-L'Algérie ne cesse de se voir classée en appendice des tableaux en matière d'accès aux TIC et à internet haut débit. D'après vous, à quoi est dû ce retard ? Qu'est-ce qui se fait actuellement afin d'y remédier ? C'est vrai que, comparativement aux évolutions que nous connaissons dans le domaine des TIC, nous sommes en retard en la matière. Ce retard est dû à une conjonction de plusieurs facteurs. Nous n'avons pas apprécié en temps opportun et à sa juste valeur l'importance de l'impact des TIC sur l'économie d'un pays et sur la vie quotidienne des citoyens. Cette défaillance a fait qu'Algérie Télécom, qui est l'opérateur en charge du développement et de la promotion des TIC, n'a pas été accompagné pour affronter cette nouvelle réalité. En d'autres termes, l'ouverture du secteur à la concurrence et la création d'Algérie Télécom se sont faites trop rapidement, sans l'accompagnement nécessaire pour adapter ce secteur à sa nouvelle réalité. Pour y remédier, plusieurs chantiers ont été ouverts. Ils touchent aussi bien la mise à niveau de l'infrastructure à travers le réseau d'accès et le cœur de réseau, les plateformes pour offrir des services à valeur ajoutée et aussi des fonctionnalités qui apporteraient plus de facilités aux clients. Il y a aussi, et c'est le plus important, le chantier de la mise à niveau de la ressource humaine avec un ambitieux plan de formation et de transformation pour adapter cette épine dorsale d'une entreprise, dont la nouvelle mission passe par la réhabilitation de sa dimension commerciale qui se doit d'être centrée sur le client. Il ne peut en être autrement pour un groupe comme le nôtre, activant dans un secteur technologique fortement évolutif, dans un environnement hautement concurrentiel ou qui ne manquera pas de le devenir. -Des investissements en perspective ? Comme vous pouvez le constater, ces chantiers vont nécessiter d'énormes investissements. À titre indicatif, l'investissement annuel que se propose de réaliser Algérie Télécom s'élève à plus de 20 milliards de dinars par an sur plusieurs exercices, pour assainir et mettre à niveau l'infrastructure et se mettre au diapason de la demande, qui devient de plus en plus croissante, sans parler de l'ambitieux plan de développement des TIC initié par les pouvoirs publics et dans lequel s'inscrit Algérie Télécom. Pour le développement des haut et très haut débits, il est prévu notamment le raccordement des localités de plus de 1000 habitants à la fibre optique. -Parlons des fonds propres à l'entreprise et de sa croissance, Algérie Télécom est-elle aujourd'hui en bonne santé financière ? Algérie Télécom est en bonne santé financière et dispose de grandes opportunités. Pour ce qui est des financements, nous réalisons nos projets et investissements sur fonds propres. Pour les indicateurs, nous avons 3,2 millions d'abonnés au téléphone fixe, 1,2 million d'abonnés à l'ADSL. Ce qui ne m'empêche pas de reconnaître que nous sommes tout de même très loin du potentiel du marché. La demande est là, mais il faut savoir l'adresser. Et c'est le grand chantier sur lequel travaille Algérie Télécom. Il est temps de se remettre en cause et ne plus travailler comme par le passé. Il nous faut impérativement nous adapter à notre environnement. -C'est-à-dire ? Vous voulez dire qu'Algérie Télécom est lésée au profit des autres opérateurs ? Lorsque je vous ai parlé d'une ouverture assez précipitée du marché, je voulais dire que nous n'avions pas assez préparé Algérie Télécom pour l'aider à se transformer et à effectuer sa mue. Nous sommes donc restés comme une administration. Mais au-delà de cette question, il faut admettre le fait qu'Algérie Télécom travaille actuellement dans un domaine très sensible qui, outre l'aspect stratégique du secteur, est devenu d'un impact important sur la société et sur le quotidien des citoyens. Il est clair qu'Algérie Télécom va assumer ses missions en se réadaptant, encore faudrait-il que l'environnement facilite les choses à notre entreprise. Je fais référence au dispositif réglementaire qui est assez contraignant, à la bureaucratie, etc. Car à mon avis, une entreprise économique qui, de plus, évolue dans un domaine hautement technologique, qui s'adresse à un marché de masse, doit être extrêmement réactive. -Vous faites allusion au code des marchés publics ? Oui, c'est clair ! Il faut se féliciter qu'une évolution certaine soit perceptible ces derniers temps à travers la volonté affichée par les pouvoirs publics de faire reculer les contraintes à la faveur de l‘élaboration de nouveaux amendements susceptibles d'introduire plus de flexibilité et de réactivité. Cette option est déterminante pour l'avenir de l'opérateur historique, en position de monopole sur certains segments du marché des TIC, surtout que l'ouverture à la concurrence aura lieu tôt ou tard. Algérie Télécom doit se préparer à cette échéance et les pouvoirs publics doivent nous accompagner pour pouvoir effectuer cette transformation. A plus forte raison lorsque l'ouverture en question ne fera, tout compte fait, que dynamiser la concurrence et éviter les situations de monopole. -Sur le marché de la téléphonie mobile, pensez-vous qu'il y ait situation de monopole ? Ce n'est pas un monopole proprement dit, mais nous avons permis à un opérateur d'avoir une avance. Dans des marchés aussi sensibles, lorsque dès le départ un opérateur prend de l'avance, il y a un effet d'écrémage du marché, surtout lorsque cet opérateur trouve toute la latitude de s'accaparer la masse des clients à forts revenus. La rentabilité ne peut être la même pour les opérateurs qui sont venus après. La concurrence est donc faussée dès le départ, a fortiori lorsque l'opérateur public ne dispose pas de la même flexibilité et des facilités que ses concurrents. Lorsqu'un marché est ouvert à la concurrence, il est important que les règles soient appliquées à tous. -Vous pensez que l'ARPT ne joue pas assez son rôle… L'ARPT est un organe de régulation qui s'acquitte de sa mission conformément à des textes réglementaires. Je pense qu'il est nécessaire de faire évoluer le cadre réglementaire pour l'adapter à la réalité d'aujourd'hui, surtout dans un domaine hautement évolutif au niveau des technologies et des usages. -Quelle est la priorité de l'heure, pour vous ? La priorité de l'heure est de rattraper le retard en termes de mise à niveau de l'infrastructure pour offrir une meilleure qualité de service et aussi satisfaire la demande de plus en plus croissante. Algérie Télécom devrait, à terme, anticiper les besoins et arriver à stimuler le marché en tant que promoteur des TIC. Ceci exige également une profonde transformation dans les mentalités au niveau de la ressource humaine pour devenir une entreprise centrée sur la clientèle. -Qu'est-ce qui a empêché jusqu'ici Algérie Télécom de se transformer ? Je vous l'ai dit, la création d'Algérie Télécom n'a pas été accompagnée. C'est-à-dire lorsqu'on est fonctionnaire pendant toute sa vie, on ne peut pas être du jour au lendemain un gestionnaire qui se soucie des normes de rentabilité et du retour sur investissement. Il y a eu aussi toute cette lourdeur administrative et réglementaire ainsi que l'instabilité qui a affecté l'entreprise. Tout cela a créé une inertie au niveau de l'entreprise. Il y a aussi une appréhension des cadres, comme tous ceux du secteur public, vis-à-vis de l'acte de gestion. Tous ces facteurs ont concouru à la situation que nous connaissons. -Etes-vous prêts pour l'exploitation d'une licence de téléphonie mobile de troisième génération ? Ce que je peux dire, c'est que notre filiale mobile a pris toutes les dispositions nécessaires pour être au rendez-vous de la 3G.