Tout au long de son article, il nous a tenus en haleine tant par les détails du déroulement des opérations que par le souffle continu et ininterrompu de son récit, et ce, malgré l'insertion de quelques éléments d'information relatifs au front de l'intérieur (deuxième colonne de la page15). Là, il ne parle plus de second front, mais d'un second souffle. Ces deux termes (second front et second souffle) ne sont nullement identiques et véhiculent des notions diamétralement opposées. Non apparente mais réelle, la contradiction nous suggère à la fois l'élargissement du combat (second front) sur le sol français et son oxygénation (second souffle) après qu'il ait perdu de sa vivacité et de son mordant sur le sol national. Et l'auteur d'étayer sa vision des choses par des arguments qui ne s'appliquent nullement à la période considérée : «piétinement de combat,… affaiblissement momentané mais certain de l'ALN, consécutif au rouleau compresseur,… l'ALN marque militairement le pas dans les maquis», … et j'en passe !… Qu'en est-il exactement de la situation militaire sur le sol national, pour la période en question ? En WiIaya III historique, l'ALN n'a jamais été aussi puissante qu'en 1958, avec ses bataillons de zones, ses compagnies de régions, ses groupes commandos de secteurs, ses groupes de moussebline, ses structures issues des décisions du congrès de la Soummam. Elle a asséné des coups terribles à l'ennemi : l'enlèvement du poste militaire de Hourane (entre B.B. Arréridj et M'sila) avec récupération de 63 charges de mulet d'armes et de munitions ainsi que la mise hors d'état de nuire d'une centaine de soldats dont 19 prisonniers, le lieutenant Dubos, en tête en mai 1958, en est la preuve éclatante. Les batailles d'Aït Oumalou, lors du voyage de de Gaulle le 12 juillet 1958, de Taourirt Aden, de Tizizit, d'Aït Frah, de TaIa Khelil, de Tizi Bouaman, de Tamgout, de Mizrana pour ne parler que de celles-là en zone 3, restent gravées dans la mémoire collective. Même au faîte de la «Blevite» qui a vu les services secrets de l'armée française prendre leur revanche sur l'ALN en lui faisant éliminer 572 de ses meilleurs combattants, et ce, pour lui rendre la monnaie de sa pièce de l'opération «Oiseau Bleu» entre novembre 1955 et le 29 septembre 1956 (1500 hommes, 1200 armes et munitions, plus de 300 millions de francs de l'époque répartis entre les wilayas lors du congrès d'Ifri, etc.), les unités de l'ALN étaient plus mordantes que jamais : le bataillon du Djurdjura sur ses gardes a fait subir d'énormes pertes à l'ennemi, lors des batailles d'Illilten, d'Aït Ouabane et de Tala Guilef. Le «rouleau compresseur», dont a parlé l'auteur de l'article, n'a commencé son œuvre que le 22 juillet 1959, lors de l'opération «jumelles» où les effectifs de l'armée française, en Wilaya III historique, ont été augmentés de 60 000 hommes, le tout, placé sous la houlette du général Challe de triste mémoire, et la supervision de de Gaulle en personne, notamment lors de sa «tournée des popotes», en tenue de général de division. Ce n'est qu'à partir de cette opération, où l'ALN a perdu les trois-quarts de ses effectifs en Wilaya III historique (il lui restait à la fin de l'opération 4800 combattants y compris les moussebline, sur 12 000), que celle-ci a commencé à «marquer le pas». Mais le renouveau se fera à partir de 1960, avec la création d'unités légères et fluides (groupes commando et acheminement) et la forte mobilisation des femmes moudjahidate et moussebilate. Femmes et unités légères ont pu réaliser l'enlèvement de plus de 20 postes militaires avancés, grâce aux contacts établis par nos moudjahidate et moussebilate avec les appelés algériens enrôlés dans l'armée ennemie. Quant à Fethi Dib, chef des services secrets égyptiens, il ne peut être cité par le troubadour dans son récit. Il n'avait aucun droit de regard sur la manière de mener notre combat. Celui ou ceux qui ont reçu son jugement sur l'ALN (qui) a perdu le souffle auraient pu lui répondre vertement, d'autant plus qu'avec ses suggestions à la fois suaves et diaboliques, Il n'était pas étranger à l'assassinat crapuleux de Abane Ramdane qui avait exigé de ses collaborateurs le transfert du siège du FLN du Caire à Tunis sur la base des recommandations de la plate-forme de la Soummam, dont l'une d'elle stipule que notre révolution n'est «inféodée ni au Caire ni à Moscou, à Washington ou à Londres». La lutte était menée pour une «Algérie algérienne» — depuis les années 40 — et non pour remplacer «l'Algérie française» par une autre qui ne soit pas de nos racines ancestrales le peuple étant un et indivisible, qu'on soit arabophone ou amazighophone de culte musulman, juif, chrétien ou libre penseur. En bref, nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que l'offensive du 25 août 1958 et les jours suivants représente l'ouverture d'un second front. Quant au «second souffle», l'œuvre reviendra exclusivement à ceux qui ont bravé, de leur poitrine nue, les mitrailles et bombes ennemies, lors des grandioses manifestations du 9 au 16 décembre 1960, sur tout le territoire national, puis à ceux du 17 octobre 1961 à Paris et sur le reste du sol français, dont des centaines ont été noyés et emportés par les eaux de la Seine. Je me suis senti en devoir de faire cet éclairage sur la situation de l'ALN en 1958, pour ne pas laisser le frère Ali Haroun dans l'ignorance d'une réalité qu'il n'a pas vécue.