Ces lenteurs pèseront lourd dans un futur proche, si des mesures visant à juguler ces sources de vulnérabilité ne sont pas prises. L'ouverture farouche de ce secteur a été caractérisée par des scandales qui ont révélé des appétits voraces en vue de l'aliéner en attendant de l'achever. Cela s'explique par la richesse de ce secteur et sa capacité d'expansion. Pendant que des opérateurs surgissent du néant et se greffent sur les structures d'Algérie Télécom (AT), celle-ci se contente bizarrement de sous-traiter des segments stratégiques des télécoms, à savoir l'ADSL, les publiphones, etc. Ces segments, faut-il le rappeler, représentent une forte valeur ajoutée. Avec un effectif dépassant les 20 000 travailleurs, peut-on se permettre d'élaguer les télécoms de la majorité de leur activité ? L'externalisation est une option que les grandes entreprises réservent aux créneaux secondaires pour consacrer leurs efforts et focaliser leur énergie sur les activités de base, mais en tenant compte de plusieurs facteurs, à savoir les ressources humaines existantes, les métiers prévisionnels, les créneaux porteurs, la formation et la requalification des agents. Malheureusement, AT ne cesse de céder des activités principales au profit d'opérateurs, dont la performance et l'expérience sont, à vue d'œil, en deçà des nôtres. La sous-traitance de l'ADSL ne peut être justifiée par aucun motif. Ce service fait l'objet d'investissements extraordinaires à travers le monde, vu sa forte valeur ajoutée et ses inestimables capacités d'expansion. Si l'on soustrait les travaux de câble, les installations et l'ADSL, que vont faire les travailleurs dans quelques années ? A moins qu'on ait déjà pensé à dégraisser ! La sous-traitance des segments stratégiques d'AT répond à des intérêts occultes. Activités d'AT L'activité d'AT s'articule autour de la fourniture des services des télécoms permettant le transport du son, de la voix, des messages écrits, des données numériques d'information audiovisuelle. Elle exploite et développe la gestion des réseaux publics et privés des télécoms. Elle établit l'exploitation et la gestion d'interconnexion avec les différents opérateurs des réseaux des télécommunications. En plus de la téléphonie fixe qui constitue l'activité principale d'AT et par laquelle elle est en position de monopole, elle intervient aussi dans la téléphonie mobile par la filiale Mobilis, dans les télécommunications par satellite, via sa filiale Vsat. Elle fournit l'Internet (voie IP et ADSL) et dans le service du transport des données par paquets dans le service télex et dans les lignes spécialisées nationales et internationales. AT est dotée d'un réseau de transmission et de commutation numérisé à 100%. Dans le compartiment du fixe, AT gère un parc de 3,4 millions de clients. Elle offre ce service de téléphonie fixe à travers un réseau commercial très large, représenté par plus de 140 agences commerciales et des centaines de points de vente. Déréglementation du secteur des télécoms Au milieu des années 1990, 4 événements ont préparé la déréglementation des télécoms à l'échelle internationale. Le coup d'envoi de cette opération de libéralisation a été donné aux Etats-Unis, suite à la promulgation de la loi sur les télécoms, suivie en 1997 par l'accord plurilatéral sur les télécoms à l'OMC. L'explosion de l'Internet et la crise financière asiatique de 1997-1998 ont sonné le glas du monopole de ce secteur. Les différentes lois sur les télécoms n'ont fait que renforcer leur libéralisation en fixant les conditions de la concurrence entre opérateurs locaux et internationaux sur le même marché. Ce qui a engendré une concurrence terrible. En Algérie, la restructuration et la déréglementation du secteur ont été caractérisées par la vente de 3 licences de téléphonie mobile, une licence de téléphonie fixe, 3 licences de type Vsat, en plus des autorisations octroyées au provider d'Internet, et ce, durant la période 2001-2005. En plus de cette libéralisation, d'autres opérateurs ont eu le privilège de s'approprier des segments stratégiques au sein d'Algérie Télécom, à l'instar de l'Eepad et de Mobilink. AT, changement comme seul horizon Rester sur la rive du passé, c'est sans doute, transitoirement, gommer les angoisses en les niant mais c'est aussi la certitude de n'être demain qu'une entreprise réduite à une simple dépouille. «Si les ghettos sécurisent, ils stérilisent aussi», disait Mouloud Mammeri. Il va falloir s'enrichir d'une nouvelle approche de ces marchés traditionnels, développer un sens commercial et accepter une logique d'une baisse des prix et de l'accroissement des quantités à vendre. Il va falloir s'intéresser davantage qu'hier aux attentes des entreprises et des particuliers. Bientôt, l'entreprise ne pourra plus imposer ses offres. Elle devra s'adapter à la demande. Ainsi, elle doit échapper au goulot administratif et investir dans la réactivité. AT doit jouer un rôle dans l'aménagement du territoire et dans la relance de l'économie. A présent, aucune entreprise ne peut survivre sans téléphone, sans accès facile aux banques de données, aux fichiers informatiques… C'est un moyen d'abolir les distances et de développer les zones enclavées et de bannir l'exclusion spatiale. AT doit faire valoir son potentiel et ses produits multiples (Internet, ADSL, VoiP, Wi-Fi et Wi-Max,…). Il est inadmissible que les nouveaux entrants se permettent de squatter tous les espaces de publicité pendant qu'AT se confine dans un mutisme si débile qu'il tend vers la complicité. Les cadres chargés du marketing doivent anticiper la demande du marché et être prévisionnels. L'agressivité des concurrents ne peut autoriser ni le laxisme encore moins les sautes d'humeur qui semblent s'ériger au sein d'AT en mode de gestion. L'objectif d'une stratégie marketing est avant tout de vendre un produit et de répondre à la demande émanant du client, suivant les exigences du marché. Elle doit se baser sur la mise en valeur du produit avant toute autre considération. Le produit ainsi fourni fera connaître l'entreprise, jaugera sa crédibilité, son efficacité et son standing. Les cadres chargés des opérations marketing peuvent juger leur mission et leur travail réussis, s'ils arrivent à effacer leur subjectivité pour satisfaire celle des clients et faire connaître leurs produits avant de se faire connaître. La fonction marketing, contrairement au marketing politique, n'est pas rigide. Elle est simple et malléable. Elle traduit les exigences des clients dans un produit ou une prestation matérialisés. Algérie Télécom face à l'enjeu de l'économie multimédia La révolution numérique fait converger les trois systèmes de signes vers un équivalent unique. Ecrit, son et image s'expriment désormais en bits. La communication est devenue une industrie lourde comparable à la sidérurgie dès la seconde moitié du XIXe siècle. Alors que les opérateurs télécom étaient mono-métier jusqu'à une époque récente, ils doivent aujourd'hui se préparer à fournir de nouveaux services aux clients, selon le schéma bien connu de la convergence entre télécommunications, multimédia et audiovisuel ; cette évolution se traduit notamment par une augmentation rapide des débits à assurer sur les réseaux pour fournir des services de télécommunications allant de la téléphonie classique à la visiophonie. Des services multimédias allant de la télématique à la vidéo via les services en ligne et l'internet. Des services de télédiffusion allant de la télévision par câble analogique à la télévision numérique, les services à offrir conditionnent l'architecture et les débits des réseaux d'accès, qui sont les segments de la boucle locale le plus proche de l'abonné. Dans cette évolution, les opérateurs de boucle locale filaires peuvent envisager deux scénarios de développement des marchés des services d'accès à l'abonné : – Le premier minimaliste vise des débits moyens de 0.5 à 2 mégabits par seconde par ligne d'abonné, il permet une offre étendue du service téléphonique et d'un accès Internet de haut débit. – Le second plus agressif offre, en plus des services précédents, un service de transport de l'image de bonne qualité. Le développement phénoménal des techniques de numérisation permettent, désormais, de transcrire de manière identique sous une forme informatique aisée à stocker et à traiter tous les types d'information quelle qu'en soit la présentation : messages sonores, texte écrit, image fixe ou animée. Cette unification des techniques de gestion des signes entraîne un effacement des frontières existantes entre les infrastructures, les supports et les métiers des secteurs économiques jusqu'alors séparés : les télécoms, l'audiovisuel et l'informatique. C'est trois secteurs tendent aujourd'hui à se fondre dans un ensemble aux contours encore flous, désigné communément sous le thème multimédia. Cette économie dite émergente est, de par le monde, en voie d'expansion rapide. Cette situation exige d'une entreprise, à l'image d'Algérie Télécom, de s'investir dans ces créneaux. Le nouveau service, dénommé réseau multiservice en phase de concrétisation, présente de nouvelles opportunités de communication et aussi de nouveaux services très performants qui s'étendent à tout le territoire national. Ce nouveau réseau offre plusieurs services pour répondre efficacement aux besoins des clients d'AT. Il assure une adaptation et une bonne flexibilité de réseau et une sécurisation des télécommunications. L'enjeu du rééquilibrage des tarifs Sans vouloir déterrer le fameux scandale d'Orascom, largement rapporté par la presse algérienne, puisque tout le monde semble y consentir, je voudrais néanmoins relater certains faits qui semblent indispensables pour comprendre les défis auxquels fait face AT. L'opérateur historique s'est vu imposer une concurrence déloyale avant toute restructuration et refonte de ses assises. Le premier segment visé a été la téléphonie mobile, eu égard à ses capacités d'expansion et sa richesse. L'octroi de la première licence a été caractérisé par un scandale suivi d'un blocage hitchcockien de l'opérateur historique. Il a fallu attendre avec patience que le nouvel entrant s'installe à son aise pour enfin libérer les fameuses 500 000 lignes GSM longtemps inexplicablement gelées. AT est une entreprise vouée au service public par excellence. Les prix qu'elle pratiquait avant juin 2003 renseignent sur le jumelage parfaitement réussi entre la rentabilité et la satisfaction du citoyen, dès lors que le prix de l'unité était d'une valeur de 0,22 DA en local et de 2,50 DA en interurbain. Ces tarifs étaient très compétitifs. Aujourd'hui que le deuxième opérateur est sur le terrain, il est plus facile de démontrer au simple citoyen que les augmentations successives imposées à AT ont été une œuvre délibérée pour permettre la vente de la deuxième licence fixe et concurrencer l'opérateur historique. L'enjeu de l'ouverture du capital En théorie, ouverture du capital et privatisation ne sont pas identiques. Avec l'ouverture du capital, le capital privé reste minoritaire et l'Etat conserve le pourvoir de décision. En pratique, on voit que l'ouverture détourne rapidement l'entreprise vers le seul objectif de la rentabilité financière au détriment de la bonne réalisation des missions des services publics et des conditions sociale des salariés, ainsi l'ouverture du capital n'est que le prélude de la privatisation. La sociétisation d'AT a donné l'avantage et les moyens d'une gestion et d'une autonomie commerciales adaptée à un environnement économique demandant beaucoup de réactivité. La privatisation d'AT poserait un problème constitutionnel. Ainsi, son maintien sous le contrôle de l'Etat est un impératif politique. Pendant que les USA et l'Europe adoptent leur stratégie à la menace de pays latino-américains et asiatiques, le FMI et l'OMC continuent leur œuvre de démolition des frontières économiques du Sud avec la bénédiction de leurs pouvoirs respectifs. Durant l'année 2006, deux OPA ont été offertes, l'une par ENEL pour le rachat de Suez GDF et l'autre par Mittal Steel pour prendre le géant européen de l'acier Acelor. Ces velléités d'OPA ont suscité des réactions virulentes du gouvernement français et de tous les gouvernements européens. Ils n'ont pas hésité à recourir à toutes sortes de subterfuges pour justifier le protectionnisme. En mars 2005, la compagnie chinoise Cnooc faisait une offre de rachat de 18,5 milliards de dollars de la compagnie union Oil of California. Une hystérie politique saisissait le Congrès. L'OPA a été considérée comme une menace pour la sécurité nationale. AT est une entreprise citoyenne et garante du service public. Les résultats enregistrés jusqu'à présent, et ce, malgré les innombrables difficultés, plaident pour sa sauvegarde et sa protection par les pouvoirs publics et indiquent l'impératif de la prémunir de toute ouverture de capital, synonyme de privatisation, et de la préserver de la concurrence déloyale qui est un devoir national. Le refus de l'ouverture du capital est un acte patriotique que tout syndicaliste sincère doit exprimer. AT face à son héritage AT est une entreprise héritière d'une longue tradition administrative, à la fois source d'atouts et de vulnérabilité. Il lui faut plus de détermination à se dépouiller de ses habitudes monopolistiques dans un monde où la vélocité décide du sort des batailles. On ne transforme pas l'héritage de plus de 20 ans de comportement administratif en l'espace de 3 ans. AT, si elle est riche de ses traditions de services publics, elle est encore handicapée par les conséquences de politique antérieure. La différence entre une administration et une entreprise ne réside pas dans la taille, mais dans la logique contractuelle qui tend à présider aux relations. La négociation se fait avec le client et la salarié avec souplesse en vue d'un accord et d'un compromis. Dans la gestion administrative en revanche, le schéma dominant n'est pas contractuel, il est réglementaire ; il repose l'autorité et le fonctionnement devient unilatéral. Ses concurrents qui, dans un passé très récent, après une entrée en scène plus que scandaleuse et après s'être livrés à une concurrence déloyale à plus d'un titre, se trouvent aujourd'hui aux abois, du fait de la décision d'AT de sortir de l'expectative vers l'offensive commerciale, au service du citoyen et dans l'esprit de la démocratisation de l'accès à la communication. Cela renseigne sur la différence qui existe et existera toujours entre une entreprise nationale, dont la mission principale est de servir le citoyen dans n'importe quelle conjoncture et une entreprise ultralibérale qui ne connaît le citoyen que tant qu'il la sert. Le redéploiement d'AT tombe à point nommé avec la sage initiative d'amender la loi sur les hydrocarbures. Devrait-on déduire de cela que les pouvoirs publics ont enfin compris que l'ultralibéralisme ne mène que vers l'impasse et les intérêts insatiables des firmes multinationales, ou bien serait-ce une nouvelle pirouette dans les querelles claniques au sommet de l'Etat ? La réponse nous viendra, dans les jours à venir, à travers le sort que réserveront les pouvoirs publics aux entreprises nationales et au volet social. Gestion de la ressource humaine Les travailleurs doivent savoir que le monde des télécoms évolue rapidement. Ainsi, les métiers vont changer et nécessiteront l'adaptation. Il y a des branches de l'entreprise où l'emploi devrait connaître un développement important et d'autres qui vont stagner, voire diminuer. Il n'est pas possible de prétendre que tout va changer pour l'entreprise sans que rien change pour le personnel. La reconversion professionnelle ajustée aux priorités de l'entreprise deviendra une nécessité incontournable. AT est centralisée et hiérarchisée à l'excès. Ce qui constitue l'enjeu de sa fragilité. Le poids de l'organisation bureaucratique a continuellement défavorisé l'avènement d'une gestion rationnelle. L'implication des salariés ne peut être mise en œuvre que s'il y a appropriation du projet de l'entreprise. Ce dernier devrait être idéalement participatif et non imposé par la hiérarchie. Le salarié est le porte-parole des valeurs de l'entreprise. Il ne peut y avoir de communication externe crédible et pertinente, sans qu'il y ait une communication interne saine. On ne peut continuer à gérer le capital humain comme un outil de production et atteindre les objectifs de performance tout en ignorant parallèlement les besoins et les motivations de ceux qui devraient les réaliser. La confiscation des pouvoirs de décision de quelques décideurs hauts placés est à l'origine de la démotivation et de la démobilisation des meilleurs acteurs. La mobilisation des salariés passe par une gestion moderne de la ressource humaine. L'exercice du pouvoir au sein de l'entreprise doit mettre en place des procédures de mobilisation fondées sur l'intégration large et par la décentralisation des pouvoirs. Le pouvoir doit être indirect mais omniprésent, plus incitatif que coercitif ; plus dilué, voire éclaté, ce qui ne veut pas dire absence. Abandonner le système de contrôle au sens de la vérification des acteurs. Orienter et non planifier. Remplacer la méfiance par la confiance. Motiver et non surveiller. Le dirigeant doit être un animateur et non un censeur. Gérer le flux d'informations, ascendant et descendant. Capter l'intelligence au lieu de bannir les potentialités. Transformer le cadre dévitalisé en pilote éclairé. Considérer la formation comme investissement au lieu de la considérer comme dépense de fonctionnement. Dans la conjoncture économique actuelle, où la concurrence nous pousse à être à l'écoute du marché, les chefs doivent se trouver sur le terrain et en contact avec la clientèle. Ils doivent se comporter en meneurs qui comptent sur la coopération et l'engagement de tous les travailleurs. Le renversement de la pyramide a été l'idée d'un PDG suédois d'une compagnie d'aviation, Gan Carlzon. Cette pyramide inversée est aplatie. Elle comporte moins de niveaux hiérarchiques. La direction générale subsiste, mais elle fixe la stratégie sans donner d'instructions, les niveaux intermédiaires sont réduits. Les actions restent l'apanage des personnels en contact avec le marché. AT doit procéder à une décentralisation la plus large possible. Les unités opérationnelles doivent se transformer en directions autonomes astreintes à la réalisation des objectifs bien définis à travers la stratégie de l'entreprise, fixées au préalable par la hiérarchie, mais dotées de tous les pouvoirs et moyens lui permettant d'y parvenir. Cela ne pourrait être réalisé sans une décentralisation de l'ensemble des fonctions de gestion. Gestion de la ressource humaine, comptabilité, marketing. L'octroi des budgets bien déterminés à chaque vérification deviendra simple, les responsabilités facilement décelables et toute erreur de gestion sera vite détecté et situé au niveau exact où elle s'est produite. Algérie Télécom, une entreprise citoyenne Livrer l'économie nationale au privé est devenu, sans connaissance de cause, le mot le plus en vogue sur les lèvres de beaucoup d'Algériens. Cet engouement est, sans doute, assidûment suscité par ceux qui se sont mis en posture, depuis longtemps, d'être les ténors du secteur privé, après avoir bénéficié des privilèges du secteur public jusqu'aux plus illicites. Depuis sa création, Algérie Télécom a œuvré, en dépit des difficultés rencontrées, pour assurer un service public de qualité et rendre la satisfaction du citoyen et son épanouissement au centre de ses préoccupations. AT est une entreprise publique qui emploie plus de 20 000 travailleurs et a pu créer des milliers de postes périphériques par le biais des KMS (plus de 40 000), des cybercafés (plus de 5000), en plus de très nombreuses entreprises sous traitantes à différents niveaux, contribuant, ainsi, de manière efficace à absorber le chômage et à garantir les emplois créés à long terme, contrairement à la plupart des pseudo-investisseurs qui excellent dans l'art du sous-payement et du travail saisonnier, voire au noir. AT a donné l'occasion à ses travailleurs d'avoir une convention collective, une représentation syndicale conformément aux textes de la République, contrairement à ceux qui se présentent, parmi les investisseurs privés nationaux et des investisseurs étrangers, comme une alternative au secteur public. Ils ne présentent, en fait, aucune garantie mise à part celle de l'asservissement. En termes de prestations et de compétitivité, le défi est lancé aux opérateurs privés de mettre en valeur une quelconque avancée réalisée dans le secteur public sans recours à des procédés peu commodes et des faveurs acquises dans une concurrence manifestement déloyale, livrée aux entreprises étatiques avec le consentement des pouvoirs publics. Comment ne pas voir le secteur public chanceler dans de telles conditions ? C'est à des défis de cette taille qu'AT, grâce à la vigilance de ses travailleurs, a dû faire face et rendre une longueur d'avance sur ses concurrents, après avoir passé une courte période de léthargie. Conclusion Malgré les difficultés et les tirs croisés, auxquels AT a été livré depuis sa création, il faut avouer qu'elle a tout de même réussi à faire sa mutation. Elle est la seule entreprise nationale à avoir réalisé un saut qualitatif en un temps record. Malgré les manquements qui persistent et qu'AT traîne comme un fardeau, ceux-ci étant hérités des archaïsmes de la gestion administrative, elle a tout de même réussi, grâce à ses travailleurs, à ses syndicalistes sincères et certains cadres dévoués, une transformation radicale qui la met, dès à présent, en posture de relever les défis et de se positionner en toute logique en leader de la téléphonie en Algérie. Elle peut prétendre aiguiser ses ambitions pour un leadership à l'échelle du continent. L'Etat doit continuer à détenir la totalité des actions d'Algérie Télécom, d'abord comme secteur stratégique et de souveraineté, mais aussi comme exemple de réussite du secteur public algérien, et susciter, par là, des initiatives louables en d'autres domaines du secteur public. La réussite d'AT est une preuve irréfutable que le drame de l'économie nationale ne réside pas dans le caractère public des entreprises, mais dans la gestion politique, au gré des forts du moment, de tous les secteurs de l'économie nationale. Sur le plan interne, AT doit en découdre avec le zèle et les ambitions démesurées des uns et les nostalgies archaïques des autres. La rationalité et l'éthique professionnelle doivent passer par l'épreuve de la transparence. Les syndicalistes et les travailleurs doivent se mobiliser davantage pour faire échec aux prédateurs et aux adeptes du néolibéralisme qui s'embusquent à l'extérieur mais aussi à l'intérieur des entreprises publiques. La réussite de cette entreprise a certainement ravi les dignes héritiers de Novembre, mais elle a frustré les ennemis de l'entreprise publique algérienne, symbole de la souveraineté et de la concrétisation de l'indépendance.