Cette dimension identitaire et culturelle, restée intacte depuis des lustres, se traduit dans la vie de tous les jours par l'existence de la notion du temps et, par conséquent, du sens de la ponctualité, l'engouement à la lecture, et les spécificités sociale, culinaire et comportementale de ses habitants suscitent un intérêt particulier. On assiste désormais à une condamnation massive qui semble être tout à fait naturelle sans que les responsables concernés ne bougent d'un pouce. Un beau matin à Jijel n'a pas d'équivalent que dans certaines îles paradisiaques du Pacifique, difficile de s'échapper au merveilleux lever de soleil sur la baie ou encore la brume matinale sur la promenade du Casino à l'heure du jogging. Un rêve qui, malheureusement, ne peut pas durer encore des heures quand on se rappelle que c'est le moment de lire la presse sur la terrasse autour d'un bon café local. désert intellectuel Il aurait fallu que je sillonne d'abord les parages de mon quartier pour me rendre compte que l'acquisition de ce fameux canard n'est pas aussi aisée que je pensais. Ensuite, même s'en aller plus loin, l'on n'en est pas encore à ses fins car les kiosques et les librairies de Jijel-ville, par un jeudi ensoleillé, à huit heures, au beau milieu de la haute saison touristique, semblent être vides. hormis quelques titres de la presse people européenne, le syndrome du désert intellectuel dans lequel est plongée la ville depuis plus d'une décennie, rejaillit à l'instant même sous ce soleil de plomb. Digne d'une scène de caméra cachée quand, vers 10 h, le jeune convoyeur tant attendu arrive et délivre ses paquets en toute impunité. En parlant avec un libraire de la ville, il m'avait confié, tout en gardant l'anonymat, qu'il lui est arrivé de recevoir la presse nationale vers midi en basse saison, et que le seul distributeur qui monopolise cette activité rend les comptes à sa guise jusqu'à l'abus quand il s'agit d'une réclamation de la part des revendeurs, tout en ajoutant qu'il faudrait compter encore une heure pour que la proche banlieue ouest soit desservie du précieux quota. Les péripéties de la distribution de produits de tous genres sont bien connues du grand public, l'état de nos autoroutes n'inspirent pas du tout confiance et courage pour en utiliser davantage surtout en périodes des crues et des grands départs de vacances, mais une chose est certaine, on ne condamne pas une population vulnérable dont leurs revendications ne trouvent jamais d'échos auprès des autorités compétentes. Le Jijelien ordinaire débourse dix dinars pour acquérir un quotidien de qualité médiocre et qui ne tarde pas à s'abîmer dans la paume de sa main, le fait revenir à des années lumières. Est-ce que cela est raisonnable lorsque l'on sait que son concitoyen de Ziama Mansouriah, qui se trouve à cinquante kilomètres à l'ouest du chef-lieu de wilaya, a droit à une excellente qualité de papier, de couleurs et d'impression, tant d'énigmes et d'incompréhensions. Libérer ce marché à des investisseurs plus compétents et plus méritants est judicieux comme décision à prendre au profit du bien-être de la population locale, redéployer des moyens supplémentaires afin d'assurer un maillage territorial plus convenable, et surtout contrôler régulièrement les conditions de déroulement de toutes les prestations relatives à cette activité. La concurrence des TIC dictera sévèrement sa loi, même dans le désert de Gobi, comme c'est déjà le cas dans les pays de l'éveil. A quand les territoires numériques ? La rédaction d'un quotidien à grand tirage a eu l'ingénieuse idée de réserver une page toute entière, voire deux, aux informations et dépêches d'une ville considérée, à l'image d'Alger info, et bien d'autres centres urbains. Ce même journal, acheté à Jijel, dispose d'une rubrique réservée à l'actualité des régions de l'est du pays. Chaque jour, une ville est à l'honneur et l'on peut décortiquer toute l'actualité avec un éditorial lui étant strictement consacré. En fait des villes, mais pas toutes, il ne reste qu'à justifier les fondements de ce choix vu par certains concitoyens de l'est, comme discriminatoire ou même impertinent. Les habitants de Jijel s'étonnent devant cette situation caricaturale qui consiste en plus à contraindre les lecteurs de cette ville de s'enquérir de ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, à l'image de Cirta info ou encore Sétif info tout en ignorant les nouvelles locales en l'absence, du moins par respect et considération à certaines agglomérations urbaines qui existaient depuis bien avant l'indépendance, d'une vraie volonté de la part des rédacteurs et concepteurs de faire en sorte que tous les lecteurs algériens se voient représentés équitablement dans les pages de leurs journaux dits nationaux et non pas régionaux ou communautaires. Certes, nous sommes bien loin du phénomène du communautarisme qui sévit dans les pays d'accueil à forte immigration, mais si de telles configurations dans la répartition de l'information et la part de chaque région persistent, il faudrait s'attendre à l'avenir à une sorte de rejet et même de boycott de ce même quotidien et ceux qui se sont mis sur le même concept pour une simple raison, le citoyen recherchant l'info qui lui convient. A l'heure où des communautés urbaines européennes ont réussi à mettre en place le programme des «territoires numériques», une sorte de système territorial d'informations orienté vers le développement des stratégies de communication, en Algérie, la société d'information est dans une posture caricaturale ou même secouée par une absence totale du professionnalisme journalistique. Il m'est difficilement concevable que le lecteur de Nice Matin ne soit encombré par l'actualité détaillée de l'île-de-France au détriment de celle de la promenade des Anglais, à moins qu'il se soit trompé de titre et si ce n'est que pour le Parisien qui devrait s'incliner pour assouvir sa curiosité francilienne.