Le Tageszeitung, quotidien de gauche, estime qu'«au vu du discours malheureux du pape, les réactions consternées des associations musulmanes d'Europe apparaissent proportionnées et compréhensibles. Cependant, exiger des excuses immédiates est exagéré et ne sert qu'à envenimer la situation». Pour le journal, il faut plutôt des avis éclairés qui fassent appel pour calmer la situation afin d'éviter l'escalade. «D'autant plus que l'escalade permettrait aux ‘‘hooligans religieux'' d'approuver le préjudice d'un Islam violent, que le pape a exorcisé», a ajouté le journal. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung, quotidien conservateur, pour sa part, relève que «dans un autre monde, les mots du pape n'auraient posé aucun problème. Dans le monde où nous vivons actuellement, ils posent un problème. On sait très bien — dans une situation géopolitique pareille — en quoi peut se transformer ce genre de mots ‘‘étonnemment abrupts'' (Benoît XVI) ; même s'ils ont été cités correctement. Il reste opaque comment un passage tellement facile à instrumentaliser a pu faire partie du discours de Ratisbonne. Cela reste opaque d'autant plus qu'on n'a aucune raison pour supposer au pape d'avoir de la haine personnelle envers l'Islam». Mais, selon le journal, l'intérêt principal est autre. «Ces émotions qui chauffent quand un Occidental se sert désagréablement de son droit de libre expression montrent que le pape a raison. Ces réactions démesurées prouvent que le pape a traité le bon sujet. Les trublions extrémistes dans le monde arabe révèlent une chose : à Ratisbonne, le pape n'a nullement été l'avocat de quelques intérêts particuliers ; il était l'avocat du monde séculaire», estime le journal conservateur. Le Süddeutsche Zeitung, quotidien libéral, dresse, de son côté, le tableau : «Le schéma est le suivant : une critique faible déclenche l'accès de colère des pouvoirs islamistes (…). Ceux-là donnent au débat une notion politique pour radicaliser les opinions. De plus, cette radicalisation sert également à critiquer les dirigeants politiques pro-occidentaux. Pour ne pas se confronter à leurs peuples, ces dirigeants se mettent d'accord avec les défenseurs de l'Islam. Cette réaction apparaît comme une légitimation de la colère des masses et la rend encore plus forte.» Pour ce journal, le pape aurait pu prévoir tout cela. «Affirmer que l'Islam soit au fond une religion violente est une chose insupportable pour les musulmans — d'autant plus qu'il y a eu dans l'histoire les croisades et la colonisation. De leur point de vue, les musulmans avaient été constamment contraints à se défendre contre une violence chrétienne», observe-t-il.