Directeur de recherche émérite au centre français de recherche CNRS, l'Egyptien Roshdi Rashed a donné, samedi, au CCF, une conférence qu'il a intitulée « Les mathématiques de la terre dans la civilisation islamique ». Cette formulation n'existait pas à l'époque, devait-il prévenir pour mieux situer son travail d'analyse des textes anciens et les conclusions auxquelles il est parvenu. M. Roshdi s'est intéressé aux domaines d'application des sciences, une nouveauté par rapport à la conception grecque ancienne qui stipule, rapporte-t-il, que la science n'a pas d'autres finalités en dehors d'elle-même. Il considère que ce sont des contraintes de la société islamique (un conglomérat qui s'étale entre le Golfe persique et la façade atlantique) qui ont été, à partir du XIXe siècle, à l'origine de l'apparition de la classification des sciences (référence à un ouvrage d'El Farabi ou à la division des sciences d'Avicenne (Ibn Sina)) et des premiers domaines d'application. Même s'il est encore trop tôt pour parler des sciences appliquées, le chercheur égyptien s'est particulièrement intéressé au célèbre ouvrage intitulé « Ilm al hyal » qu'il a traduit par « Science des procédés ingénieux ». C'est justement sur cette ingéniosité qu'il va se baser pour considérer que « l'intrusion des règles de l'art dans l'objet même de la science va constituer une rupture avec la conception aristotélicienne et euclidienne. » Des applications de la science vont connaître leur apogée au XXe siècle lorsque les mathématiques auront une relation intime avec la Terre. Ceci malgré le fait que, comme ce fut le cas auparavant, on continuait à croire (à tort) là également que la Terre est au centre d'un monde clos et hiérarchisé. La science de la mesure, la projection de la sphère, les instruments d'ombre (cadrans solaires), l'astrolabe, etc., seront autant de spécialités destinées à une meilleure connaissance, c'est-à-dire précise, du monde avec l'intérêt grandissant qui sera accordé à l'astronomie et à la géographie. Pour donner des repères, M. Rochdi cite le manuel rédigé en 1040 d'Ibn El Haithem consacré à l'art de la mesure, les sciences de la projection du philosophe El Kindi et de l'astronome El Ferghani, les études géométriques d'El Kouri et enfin le manuel de fabrication des cadrans solaires qu'on doit à Ibn Sina qui a repris les travaux de son grand-père Ibn Korra. Alors que ce type de manuels destinés aux artisans est considéré comme un fait nouveau, le conférencier évoque également El Beyrouni, célèbre pour avoir notamment développé la projection des formes entamées par Ptolémée. A une question concernant l'astrologie, M. Roshdi relève le paradoxe suivant : « Avicenne qui était philosophe a condamné l'astrologie alors que des mathématiciens, tel El Beyrouni, ont rédigé des manuels dédiés à cette science irrationnelle. » On peut peut-être enfin ne pas être d'accord avec l'éminent scientifique égyptien qui, dans son élan, a estimé que « les théories scientifiques ont été attribuées de manière arbitraire de la même manière qu'on donnerait un nom à un boulevard ! » Des erreurs volontaires ou pas ont dû certainement être commises dans l'histoire et exigent réparation, mais ces exceptions ne peuvent être érigées en règle générale.