On le savait depuis longtemps, nous ses proches ou moins proches, Claude Vinci �tait tr�s malade. La souffrance physique lancinante, tyrannique �tait sa compagne depuis des ann�es. Ne parvenant pas � la vaincre, il tentait de l'apprivoiser. Claude ne souffre plus. Le mercredi 7 mars au matin, Claude nous a quitt�s. Il s'en est all� rejoindre Eluard, Ferr�, Ferrat au Panth�on des po�tes. Il a rejoint Adrien, son compagnon martyris� au maquis du Berry, pendant la Seconde Guerre mondiale, Mohamed Boudia son contact dans la clandestinit� pendant la guerre de lib�ration, et tant d'autres rebelles victimes de leurs communes utopies. Claude �tait un combattant, un r�sistant pugnace � toutes les oppressions, � toutes les injustices sur tous les terrains o�, depuis l'enfance, les circonstances l'avaient conduit. N� Berrichon dans une famille d'instituteurs communistes de souche paysanne, Claude s'est retrouv� � l'�ge de douze ans secondant ses parents au maquis du Berry. Plus tard, ing�nieur chimiste et footballeur bient�t professionnel, il choisit finalement la carri�re de chanteur dans les pas d'Yves Montand, son parrain de sc�ne. Mais pour lui, la chanson ne pourra �tre que �rive gauche�, autrement dit engag�e dans l'action militante. Il sera le premier � mettre une m�lodie sur les po�mes de Paul Eluard, Tout dire et Libert�. Les guerres coloniales provoqueront l� encore son engagement. Rappel� en Alg�rie en 1956, il obtemp�re bien d�cid� � porter le combat anticolonialiste au sein m�me de l'arm�e. Mais la machine de guerre terrasse ses illusions et il d�serte apr�s avoir assist� impuissant au massacre des derniers habitants de Beni-Wegag, un douar de la wilaya de Bordj-Bou-Arr�ridj. Il vivra les derni�res ann�es de guerre dans la clandestinit� au sein de la F�d�ration de France du FLN. Outre le transfert des fonds et des hommes, il sera celui qui rapportera d'Italie le chant r�volutionnaire qui deviendra l'hymne national alg�rien. En 1980, l'Alg�rie lui attribue le titre de Moudjahid d'honneur. La lettre qui l'informe de cette reconnaissance d�taille les raisons de cette attribution, d�sertion et mise au service du FLN, sans omettre les deux chansons cr��es par Claude, Pr�s d'Amoucha et Celle que je n'aurais pas voulu faire, �qui sont � notre connaissance, sp�cifie la lettre, les deux seules chansons fran�aises ayant pour sujet principal notre guerre de Lib�ration vous affirmant ainsi comme le seul chanteur fran�ais ayant particip� �galement artistiquement � notre lutte�. Son engagement individuel en tant que chanteur et auteur est aussi collectif par son h�ritage communiste d'une part, et son adh�sion � l'action syndicale d'autre part. Claude a constamment tent� de concilier toutes ses vies, celle de chanteur bien s�r mais aussi d'auteur et de responsable au sein du Syndicat des artistes. Car la �manif� �tait sa culture au m�me titre que l'engagement syndical, la seule fa�on, disait-il, d'affirmer son existence dans un monde d�shumanis�. En octobre 2008, Claude Vinci �tait l'invit� de la wilaya de Bordj-Bou-Arr�ridj, lieu de sa d�sertion. Il a relat� dans les pages du Soir d'Alg�rie l'accueil �mouvant qui lui avait �t� r�serv� lors de la projection du Non de Vinci, le film documentaire que le r�alisateur M'Barek Menad lui a consacr�. Claude n'est plus. Je n'entendrai plus le matin au t�l�phone sa belle voix me saluer d'un tonitruant : Bonjour camarade ! Je ne le verrai plus dans l'embrasure de sa porte me saluer le point lev� en guise de connivence en souvenir du temps des luttes ouvri�res. Je ne l'entendrai plus me dire La Grande patience, comme le titre de sa chanson, celle qu'il faut pour garder vivante en nous l'esp�rance. Je ne reverrai plus ses grands yeux bleus fix�s sur le levant, son beau sourire g�n�reux et sa �gueule de marrant�.J'ai eu l'honneur d'�tre son amie et sa biographe. En souvenir de mon p�re Serge Michel qu'il admirait et dont il se sentait tr�s proche, il m'avait confi� cette t�che. Je n'y d�rogerai pas. Claude �tait un passeur de passion. Tant que nous saurons transmettre les valeurs qu'il nous a laiss�es : solidarit� et amour de la libert�, il restera pr�sent parmi nous.