[email protected] Des lecteurs r�agissent souvent � mes articles sur le Mali ou le football en m'envoyant des courriels qui refl�tent leur int�r�t pour ces questions d'actualit�. C'est tout l'avantage de la r�activit� qu'offre internet. Ainsi, je peux savoir dans les minutes qui suivent la �tomb�e� du journal sur le web, ce que pensent les lecteurs de tel ou tel aspect de cette actualit� br�lante et rapide. Jadis, il fallait attendre que le journal sorte des rotatives, puis, qu'il soit achemin� vers les kiosques ; enfin, que ces kiosques ouvrent pour que le lecteur puisse enfin acc�der � l'information contenue dans ce journal. Et ce lecteur, s'il voulait r�agir, n'avait qu'un moyen � sa disposition : la poste. Au d�but des ann�es 80, j'avais tent� une exp�rience int�ressante au sein du quotidien El Moudjahid. A l'�poque, je m'occupais de la page �T�l�vision� du suppl�ment weekend. J'avais lanc� une rubrique intitul�e �La t�l� et les jeunes� o� j'exposais les avis, dol�ances et critiques des jeunes t�l�spectateurs. Tr�s vite, cette rubrique eut un succ�s foudroyant � tel point que les lettres des lecteurs arrivaient par sacs postaux entiers. Certains parmi vous, qui �taient � l'�ge de l'adolescence ou � peine plus �g�s, s'en souviennent certainement. C'�tait la �r�activit� d'une �poque o� l'�lectronique et le num�rique n'avaient pas pris possession de tout notre environnement et de nos outils de travail et de d�tente. Le t�l�phone �tait bien immobile et d�s que nous quittions nos bureaux et nos domiciles, nous devenions injoignables ! Les jeunes d'aujourd'hui trouveraient bizarre cette mani�re de vivre qui nous allait si bien et qui ne nous posait aucun probl�me. Nous vivions d�connect�s les uns des autres et le t�l�phone n'avait pas la fonction sociale qu'il occupe aujourd'hui. C'�tait un moyen de travail avant tout. Venait ensuite son r�le de lien avec la famille et on ne l'utilisait que pour les communications importantes. On ne se racontait pas sa vie au t�l�phone, comme on le fait maintenant. Aujourd'hui, � minuit dix, c'est-�-dire juste apr�s la tomb�e du journal sur le web, des lecteurs r�agissent. Ils ne sont pas forc�ment en Alg�rie car l'internet a permis de mettre nos �crits � une dimension plan�taire et ce sont souvent les Alg�riens vivant en Am�rique et en Asie qui r�agissent les premiers, d�calage horaire oblige. Les locaux ne se manifesteront que le lendemain matin. Nouvelle g�ographie de lecture. Nouvelle r�activit�. Ce lecteur, jadis confin� au seul territoire national o� �tait mis en vente El Moudjahid, vit d�sormais aux quatre coins du monde et peut acc�der au contenu du journal avant m�me celui qui l'ach�te � la place du 1er-Mai ! Cette r�alit� impose une nouvelle mani�re de concevoir notre m�tier. L'info en ligne est la derni�re n�e des techniques de fabrication des nouvelles. Elle s'appuie sur la rapidit� foudroyante que permet internet mais, en m�me temps, elle peut �tre pi�g�e par une mauvaise technique de la communication. R�cemment, M. Sellal avait dit, au d�but de sa conf�rence de presse, que les terroristes ayant attaqu� In Am�nas venaient du Nord-Mali. Quelque temps apr�s, il pr�cisera que ce n'�tait QUE leur lieu de d�part et qu'ils sont en fait rentr�s par la Libye. C'�tait d�j� trop tard : les sites d'information via internet ainsi que les cha�nes TV d'information en direct avaient d�j� mis la PREMIERE nouvelle en exergue ! Nos responsables continuent � communiquer comme si nous �tions � l'�re du bouclage des quotidiens � minuit, ce qui nous donnait tout le temps de rectifier nos premi�res informations et de les recouper, de synth�tiser les nouvelles et de pr�senter un �round-up� complet. Ces responsables n'ont pas compris que nous sommes � l'�re de l'information imm�diate et c'est d'ailleurs le principal reproche qui leur a �t� fait lors de la trag�die d'In Am�nas : l'absence de communication cr�e un vide inexplicable et difficilement acceptable dans un monde ayant pris l'habitude de vivre, seconde apr�s seconde, l'actualit� mondiale et notamment ses points chauds. Nos dirigeants communiquent toujours en croyant que le journal de 20 heures est la principale source d'information des Alg�riens et des... �trangers ! Le monde va plus vite. Ceux qui tra�nent la patte sont les premiers perdants. Il est impardonnable que nous continuions, cinquante ans apr�s l'ind�pendance et une vingtaine d'ann�es apr�s l'ouverture �d�mocratique�, � vivre sous le joug d'une information centralis�e, censur�e et vieillotte qui est d'ailleurs contr�e par la vivacit� des r�seaux sociaux et l'aptitude de la jeunesse alg�rienne � communiquer via les moyens du XXIe si�cle. A-t-on compris le message adress� par les jeunes aux �l�phants qui nous gouvernent ? L'affaire d'In Am�nas a mis en exergue le patriotisme new-look des g�n�rations de l'apr�s-FIS et de la �r�conciliation nationale�. On oublie trop souvent que les animateurs de ces r�seaux sociaux �taient en bas �ge � l'�poque des massacres et des attentats terroristes. N�anmoins, ils furent marqu�s dans leur chair par les souffrances de leurs proches. Ils ont enfin l'occasion de dire ce qu'ils pensent des agressions terroristes, des carences des civils, de la force et de la bravoure des militaires. On a trop parl� � leur place et leur r�veil brutal montre une nouvelle jeunesse qui n'a plus rien � voir avec les gars h�b�t�s et intoxiqu�s qui r�p�taient les slogans islamistes dans les rues de la capitale. Les r�seaux sociaux signent un patriotisme nouveau, moins guind�, moins marqu� id�ologiquement. Via Facebook, les jeunes ont rendu hommage � l'ANP, d'une mani�re inimaginable il y a une dizaine d'ann�es. Leur reconnaissance posthume au g�n�ral Lamari est un hommage �mouvant � la lutte antiterroriste. Dire �vive l'arm�e�(*) ne renvoie plus au militarisme, mais exprime le respect d� � la seule force organis�e du pays, au seul rempart contre les aventuriers qui veulent l'effondrement du pays et son rattachement au califat du Qatar ! Malgr� toute la propagande actuelle des sites int�gristes et le poids m�diatique des officines fomentant les �r�volutions... r�actionnaires !�, ces jeunes choisissent librement le camp de la libert�, de la d�mocratie et de la modernit�. Ils sont du c�t� de la R�publique et des forces de progr�s. Au moment o� l'on s'y attendait le moins et o� beaucoup croyaient que cette jeunesse ne s'emballait que pour le �patriotisme du ballon�, voil� qu'elle nous adresse un message de fiert� et d'espoir autrement plus rassurant que les imb�cillit�s folkloriques d'attachement � cet autre pays : l'Algir� ! Quand les sentiments patriotiques vont plus vite, sans dirigisme et sans manipulation, quand ils s'�clatent librement sur la toile, port�s par une jeunesse vivante et moderne, il y a de quoi b�nir ces instruments du XXIe si�cle qui prolongent l'amour de la patrie jusque dans les tripes du web ! M. F. (*) Des ch�meurs sont all�s jusqu'� marcher vers le si�ge du secteur militaire de Ouargla pour remettre une lettre � l'ANP l'exhortant � combattre le �terrorisme bureaucratique�.