique, garantes de la stabilité institutionnelle, laquelle sécurisera davantage l'investissement quel qu'il soit, aussi bien infrastructure que capacité de production, capital financier que capital humain et savoir-faire technique. De même, l'amélioration du pouvoir d'achat et donc de la consommation, en augmentant d'autant les parts de marchés de biens de consommation respectifs, tendra à conforter davantage l'investissement de façon générale. Par ailleurs, il y aura une tendance à la régression de la corruption, ne serait-ce que de façon symbolique, ce qui aura un effet psychologique indéniable sur la conviction d'une rétribution plus équitable témoignant d'une plus juste reconnaissance des mérites, du travail et des droits, laquelle œuvrera dans le sens du retour de la confiance du fonctionnaire en ses dirigeants. A cet effet, il ne faut pas perdre de vue que ce sont les fonctionnaires, grands et petits commis de l'etat, qui assurent et garantissent précisément la promotion de l'image de marque de ce même Etat. De façon plus générale et moins nette, on tendra à diminuer l'agressivité du citoyen, en tendant à atténuer les frustrations, en vertu de la théorie psychologique de la frustration-agressivité, ce qui se traduira sur le plan social par une tendance à moins d'insécurité et de violences, ainsi que par moins de conduites déviantes (suicidaires, toxicomaniaques, délinquentielles et vénales, etc.) et leurs coûts sociaux respectifs. De même, on tendra à atténuer même insensiblement et ne serait-ce que de façon symbolique, le sentiment d'injustice sociale en contribuant à un meilleur accès aux biens de consommation d'une plus grande partie de la population, ce qui tendra à atténuer le sentiment de révolte, ce qui théoriquement, tout au moins, se traduirait par une tendance à moins de frondes, de mutineries et d'émeutes, et donc moins de vandalisme, de saccage et de pillage, et donc moins de frais de mobilisation de services de sécurité en état d'alerte ou sur le terrain des opérations (effectifs et logistique), et également moins de frais de réparation des dégâts et dommages causés, habituellement supportés par l'Etat et les collectivités locales. Enfin, de meilleurs salaires, c'est théoriquement tout au moins, une tendance à la diminution de la corruption chez tous les fonctionnaires en général et ceux du Fisc en particulier, c'est donc une tendance à plus de vigilance pour moins de fraude fiscale et c'est donc en fin de compte, théoriquement toujours, une tendance à la réduction du manque à gagner pour le trésor public. – II.2. Le volet spécifique Pour un réajustement du positionnement catégoriel et une revalorisation du régime indemnitaire du professeur en médecine. Après d'interminables négociations qui avaient duré de 1997 à 2001, au cours d'une réunion à laquelle participaient pas moins de trois ministres, ceux de la Santé et de l'Enseignement supérieur ainsi que celui de la Solidarité nationale, en présence de cadres du ministère des Finances et du directeur général de la Fonction publique, ce dernier nous avait annoncé qu'on allait nous accorder le glissement catégoriel qu'on revendiquait et que le professeur allait être positionné à la catégorie G, la plus haute de la classification hors échelle de la fonction publique (qui, au même titre que les six autres, comporte deux sections) correspondant alors à l'indice 1280. Il avait même ajouté qu'on allait inaugurer cette catégorie de réserve de la République et que cela n'était que justice, dans la mesure où le professeur en médecine devait être situé au sommet de la hiérarchie sociale, conformément aux dispositions de la loi d'orientation sur l'université. Effectivement, peu de temps après, en octobre 2002, un décret présidentiel (décret présidentiel n°2341 du 16 octobre 2002 modifiant et complétant le décret exécutif n°91 471 du 7 décembre 1991 portant statut particulier des spécialistes hospitalo-universitaires) nous avait accordé l'indice 1280, mais de glissement catégoriel que nenni ! Il ne s'agissait que d'un glissement indiciaire aboutissant à un simple positionnement indiciaire. Dans le même Journal officiel, le décret présidentiel n°02 322 du 16 octobre 2002, modifiant le décret exécutif n°90 228 du 25 juillet 1990 fixant le mode de rémunération applicable aux travailleurs exerçant les fonctions supérieures de l'Etat, nous destituait de cette qualité, dans la mesure où le professeur en était jusqu'alors assimilé.(A suivre) (*) Professeur – chef de service à l'hôpital psychiatrique Drid Hocine de Kouba