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L'ouverture, miroir aux alouettes
Publié dans El Watan le 12 - 09 - 2006

La présentation d'expériences récentes ou plus anciennes en matière d'ouverture sur l'extérieur et de leurs résultats, l'exposé des travaux reconnus concernant les effets de la libéralisation du commerce ou les coûts et les bénéfices du recours au capital étranger ont apporté beaucoup à l'analyse de la stagnation et même du recul de l'industrie dans la région aussi bien qu'à la définition des politiques à mener pour que cette activité devienne ou redevienne dans chaque pays le moteur de la modernisation de l'économie et de la société. Mais à en juger par la tonalité de la discussion lors de ces deux jours et ses prolongements dans la presse dans les semaines qui ont suivi, cela n'était pas suffisant pour extirper toute la confusion qui entre dans ce débat.
De quoi parle-t-on ?
Selon le dicton, il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, mais une frontière n'est pas une porte comme on le laisse trop souvent entendre. Disons d'emblée qu'il est ridicule d'agiter l'épouvantail de l'autarcie pour défendre l'ouverture. Dans l'histoire moderne, il n'y a pas de pays qui ait été de manière durable complètement fermé aux échanges extérieurs, même l'Albanie d'Enver Hodja ; et en matière d'histoire de la pensée économique, il n'y a guère que l'Allemand Fichte qui ait défendu la fermeture totale de l'économie dans l'ouvrage qu'il a publié en 1800 et qui était intitulé l'Etat commercial fermé. La réalité d'aujourd'hui est celle d'une ouverture déjà assez large partout ; elle est même plus importante qu'on ne le pense pour les pays du Sud, avec des ratios exportations ou importations/PJB souvent supérieurs à ceux des pays développés. Pour l'Algérie, les exportations représentaient en 2002, 33,5% du PIB (21,8% pour la France) et les importations 23, 4% (21, 6% pour la France). L'ouverture qui est tant réclamée, ce n'est donc, en fait, que plus d'ouverture et il faut ajouter que cela ne concerne que le côté «entrée» des échanges : plus d'ouverture aux produits étrangers, plus d'entrées de capitaux. Malgré tout, le volume de ces flux n'est pas l'essentiel. Ce qui importe, c'est la portée de l'ouverture, à savoir une libéralisation plus ou moins complète du marché intérieur, avec le double sens que le dictionnaire donne au mot libéraliser : rendre plus libre, rendre plus libéral. N'est-ce pas ce que disait la présidente du patronat français qui visitait l'Algérie dans les jours qui ont suivi le séminaire de l'Adresss : «l'Algérie de demain, celle qui, portée par ses recettes pétrolières, relève la tête, tout en favorisant une économie plus libérale»? Et Madame Parisot
poursuivait : «Je vois Alger comme un acteur majeur d'un cercle méditerranéen laissant circuler librement les biens, les services et les personnes.» Tout un programme auquel adhèrent sans doute ceux qui proclament que les stratégies nationales d'industrialisation ont fait leur temps.Cette ouverture-libéralisation est souvent appuyée sur l'idée des bénéfices qu'elle apporte aux consommateurs. L'argument est bien connu : les importations offrent un choix plus large de produits et de meilleurs prix. On ne dit pas si cela vaut pour tous les consommateurs mais surtout on ne regarde pas l'autre face de la médaille : la concurrence souvent mortelle que les importations livrent aux produits locaux. Il y a déjà longtemps qu'on a constaté que les importations de produits alimentaires de base (céréales, farine, sucre, huile) amenaient les paysans à délaisser ces productions et finissaient par provoquer la régression de toute l'agriculture de subsistance. C'est aujourd'hui l'industrie qui est touchée et gravement, parce que ce ne sont pas de simples fermetures d'entreprises auxquelles on assiste mais bien la disparition de certains «métiers» et avec eux des compétences qu'ils portaient, et plus fondamentalement c'est la destruction d'un tissu industriel. Ceux qui pensent encore qu'aujourd'hui le commerce peut être «industrialisant» devraient réviser leur position. La corrélation entre ces phénomènes de désindustrialisation et la libéralisation des échanges extérieurs a été clairement et indiscutablement établie (voir en particulier l'étude de M. Shafaeddin pour la Cnuced en 2005). La rhétorique de l'ouverture fait encore plus problème lorsqu'il s'agit de l'investissement. L'ouverture commerciale a toute chance d'être rapidement suivie d'effet, il y a dans le monde tant de produits à vendre, tant d'entreprises à la recherche de débouchés ! Avec le capital étranger, c'est une autre affaire ! Il ne suffit pas d'ouvrir la porte pour qu'il entre et, encore moins de, lui en donner l'ordre pour le voir arriver. N'oublions pas le b. a-ba : l'investissement à l'étranger fait partie, comme l'exportation du reste, de la stratégie d'une entreprise, c'est une décision dans laquelle, en général, le pays de destination ne joue pas un grand rôle. Cela signifie d'abord qu'on ne sait pas dire, a priori, avec certitude quel pays sera choisi par une entreprise qui veut s'engager à l'international. Une multitude de travaux ont enquêté sur les déterminants de la localisation des filiales, des sous-traitants ou encore des franchisés mais leurs conclusions sont bien décevantes pour ceux qui voudraient voir du capital arriver chez eux. Si l'on peut identifier de grandes catégories d'attraits comme les ressources naturelles, la main- d'œuvre pas chère ou encore la grande dimension des marchés, on sait qu'elles valent plus pour désigner la région de destination que le pays choisi dans cette région. Bref, il n'y a pas de mystère dans l'intérêt du capital étranger pour le secteur algérien des hydrocarbures mais on n'est pas près de comprendre pourquoi des grandes firmes américaines du secteur de l'habillement sont allées chercher des sous-traitants au Lesotho ; de même, s'il semble plus probable que l'IDE aille vers un pays qui s'est donné une stratégie claire et ferme de développement, il n'est pas exclu que des maisons mères privilégient pays «mal gouvernés». Et puis, les politiques d'attractivité ont fait long feu : si un pays pouvait autrefois s'ingénier avec succès à attirer le capital étranger, il n'est plus certain qu'il y réussisse aujourd'hui tant est vive la surenchère entre les pays «demandeurs d'JDE».
Capital étranger et développement industriel en Algérie : quel rapport ?
Il est clair que pour l'Algérie, la désindustrialisation ne s'explique pas seulement par l'ouverture commerciale et les réformes imposées par le FMI en 1994 et dont les effets ont été sûrement augmentés par l'accord d'association signé avec l'Union européenne.
La politique d'investissement – on devrait dire de désinvestissement – qui remonte aux années 1980 y a aussi puissamment contribué (celle-ci n'était-elle pas le premier pas vers la libéralisation que le programme de 1994 allait formaliser ?) Mais les études les plus avancées sur l'Investissement étranger direct (lED) ne permettent pas de croire que l'ouverture au capital étranger permettra d'inverser la tendance et c'est une idée bien saugrenue qu'a lancée le vice-président du CNES quand il a déclaré : «Ceux qui veulent vendre en Algérie doivent y investir.»Laissons de côté les études qui ont fourni des évaluations précises du rapport avantages/coûts de l'entrée du capital étranger ; leurs conclusions portent à considérer que «les pays ne devraient pas chercher à promouvoir l'investissement direct étranger» parce que ses retombées sur l'industrie locale restent incertaines quand elles ne sont pas négatives et qu'il n'est pas un bon instrument pour le transfert de technologie tant espéré. C'est exactement ce qui ressort de l'«examen de la politique de l'investissement en Algérie» publié par la Cnuced en 2004. Une question plus importante est celle de l'investissement et de sa dynamique. On s'illusionne si on pense qu'un accroissement de la part des flux d'IED dans la FBCF signifie accroissement des capacités de production industrielle (et aussi d'emplois) sur le territoire national puisque presque la moitié de l'IED correspond à la prise de contrôle d'entreprises existantes et qu'en outre, ces fions-acquisitions sont plus souvent suivies d'opérations de restructurations que d'extension des installations rachetées. On comprend pourquoi le rapport déjà cité de la Cnuced qui évalue à 8, 2% la part de l'JED dans la FBCF algérienne ne s'aventure pas à proposer une évaluation du nombre d'emplois créés. Mais surtout, ce qui compte c'est l'influence de cet investissement étranger sur l'investissement national. Différentes études économétriques portant sur l'épargne interne ou sur la FBCF montrent que cette influence est plus souvent négative que positive ; il y a «effet d'éviction» : l'investissement national se dérobe, il est comme chassé par l'investissement étranger. C'est bien ce qui semble se passer en Algérie depuis que les flux d'JDE ont commencé à augmenter de manière significative. L'investissement public a stagné alors que les ressources de l'Etat croissaient fortement ; l'investissement privé n'a pas évolué en proportion de la hausse du taux d'épargne. Autre problème d'envergure, les politiques d'attractivité qui finissent par laminer les marges de manœuvre de la politique nationale. Avec la libéralisation de l'économie et les privilèges fiscaux ou autres concédés pour attirer le capital étranger, l'Etat se retrouve les mains liées ; il est privé (il s'est privé) des moyens d'orienter et de stimuler le développement industriel national ; il n'est plus en mesure de promouvoir l'expansion des activités industrielles en rapport avec les besoins du marché intérieur et de l'emploi ; sa politique industrielle se ramène à des mesures d'amélioration du «climat des affaires». N'est-ce pas exactement ce qui se passe aujourd'hui en Algérie ? On le pressent à la lecture de certains rapports sur la stratégie industrielle qui préconisent «une démarche pragmatique laissant opérer les forces du marché» et qui font d'un bon «environnement d'affaires» la condition préalable de l'efficacité de la stratégie. On en est convaincu quand on observe sur le terrain, l'absence totale de guidage de la répartition sectorielle des investissements, le comble étant atteint avec un secteur de la construction immobilière laissé aux groupes asiatiques et spécialement aux groupes chinois qui n'emploient que de la main- d'œuvre chinoise. Devra-t-on- encore une fois invoquer la «malédiction des matières premières ?»
L'auteur est Professeur à l'université Stendhal
de Grenoble


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