Les membres de la direction du FFS étaient ravis en fin de journée de jeudi dernier. Ils venaient de réussir le pari hardi de marcher dans les rues de Tizi Ouzou et Béjaïa, en mobilisant des milliers de manifestants et de briser du coup le dispositif d'interdiction qui confine les partisans du boycott, pratiquement traités de hors-la-loi par le discours officiel, ou « hors-champ » médiatique et politique. Béjaïa : De notre bureau Sur le plan symbolique, les marches de jeudi dernier ont fait renouer la rue kabyle avec sa tradition de protestation, à un moment où des observateurs, un peu résignés devant la grande dèche politique du contexte et tétanisés par la formidable machine électorale de Bouteflika, ne pariaient pas beaucoup sur un quelconque sursaut, qui plus est à travers des manifestations publiques non autorisées. Il faut en effet remonter assez loin dans le temps pour retrouver la date d'une mobilisation similaire en dehors des rendez-vous rituels et évidents de manifestation. Les dernières marches en date, du reste timides, dans la région, remontent au 20 avril 2008, anniversaire du printemps berbère de 1980, doublé depuis 2001 de la commémoration des événements du printemps noir. Une date qu'il ne sied pas de rater, par pure convenance parfois, y compris désormais dans la périphérie du pouvoir gagnée subitement à la légitimité du combat identitaire. Le revers est que la date s'est par trop folklorisée les dernières années aux dépens de sa portée revendicative. Sur le plan concret de l'action politique dans le contexte de cette élection présidentielle, les marches du FFS ont démontré que la mobilisation active pour le boycott était encore possible et le terreau de la protestation, certes inhibé par l'hégémonie tapageuse du discours à sens unique, était loin d'être dévitalisé. Lors des marches de jeudi dernier, l'on a ainsi remarqué la participation de militants que l'on ne catalogue pas forcément dans les registres des adhérents du parti, et cela rejoint l'idée exprimée par de nombreux citoyens ces derniers temps que ce qui manque le plus en ce moment de grand retour de la pensée unique, ce sont des initiatives politiques pouvant encadrer et donner un canal d'expression à la protestation. Jusqu'à jeudi dernier, la région était restée sur la visite du candidat Bouteflika et la profusion de commentaires qui l'ont suivie et s'accordant un peu trop vite sur une supposée « normalisation », via notamment des promesses de budgets spéciaux de développement et autre recueillement à la mémoire des victimes du printemps noir. Dans le même élan, et en l'espace d'une semaine, celle ayant directement suivi le meeting de Bouteflika à Béjaïa, la wilaya a reçu la visite de pas moins de sept ministres, dont le chef de l'exécutif lui-même. Tous ces responsables avaient axé leur sortie sur le plan du développement économique, expurgeant la crise vécue par la région de ses aspects politiques qui, eux, font la substance du discours de l'opposition. Les deux marches du FFS, qui ont sonné comme une réponse à l'euphorie démonstrative, et par moment arrogante, des partisans de Bouteflika, viennent en l'occurrence affirmer, au-delà des dividendes partisanes que le sigle est en droit de tirer de son action, qu'il faudra encore compter avec la contestation et le droit de lutter dans la rue.