S'il maintient le mot d'ordre de la marche, il devra faire face à la répression «légale» des forces de sécurité qui ne feront qu'appliquer les consignes de leur ministère. Le ministère de l'Intérieur vient de répondre au FFS, à travers une lettre adressée au siège du parti d'Aït Ahmed et dans laquelle il rappelle que les marches sont interdites depuis la décision prise le 18 juin dernier par le Conseil de gouvernement appelant à la sagesse et au sens des responsabilités de tous pour se conformer à ses dispositions. Cette annonce de l'interdiction par Zerhouni de la marche du FFS, prévue pour jeudi prochain et ce malgré le changement de l'itinéraire, pose, un sérieux problème pour le plus vieux parti de l'opposition. S'il maintient le mot d'ordre de la marche, il devra faire face à la répression «légale» des forces de sécurité qui ne feront qu' appliquer les consignes de leur ministère. Malgré cela, le FFS prépare fébrilement la marche, décidée pour jeudi 14 mars, à Alger. Le parti de Hocine Aït Ahmed entend réinvestir la rue et se mobiliser avec les Algériens pour imposer le changement.Le parti d'Aït Ahmed a informé, par lettre, le ministère de l'Intérieur, en lui précisant l'heure et l'itinéraire. La réponse de l'Intérieur est tombée samedi. Elle rappelle au FFS que le Conseil des ministres a interdit toute marche dans la capitale. Contacté, Chaffaï Bouaïche, le secrétaire national chargé de l'information, affirme: «Le parti n'a pas déposé de demande pour organiser cette marche. Pour nous, l'action étant pacifique et émanant d'un parti légal, il n y a pas lieu de demander l'autorisation de s'exprimer...». En fait, pour M. Bouaïche «le FFS maintient son action. Si le pouvoir réprime, il n'aura alors qu'à assumer toutes les responsabilités». M.Chafaï Bouaïche explique que «le FFS n'est pas à sa première marche, toutes nos actions ont su garder le caractère pacifique. Et si, par aventure, quelque chose se produit lors de cette action, on saura, alors d'ou vient la provocation. Le parti plonge ses racines dans le peuple et exprime les aspirations du peuple...». A l'intérieur du pays, les choses vont bon train. Les foules, aussi bien à Béjaïa, Bordj Bou-Arréridj, Sétif, Bouira, Tizi Ouzou que dans les autres wilayas du centre, notamment, car plus proche du lieu de la marche, se mobilisent pour rejoindre Alger. Des moyens de transport (bus, principalement) sont réquisitionnés par les sections de ce parti pour convoyer sur Alger, les manifestants. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, la fédération de ce parti distribue l'appel à la marche et entend donner un cachet particulier à cette action, en faisant de cette journée «non pas une confrontation, mais une mobilisation citoyenne». Aujourd'hui, les fédérations des wilayas du FFS se réunissent en séance extraordinaire, afin de donner «un coup de pouce», aux préparatifs de cette marche. De ces réunions, sortiront les «directives» à suivre par les sections. Comme ces rencontres seront aussi le lieu où le FFS saisira officiellement les APC de ce parti quant aux moyens de transports. Pour M.Chaffaï Bouaïche le responsable à l'information et à la communication: «Il y a lieu de bien préciser que cette action, nonobstant les hasards du calendrier, n'est nullement liée aux élections. Bien au contraire, il s'agit de nous mobiliser, nous tous Algériens, pour imposer le changement.» Et Chaffaï Bouaïche de poursuivre, «Toutes les Algériennes et tous les Algériens, ainsi que les acteurs sociaux et politiques autonomes sont conviés à s'associer à cette action du 14 mars.» Et Chaffaï Bouaïche d'insister sur le pacifisme qui entoure chaque action et chaque démarche du FFS, qui se bat politiquement pour une véritable démocratie à propos d'une éventuelle «répression» de la marche. Il conclut: «Un pouvoir qui interdit une manifestation politique est-il en mesure de garantir des élections libres?.» Pour le FFS, qui évoque «l'absence des mesures de détente» et de volonté «d'aller à une solution politique», la mobilisation citoyenne est en mesure d'imposer le changement et l'action. L'interdiction de la marche du FFS intervient au moment où le parti d'Aït Ahmed est en train de se préparer activement, mais en catimini aux élections législatives. Cela ne l'a pas empêché d'engager un nouveau bras de fer avec Zerhouni. Ce nouvel épisode de la confrontation politique entre le FFS et le pouvoir va probablement focaliser davantage l'intérêt des électeurs sur la démarche du FFS complètement inscrite dans l'opposition. Fera-t-il le jeu de certaines formations qui n'ont pas hésité à affronter les services de sécurité rien que pour réinvestir le terrain politique? Le FFS, qui ne cache pas son ambition d'aller aux législatives, fera de cette marche un test supplémentaire pour tenter de prendre la température de la rue et connaître le nouveau poids du parti après la crise en Kabylie. Le parti d'Aït Ahmed avait réussi le pari d'organiser une très grande marche le 31 mai 2001, affirmant à la classe politique et surtout au pouvoir que rien ne se décide en Kabylie sans la participation effective du parti. Mais la marche du 14 juin des ârchs a détruit ce que le FFS a essayé de construire depuis plusieurs mois, donnant au pouvoir les moyens «officiels» d'interdire des marches de contestations qu'il avait d'ailleurs, difficilement supportés. Cette interdiction d'une marche risquée amènera-t-elle un parti toujours prudent dans ses prises de positions se radicalisant et verser dans la politique du boycott. Un scénario peu probable selon les observateurs. Le FFS, qui a toutes les chances de prendre la majorité en Kabylie et de rafler quelques sièges dans les wilayas du Centre, ne veut pas prendre le risque d'une telle mésaventure politique. Le seul obstacle qui pourrait se mettre en travers du chemin des législatives du FFS sont les radicaux qui veulent jouer «les trouble-fêtes», et servir les desseins inavoués des partisans du boycott. L'interdiction de la marche de jeudi mettra à coup sûr le FFS et le pouvoir dans un face-à-face «électoral», qui pèsera de tout son poids dans les prochaines législatives.