Autant de griefs que le ministre en charge de la privatisation et de l'investissement a tenu à porter à la connaissance des membres de directoires d'une trentaine de SGP qu'il a réunis au début de la semaine à Alger. Si aucune information n'a filtré sur la nature des malversations et les responsables de SGP ciblés par les plaintes reçues par le ministère concerné, on sait, par contre, que le processus de privatisation tourne depuis quelques mois au ralenti. Cette situation a amené d'ailleurs M. Temmar à instruire les responsables des SGP pour qu'ils déploient, à l'avenir, «plus d'énergie pour assurer un contrôle permanent sur les activités des entreprises, et ce, par des déplacements et des réunions fréquentes avec les responsables d'entreprises relevant de leur portefeuille». Le ministre des Participations et de la Promotion des Investissements a saisi également l'occasion pour faire remarquer que les Road Shows généralistes «ont atteint leurs limites et qu'il faut s'orienter vers des Road Shows sectoriels spécialisés». Hamid Temmar a décidé en outre pour huiler la machine «grippée» des SGP de tenir dorénavant une réunion mensuelle avec leurs responsables. A rappeler que la réunion tenue par M. Temmar était destinée à faire le point sur l'activité des sociétés de gestion des participations en matière de gestion et de suivi du secteur public économique et à procéder à une large évaluation du système actuel de privatisation. Il s'agissait aussi pour M. Temmar d'informer les participants sur le redéploiement du cadre des investissements (amendements apportés à l'ordonnance 01-03 du 20 août 2001). Pour les observateurs, le ralentissement du processus de privatisation constaté aujourd'hui reste difficilement explicable d'autant qu'il semblait bien reparti depuis que Ahmed Ouyahia présidait le Conseil des participations de l'Etat (CPE) auquel il avait effectivement imposé de se réunir au minimum deux fois par mois. C'est ainsi qu'un peu plus de 300 unités économiques ont pu être privatisées au cours de ces deux dernières années faisant engranger à l'Etat pas moins de 1,3 milliard d'euros de recettes. Avec l'arrivée de Abdelaziz Belkhadem (beaucoup plus politique que technocrate) aux commandes du CPE, le même scénario qu'avec Ali Benflis semble se reproduire. Les questions économiques, notamment la privatisation, donnent l'impression d'être reléguées au second plan et le CPE ne se réunit pratiquement plus. Le chef du gouvernement, qui, de par la loi, est le seul responsable habilité à le présider, ne cache même plus son agacement quant à cette charge qu'il n'a pas le temps d'assumer avec le souhait qu'elle soit confiée au ministre de «la privatisation» et de l'investissement, mieux indiqué, selon lui, pour suivre des affaires (privatisations et investissements) qui relèvent de ses prérogatives. C'est cette démarche, qui, du reste, a reçu un début d'exécution avec le récent placement de la promotion de l'investissement sous la responsabilité directe du ministre des Participations et de la Promotion des Investissements, qui certainement prévaudra dans un proche avenir pour les privatisations qu'un probable réglage de la législation devrait placer sous l'égide de ce ministère. Allégement du processus Hamid Temmar souhaite ainsi alléger le processus de privatisation qui souffre de l'interférence de nombreux intervenants, notamment les SGP dans leur configuration actuelle, dont il est impossible de coordonner les actions. Ce n'est évidemment pas l'avis des responsables des SGP qui affirment, à juste titre, qu'elles ne sont pas, contrairement à ce qu'on pourrait penser, des agences de privatisation mais seulement des agences de négociation, les transferts de propriété ne pouvant être effectués que sur ordre du CPE et du ministre des Participations et de la Promotion. Quant au pouvoir de négociation qui leur est confié, les directoires de SGP estiment l'avoir convenablement rempli et que si retard il y a dans l'aboutissement des privatisations il faut chercher la faute du côté du CPE et du ministère des Participations et de la Promotion qui ne traitent pas les dossiers qui leur sont soumis avec la rapidité souhaitée. Ils estiment, par ailleurs, et ils n'ont pas tout à fait tort, que la précarité de leur situation socioprofessionnelle (pas de statut, mandat arrivé à expiration en décembre 2004 et non reconduit à ce jour, salaire dérisoire comparé à l'ampleur de la tâche et des responsabilités) n'est pas du tout en rapport avec l'importance des enjeux politiques et financiers générés par les privatisations. Si des aménagements salutaires doivent être apportés, c'est au niveau d'une définition claire des responsabilités et de la mise en place d'un dispositif de rémunération suffisamment motivant qu'il aurait fallu agir, estime un membre de directoire qui refuse d'endosser les griefs qui lui seraient injustement portés. «Mettre fin aux fonctions de nombreux directoires comme Hamid Temmar l'a promis ne changerait rien aux résultats, les mêmes causes produisant les mêmes effets», estime notre interlocuteur qui considère que la meilleure façon de faire progresser le processus de privatisation devrait plutôt consister à donner le pouvoir de privatiser et d'établir des alliances aux chefs d'entreprises et aux conseils d'administration concernés. Ils sont les mieux placés pour savoir ce qui doit être privatisé et pour choisir le partenaire le plus convenable. Le ministère des Participations et de la Promotion des Investissements et les SGP ne devraient intervenir que pour contrôler a posteriori le bien-fondé du choix et le respect de la législation en vigueur. Interrogé sur le projet annoncé de confier la direction des SGP à un directeur général et non pas à un directoire à trois membres comme c'est actuellement le cas, un autre responsable de SGP nous confie qu'il n'a rien contre l'unicité de direction et la fusion d'un certain nombre de SGP, mais il n'en voit pas l'utilité si l'organisation générale du secteur public économique marquée par les interférences politico-administratives et la précarité socioprofessionnelle des cadres gestionnaires restent en l'état actuel. Le secteur des capitaux marchands de l'Etat a besoin d'une profonde réforme qui donnera aux managers d'EPE l'autonomie de gestion requise pour prendre en temps opportun les décisions qu'il faut pour améliorer les performances de leurs entreprises. Les cessions d'actifs et le partenariat sous diverses formes sont autant de formules de privatisation qui devraient faire partie des actes de gestion courants généralement inscrits dans les plans stratégiques des entreprises. Ne pas laisser aux gestionnaires la liberté de les appliquer revient, à l'évidence, à maintenir les EPE sous le mode de la gestion administrée, en grande partie responsable de leurs sous-performances.