Encore faudrait-il que les téléspectateurs algériens puissent avoir le droit de les voir. Entretien avec M'Barek Menad, producteur – réalisateur du documentaire (52 minutes, août 2006) intitulé Claude Vinci. Un mot d'abord sur la trame du document : qui est Claude Vinci ? M'Barek Menad : Le film retrace l'itinéraire si singulier de Claude Vinci qui a déserté l'armée coloniale française un certain 8 août 1956 lors d'une expédition punitive dans les Bibans. Convaincu « qu'on ne peut être que du côté des opprimés », il rejoint la Fédération de France du FLN en ayant comme responsabilité la réception puis le convoi des collectes qui servaient au financement de l'ALN et des activités du Gouvernement provisoire algérien (GPRA). Pourquoi et comment a germé en vous l'idée de vous consacrer à la réalisation de cette œuvre ? Claude Vinci est un militant communiste convaincu et un profond humaniste doublé d'un courage intellectuel inouï. Il a pour boussole politique sa propre conscience qui le mènera à prendre ses responsabilités intellectuelles face aux drames qui frappaient l'Algérie à cette époque. Artiste – chanteur, ses chansons reflétaient son romantisme révolutionnaire. Vinci est un homme modeste et humble, et le demeure en toute circonstance. J'ai eu la chance et le plaisir de le rencontrer lors d'un atelier de mémoire initié par un partenariat Algérie – Bretagne, où des anciens de la guerre d'Algérie nous rencontraient, nous jeunes algériens nés post indépendance. Le récit de Vinci m'a vite captivé. Là a germé l'idée de faire découvrir ce personnage si humble et particulier à l'ensemble des Algériens qui, j'étais certain, ne pouvaient que lui vouer reconnaissance. Et je voulais aussi avoir une approche de la guerre à travers cet homme hors paire. L'histoire officielle, ou les histoires officielles nous ont donné des clichés, plutôt figés de ce vécu commun entre les Algériens et les Français. Ainsi je voulais ce travail comme un élément constructeur de cette mémoire qui lie les deux rives, pour exorciser les haines. Quels ont été les moyens matériels et humains dont vous avez pu disposer ? Les moyens de réalisation étaient dérisoires. Ma volonté d'aller au bout de cet acte de mémoire a été le capital qui a fait avancer la réalisation du film. J'ai eu la chance de rencontrer Samuel Nissim, cameramen français, lors du Goncourt des lycéens auquel j'ai pris part avec une de mes élèves. Je lui ai exposé le projet, il m'a donné son accord, et 6 mois après on s'est retrouvés dans les locaux de l'Association culturelle berbère (ACB) pour réaliser l'entretien avec Vinci, avant même sa rémunération, reportée à la première rentrée de recette. Je continue de le remercier pour cette confiance. Hocine Redjala m'a été d'une grande assistance aussi. Votre documentaire est prêt à la programmation télévisuelle : comment se présente cette étape du parcours de combattant ? J'ai réalisé ce film en ne pensant pas trop aux problèmes de la diffusion, l'essentiel était d'arriver à le créer. J'ai déjà entrepris des contacts pour la programmation par des associations culturelles ; l'ENTV ne s'est pas illustrée jusque-là par la découverte de jeunes réalisateurs indépendants ; les chaînes françaises je n'ai pas trop de prétention… J'ai fait ce film en bonne partie pour Claude Vinci lui –même, comme preuve de reconnaissance et d'amitié à ce « grand frère ». Tout de même j'irai frapper à toutes les portes. Ce film je l'ai réalisé avec des dettes ; mais notre dette envers cet homme est plus importante.»