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Agriculture
Publié dans El Watan le 06 - 11 - 2006

En effet, au moment d'engager les négociations avec leurs fournisseurs, les importateurs seront pris au dépourvu par un nouvel arrêté du ministère de l'Agriculture. Ce document fixe de nouvelles normes applicables aux plants de pomme de terre d'importation. Il était censé remplacer l'arrêté du 23 janvier 2005 qui avait totalement perturbé le programme d'importation en 2005/2006. Se traduisant par un retard dans le plan de production, notamment pour les zones précoces, l'introduction de la pomme de terre de consommation qui sera recyclée dans le circuit de la semence et la mévente de plus de 10.000 tonnes de semences importées qui n'auront pas trouvé acheteur. Ceci s'explique par l'arrivée tardive des semences mais également par des prix appliqués par quelques opérateurs. Qui avaient cédé le quintal entre 7500 et 9000 DA. D'où une rareté du produit frais et une hausse des prix à l'étalage que nous subissons de plein fouet depuis les récoltes des régions à haut potentiel. C'est le cas notamment de Aïn Defla, Chlef où les rendements moyens ne dépasseront guère le seuil de 18 tonnes/hectare. Une contre-performance dont l'onde de choc se répercutera immédiatement sur la rareté du produit que des opérateurs avisés auront systématiquement retiré des circuits pour le stocker en chambres froides. Sachant que la plaine du Chellif absorbe en moyenne plus de 20.000 tonnes de semence, on pouvait aisément s'attendre à des tensions sur ce produit de première nécessité dès la rentrée sociale. En effet, les prix à la consommation atteindront des records jamais égalés depuis l'année 1973. Les observateurs les plus avertis avaient parfaitement prédit ces perturbations dès octobre 2005. A cette époque, on se rappelle que les importations de semences avaient été différées suite à l'entrée en vigueur d'un arrêté par lequel le législateur avait fixé le nombre de tubercule par sac entre 700 et 800. A priori, ce texte était destiné à encadrer l'importation des semences en veillant prioritairement à protéger le fellah qui devait disposer d'un produit loyal. Ce qui devait se traduire par une mise à l'écart des variétés oblongues à cause de la taille des tubercules. Une variété comme la Spunta, fortement plébiscitée par les agriculteurs du bassin méditerranéen, était exclue de facto, car dans le meilleur des cas, le conditionneur ne pouvait ensacher plus de 600 tubercules à la fois. Sauf à n'introduire que les tubercules les plus petits, que cette variété a de réelles difficultés à produire. Rapidement, les importateurs avaient fait part de leurs difficultés à respecter ces normes. Informé de cette contrainte, le ministère de l'Agriculture, convaincu d'avoir élaboré un texte imparable, ne fera rien pour déroger à cette règle des 700 tubercules.
Quels palliatifs pour la ménagère ?
Avec près de deux mois de retard sur le calendrier habituel, les premières cargaisons feront leur entrée au port de Mostaganem. Dès les premières investigations, la marchandise sera déclarée non conforme et les opérateurs seront invités à la mettre en conformité. Cette opération qui aura concerné la majorité des arrivages se déroulera hors de l'enceinte portuaire. De la sorte, des lots non conformes parviendront jusqu'au producteur. Mais la quantité admise ne sera d'aucun secours aux malheureux fellahs, dont le plan de culture aura été totalement désarticulé. En sus de la forte spéculation qui fera grimper le quintal de semences jusqu'à 9500 DA, ces perturbations allaient provoquer une totale désarticulation de la filière. Sur les 72.000 tonnes de semences importées, 12.000 n'ayant pas trouvé preneur seront déclassées.
Selon les hypothèses les plus optimistes, seulement 80.000 tonnes de semences seront mises en terre, dont 20.000 produites localement. Il eut fallu réaliser des rendements moyens de 30 tonnes/hectare pour obtenir une production globale d'environ 12 millions de quintaux. Or, il s'avère qu'à Aïn Defla, le rendement moyen aura été de 17 tonnes/hectare. Il est aisé de constater que la production de saison ne pouvait en aucune manière couvrir nos besoins qui fluctuent – à raison de 45 kg/habitant/an – entre 15 et 20 millions de quintaux. En recourant à une semence de qualité médiocre, totalement produite chez nos agriculteurs, la récolte d'arrière saison ne pourra jamais combler le déficit. Objectivement, il y a lieu de s'interroger sur le comportement du marché d'ici l'entrée en production de la saison qui n'interviendra dans le meilleur des cas qu'à partir de mars 2007. Face à toutes ces contraintes, que faire ? Faut-il se résoudre à acheter de la pomme de terre de consommation à partir de l'UE, voire du Canada ? Est-il raisonnable de continuer à payer la pomme de terre à 70, voire 100 DA le kg ? Tout dépendra du comportement de la ménagère, du prix de la patate sur les marchés extérieurs, des rendements réels de la culture d'arrière saison, mais également des prix du chou-f
leur, du chou, du fenouil, des fèves et des petits-pois. Dont les performances dépendent en grande partie de la pluviométrie. Un apport hydrique appréciable et judicieusement réparti entre novembre et février serait un gage de récoltes abondantes. Ces légumes saisonniers constitueront un réel palliatif pour la ménagère. Il apparaît, à l'analyse, que seule une bonne campagne de pomme de terre de saison permettrait le retour d'une embellie pour les agriculteurs et pour les ménages.
Pour parvenir à une relative stabilité de la production légumière, il est aisé de constater que l'impact de la pomme de terre est déterminant. La seule question qui mérite réflexion est de savoir si toutes les conditions sont réunies pour assurer une parfaite campagne de la pomme de terre. Le premier écueil et non des moindres consiste à assurer un approvisionnement en semence de qualité. En respectant les délais imprescriptibles du calendrier agricole et des multiples contraintes connexes. A savoir :
– 1. une disponibilité de la semence dès la mi-novembre afin de permettre à la région de Mostaganem d'entamer la mise en terre au plus tard début décembre. Ceci se traduirait par une récolte précoce dès le mois de mars 2007.
– 2. offrir au fellah une semence de qualité à des prix n'excédant pas les 7000 DA le quintal. Des prix plus élevés se traduiraient par une désaffection des petits producteurs, dont l'apport est plus substantiel que l'on pourrait croire.
– 3. faire barrage à toute semence dont les facultés germinatives sont amoindries par de mauvaises conditions de récolte ou de stockage.
– 4. autoriser l'importation d'au moins 80.000 tonnes de semences de classe A et B, dont la récolte est destinée à la consommation.
– 5. favoriser l'importation d'au moins 10.000 tonnes de semences de classe SE (Super Elite) ou E (Elite) destinées exclusivement à la production de semences pour l'arrière saison. Ceci dépendra exclusivement du bon vouloir des fournisseurs. Il faudra également veiller à la mettre entre de bonnes mains et lui assurer le suivi technique et sanitaire indispensables à sa certification finale.
Orages à l'horizon
En plus de ces préalables, il faudra résoudre l'équation de la disponibilité de la semence chez les fournisseurs habituels. Qui sont essentiellement installés en Hollande, au Danemark, en France et en Belgique. D'autres fournisseurs canadiens, écossais ou roumains sont parfois sollicités pour des quantités non négligeables. Les services spécialisés du ministère de l'Agriculture sont à même de pouvoir séparer le bon grain de l'ivraie.
Pour peu qu'on les laisse travailler dans le strict respect des lois et règlements en vigueur.
A cette étape cruciale qui engage l'avenir de la production pour l'année 2006/2007, comment se présente la situation et quelles sont les contraintes à résoudre pour que la production de pomme de terre reprenne son cours normal, afin de produire les 2 millions de tonnes nécessaires à la consommation interne ? L'Algérie est-elle dans les meilleures dispositions afin d'assurer dans des délais très courts l'importation de la semence ?
Force est de constater qu'à ce jour, l'horizon est plutôt annonciateur d'orages. En effet, suite aux difficultés inhérentes à l'entrée en application au début de la précédente campagne d'importation de l'arrêté du 23 janvier 2005, dont les conséquences sur le pouvoir d ‘achat sont désormais connues, il était légitimement attendu que le ministère de l'Agriculture revoie sa copie. Ce qu'il tentera de faire en déposant un nouvel arrêté sur le bureau du SGG. Arrété dont une copie parviendra, à la vielle de l'entame de la campagne d'importation, entre les mains des importateurs et des producteurs.
Ces derniers auront toutes les peines à traduire concrètement ce texte réglementaire d'une rare complexité en procédures techniques. S'ensuivra une série de discussions et rencontres, dont la plus décisive se sera tenue à Aïn Defla en date du 18 octobre dernier. Les participants parviendront à une conclusion unanime que ce texte est plus coercitif que le précédent. Au lieu de lever la contrainte du nombre de tubercules qui avait été à l'origine des perturbations de la campagne précédente, ce nouvel arrété introduisait la notion de calibres séparés qui mettait dans la gêne fournisseurs et importateurs.
C'est de nouveau la consternation chez les opérateurs qui se tournent vers le ministère et la Chambre nationale de l'agriculture afin de surseoir à la promulgation de cet arrété. S'ensuivra un dialogue de sourds jusqu'à la fin du mois d'octobre. Période durant laquelle la patate battait des records de prix pendant que plusieurs cadres du ministère s'évertuaient à rassurer la population sur une augmentation imminente de la production qui devait faire baisser les prix.
Les derniers sur le marché
Pendant ce temps, le marché de la semence se faisait et se défaisait en l'absence des Algériens. Alors que les pays voisins étaient au stade final de la négociation et que d'autres avaient déjà pris possession de leurs quotas de semences, les Algériens peinaient à s'entendre.
Ce n'est qu'à la fin du mois d'octobre qu'une embellie poindra sur les hauteurs d'Alger. Ayant retrouvé le chemin du dialogue et de la concertation, les représentants de l'Association nationale des importateurs et exportateurs de pomme de terre (Aniep) et ceux de la Chambre nationale de l'agriculture se retrouveront en conclave avec des cadres du ministère de tutelle. Face à la situation de blocage effective de la campagne d'importation, avec en ligne de mire des conséquences incalculables sur le front social qu'une pénurie de pomme de terre allait engendrer, les intervenants finiront par admettre l'inapplicabilité du nouvel arrêté. Ce qui devrait se traduire par un assouplissement de la réglementation et le retour au calibre unique, en vigueur auparavant. Cette solution, si elle permet de débloquer la situation, ne règlera pas pour autant le problème de la disponibilité de la semence. D'ores et déjà, celle de la variété Spunta – très appréciée par nos fellahs pour ses tubercules oblongues et légèrement difformes qui leur assuraient des rendements très substantiels – serait en nette régression. La demande étant plus importante que l'offre, il va sans dire que le prix de cession sera revu à la hausse. Son remplacement par d'autres variétés – qui aura fini par faire l'unanimité chez les obtenteurs de semences, en raison de la grosse difficulté à obtenir des tubercules de tailles moyennes chez cette variété – ne sera pas du goût de tous les fellahs.
Ainsi, en arrivant les derniers sur le marché, les importateurs algériens n'auront aucune influence ni sur les prix ni sur les quantités disponibles. Ils devront subir les lois que d'autres auront édicté en leur absence. Car avec une demande de 100.000 tonnes, notre pays avait son mot à dire. Des informations (invérifiables) relatives à une baisse sensible de l'offre avaient savamment été distillées par les fournisseurs ou leurs relais. Une pratique courante sur tous les marchés libres du monde, qui permet à ses auteurs d'influer sur les cours. Ne disposant d'aucune information fiable à ce sujet, nos importateurs, une fois les contraintes techniques levées, se rabattront inévitablement sur n'importe quel opérateur étranger. D'où le risque patent que la demande étant incompressible, certains opérateurs ne soient tentés de ramener n'importe quoi. Probablement à n'importe quel prix ! Cela s'est souvent vérifié par le passé lorsque des semences de qualité franchement médiocre ont allègrement franchi les frontières pour venir abuser de la naïveté des agriculteurs. A ce niveau, les institutions de contrôle pourront jouer pleinement leur rôle en refusant l'accès au territoire national de toute semence suspecte.
Comment sortir de l'impasse ?
On constate pour la seconde année consécutive, que la semence de pomme de terre est soumise à une série de perturbations. Le législateur qui aura décidé ces changements avait-il conscience des conséquences de son action sur une filière qui dépend en totalité de l'étranger pour s'approvisionner en plants de qualité ? S'il est indéniable que ce segment méritait amplement que l'on s'en occupe, force est de constater que les résultats sont plutôt contre-productifs. Déjà, durant l'année 2005/2006, les tergiversations du ministère auront provoqué un véritable chaos. Le résultat est que l'importation de la semence aura engendré une baisse sensible de la récolte et une augmentation déraisonnable des prix. Pour la campagne d'importation qui a déjà accusé un retard préjudiciable, la situation n'est guère reluisante. Dans le meilleur des cas, l'Algérie aura des difficultés à joindre les deux bouts en assurant un approvisionnement régulier du marché. L'heureux dénouement des discussions entre l'autorité publique et les opérateurs économiques constitue une amorce d'un rapprochement qui pourrait être le prélude à une réelle collaboration entre les différents partenaires. Cependant, notre pays est-il à ce point vulnérable ? Nonobstant les promesses d'une prochaine délivrance qui viendrait de la lointaine Australie, force est de reconnaître que dans un domaine aussi sensible que la production de plants et semences, notre pays accuse un retard abyssal. Les pays leaders dans ce domaine se comptant sur les doigts d'une seule main, il n'est nul part interdit de rêver. Surtout lorsqu'au bout du rêve il y a cette enveloppe de 50 millions de dollars qui fait le bonheur de ceux qui auront, depuis fort longtemps, investi dans la rigueur scientifique et la compétence des chercheurs autochtones. Un secteur parmi tant d'autres où l'Algérie aura lamentablement échoué.


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