Le parti de Saïd Sadi ne cesse de surprendre. Après avoir opté pour le gel de toutes ses activités officielles pour se consacrer à un travail de proximité jusqu'à la tenue de l'élection présidentielle, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a adopté jeudi une stratégie politique inédite. En tout cas, elle n'a pas moins réussi à susciter une vive désapprobation de la part des partis de l'Alliance, de l'UGTA, de la famille révolutionnaire et même de la Commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle (CPNSEP). En effet, la formation de Sadi a décidé de hisser sur le bâtiment du siège du RCD, à Alger, un drapeau noir à la place de l'emblème national, et ce, pour faire de la présidentielle du 9 avril une journée de deuil. Pourquoi le recours, en ce moment, à une telle initiative ? Belabès Mohcène, porte-parole du parti, a répliqué qu'« en politique, on choisit toujours le moment idoine pour battre ses meilleures cartes ». Pour les responsables du parti, le drapeau noir n'est nullement une atteinte aux symboles de la nation, mais bien « une façon de protéger l'emblème national des méthodes malsaines utilisées durant la campagne électorale ». Approfondissant ses propos, M. Belabès explique que cette action fait partie de la série de manifestations observées par le parti depuis le début de la campagne électorale. Le RCD a choisi de faire, pour rappel, la communication de proximité, afin d'élargir et de faire partager avec un maximum de citoyens et de tous les militants politiques acquis à l'idée du boycott du scrutin du 9 avril une journée de deuil. « Nous avons organisé depuis la décision du gel des rencontres-débats avec la société civile à travers 27 wilayas du pays. Par contre, nous n'avons pas pu animer plusieurs autres rencontres, prévues pourtant dans notre programme, car l'administration a refusé de nous délivrer des autorisations », a-t-il ajouté. Dans le cadre toujours de l'action du boycott, les militants du RCD distribuent depuis trois jours des tracts à l'échelle nationale pour expliquer aux citoyens la notion du « boycott pour l'histoire ». Toutefois, si ces actions ont été relativement dénoncées par les défenseurs du mot d'ordre de vote, celle du drapeau noir a fait réagir vigoureusement certaines parties. « Personne n'a dénoncé l'utilisation par le président candidat du Trésor public. Aucun n'a réagi pour condamner l'exploitation par ce même candidat des panneaux publicitaires et des portraits de nos martyrs. Aucun n'a vu que Bouteflika paralyse durant toute une journée toutes les villes où son passage est programmé. Mais ils ont tous vu le RCD et tous aiguisé leurs armes pour le critiquer », a tonné Belabès. Réagissant à la déclaration de la CPNSEP, le RCD dit ne même pas reconnaître cette structure et affirme : « Cette commission a été installée pour s'occuper des partisans du boycott ni plus ni moins. » Jeudi, la commission dirigée par Teguia a rendu public un communiqué fustigeant et condamnant l'initiative du RCD en estimant que « les responsables de ce parti font de la surenchère au nom du nationalisme, de la démocratie et de la protection des symboles de l'Etat et des fondements de la nation ». Tout en qualifiant cet acte d'absurde et d'irresponsable, la commission va plus loin dans son raisonnement et accuse le parti d'avoir porté délibérément atteinte à l'un des symboles de la nation en ôtant l'emblème national et en hissant un drapeau noir. Pour sa part, la centrale syndicale, qui soutient la candidature du président sortant, s'est déclarée « profondément consternée et indignée par cet acte » inqualifiable commis par le RCD. Le RND a, par la voix de son porte-parole Miloud Chorfi, dénoncé ce qu'il qualifie d'atteinte au caractère sacré des symboles de la nation et à celui de tous les acquis de la glorieuse Révolution de libération, soulignant la nécessité de « prendre les mesures et les dispositions » pour « réprimer et mettre un terme » aux agissements de ceux qui se portent responsables de tels actes et « faire prévaloir l'autorité de la loi et de la Constitution dans l'Etat de droit ». Quant au FLN, le secrétaire général du parti, M. Belkhadem, a exprimé sa colère et son indignation contre ceux qui veulent faire porter le deuil au pays. Fustigeant les instigateurs de cette décision, le numéro un du vieux parti a soutenu à Khemis Miliana, lors d'un meeting, que « le drapeau national n'a pas été obtenu par faveur. On n'abaisse pas et on ne remplace pas l'emblème national par un drapeau noir ». En guise de réponse à ses détracteurs, le RCD leur demande de cesser cette agitation et d'avoir en revanche le courage de s'en prendre aux utilisateurs des moyens de l'Etat au profit du président candidat. « Le Trésor public est transformé en cagnotte personnelle, mais cela n'a inquiété ni la commission ni les autres partis », a regretté M. Belabès.