L'Egyptien Rached Rochdi, directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Paris, a été l'hôte de Constantine. Invité par le Centre culturel français et l'université des sciences islamiques, l'invité de Constantine a donné une conférence intitulée « La science arabe entre l'épistémologie et l'histoire », son terrain de prédilection depuis qu'il sillonne les plus prestigieuses universités pour enseigner ou encadrer des thèses. Devant les étudiants de l'université Emir Abdelkader et en l'absence des universitaires, Rached Rochdi a tenté d'exposer le statut exact des sciences arabes et leur apport pour ainsi permettre davantage d'objectivité et de rigueur dans les études et les méthodes empruntées dans les travaux d'histoire. D'emblée, il a choisi de poser certaines interrogations pour situer par la suite les conditions de l'apparition de l'épistémologie dans l'Occident de la fin du XVIIIe siècle et le regard porté à l'époque des lumières sur une sphère arabe en décomposition. Selon le conférencier, ce regard réduisait la civilisation arabo-musulmane au champ religieux, linguistique et parfois mystique et accordait à l'hellénisme tout le mérite d'avoir inventé la science. « Et pourtant, poursuit M. Rochdi La nahda arabe du IXe siècle était bien plus qu'un maillon historique limité dans la traduction de l'œuvre grecque et portait une réelle transformation. » La traduction, alors, n'était pas le fruit du hasard mais obéissait à un cadre purement scientifique à l'image du travail réalisé par les écoles de Hounein, Ibn Ishak et El Kindi. En outre, « l'historien qui sait regarder ne peut faire l'impasse sur le nouveau cadre offert aux mathématiques avant de plonger dans les résultats », ajoutera-t-il. « Il est vrai que, dira-t-il, que la plupart des références étaient grecques mais il existe aussi d'autres sources qui ont alimenté cette science, aussi riches et diverses et qui touchent à toutes les disciplines. » L'unité de la langue usitée à l'époque, de Samarkand jusqu'à la cité de Fès, en l'occurrence l'arabe classique, a permis le développement et la diffusion de cette science, ce qui permet de la qualifier comme la première science universelle affirme M. Rochdi. Comprendre la cité islamique dans n'importe quel travail historique nécessite d'établir le lien avec les sciences arabes, affirme le conférencier qui avance trois conditions pour la réalisation de ce travail capable d'être le premier jalon pour la réconciliation avec notre histoire. Il s'agit d'abord d'ouvrir la voie pour une nouvelle approche de cette histoire, ensuite renouveler ce regard sur l'histoire des sciences en général pour changer cette fausse image religieuse et enfin connaître parfaitement la culture islamique. Il ajoutera, par ailleurs, que l'Occident ne fera pas l'effort de positiver son regard sur les Arabes si ceux-ci ne changent pas leur propre regard sur eux- mêmes.