Le pape a bien failli, cette fois, à sa mission, celle d'apaiser les tensions et les coeurs des hommes. Les propos du pape Benoît XVI sur l'islam et son prophète Mohamed (Qsssl), tenus mardi dernier lors de son discours devant les étudiants de l'université de Ratisbonne, soulèvent de vives réactions en Europe et dans le monde, particulièrement au sein des milieux musulmans. Tenus par un homme dont on dit la grande érudition dans les domaines théologique et historique, les propos surprennent par leur violence et leur perfidie. «Montre-moi donc ce que Mohamed (QSSSL) a apporté de nouveau. Tu ne trouveras que des Choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait.» Benoît XVI citait les paroles de Manuel II, un empereur byzantin du xive siècle, lors d'un débat avec un théologien musulman. De la lointaine Inde, où les musulmans représentent plus de 13% du milliard d'habitants, au Pakistan, majoritairement musulman, et jusqu'en Europe où les associations, personnalités et autres institutions représentatives de l'islam, les condamnations des propos en question sont unanimes. «De l'huile sur le feu» estime le chef des Frères musulmans en Egypte. «Les propos du pape sonnent comme ceux de ses prédécesseurs du Moyen Age» pense la Commission des minorités en Inde. «Rappel de tous les ambassadeurs musulmans présents à la cité du Vatican à Rome», avance le parti Ouma du Koweït. «Que le Vatican exprime sa véritable position à l'égard de l'islam et de ses préceptes», déclare l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Et jusqu´à la Turquie qui pourrait annuler la visite du pape prévue pour les 28-30 septembre dans ce pays, où 95% de la population est musulmane. En Europe, la prière du vendredi a été l'occasion pour les imams d'appeler les fidèles à la retenue sans pour autant atténuer la gravité des propos blessants du pape. Le chargé de presse et porte-parole du Vatican, le père Fédérico Lombardi, est intervenu, vendredi soir, pour affirmer que «le pape n'a pas eu l'intention d'offenser la sensibilité des croyants musulmans», sans que cela calme les esprits. C'est que les propos du pape interviennent dans un contexte international tendu. Au moment même où Ayman Al Zawahiri, le n°2 d'Al Qaîda lance son appel au djihad contre l'Occident impie, et que le Gspc terroriste en Algérie déclare, ouvertement, son allégeance à Al Qaîda; au moment où le Moyen-Orient, de l'Irak au Liban et en Palestine affronte la plus grande des crises politiques, voilà la «référence» du christianisme catholique qu'est le pape, faisant dans l'escalade et la surenchère. Mardi, le pape tenait ces propos irresponsables, mercredi l'Etat allemand permettait, pour la première fois, l'ordonnance de trois rabbins pour servir la communauté judaïque. Simple coïncidence, certainement, mais combien révélatrice du sentiment «ségrégationniste» cultivé dans le conscient collectif de l'Occident par les appareils idéologiques, dont l'église conservatrice en est un ardent militant. Comment lutter contre les tenants du «choc des civilisations» ou les adeptes de nouvelles croisades, lorsque le Saint siège ravive les tensions par des propos tenus au XIVe siècle dans un contexte précis? C'est du pain béni pour les intégristes musulmans qui recherchent la confrontation dans le retour aux siècles d'or de l'islam. Le pape, considéré comme infaillible aux yeux des catholiques, a bien failli, cette fois, à sa mission, celle d'apaiser les tensions et les coeurs des hommes, de tous les hommes, quelles que soient leurs croyances religieuses. D'autant plus que le dialogue interreligieux, recommande davantage de retenue et surtout de clairvoyance de la part de ceux-là mêmes qui sont censés diffuser la «bonne parole».