Le séisme de Sumatra foisonne en supputations quant à la survenue d'un séisme, voire d'un tsunami dévastateur en Méditerranée. Dans son numéro spécial consacré à la « mégacatastrophe asiatique », Marianne reprend la prédiction émise par Haroun Tazieff il y a quelques années et celle des sismologues aujourd'hui qui prévoient, à brève échéance (50 à 100 ans), « un tsunami d'envergure » en mer Méditerranée. Les explications scientifiques sont relatives à la progression de la plaque africaine vers le nord-ouest et aux nombreux tremblements de terre enregistrés en Afrique du Nord, en Turquie et en Yougoslavie durant les cinquante dernières années, entre autres. Les dégâts humains sont « imaginés » apocalyptiques (entre 2 et 5 millions de morts). Donc, pour reprendre le titre de Marianne, un tsunami en Méditerranée, c'est possible. Seulement, à considérer la carte illustrant les raz de marée les plus importants depuis le XVIIIe siècle, aucun n'a eu lieu dans le bassin méditerranéen. En revanche, l'Indonésie bat le record avec quatre importants tsunamis enregistrés entre 1883 et 2004 (1883, 1976, 1992 et 2004). Depuis Sumatra donc, l'on évoque inlassablement la prévention à défaut de prévision tant pour les séismes que pour les tsunamis qui sont, faut-il le rappeler, plus probables à prévoir. On parle de réseau d'alerte international, on pointe un doigt accusateur vers les gouvernants des pays asiatiques touchés qui ont négligé un aspect aussi important que l'information. On cite l'exemple des pays du Pacifique - 25 pays sont branchés sur le Pacific Tsunami Warning Network - qui ont mis au point des méthodes de détection ultrasophistiquées. L'on annonce l'imminente mise au point par le Japon, l'Australie et la Thaïlande d'un réseau d'alerte tourné vers l'océan Indien... Mais qu'en est-il de l'alerte dans la région méditerranéenne, notamment l'Algérie, plus concernée par les séismes ? Contacté, le premier responsable du Centre de recherche en astrophysique (CRAAG), Abdelkrim Yelles, a d'abord tenu à apporter les précisions qui s'imposent par rapport à la notion d'alerte. « Pour les tsunamis, on peut effectivement parler d'un réseau d'alerte pour s'en prémunir. La preuve, c'est que l'on n'a pas parlé d'alerte au séisme. La vague met des heures avant d'atteindre les différentes localités ou pays, ce qui donne aux autorités le temps d'agir et d'évacuer les populations. Ce qui n'est pas le cas des tremblements de terre », précise-t-il. Et c'est là que réside toute la différence. La prédiction des séismes, en dépit des moyens technologiques mis en place et développés, étant pour l'heure impossible, annule de fait la probabilité de l'alerte, notamment dans son acception profane. Il existe, cependant, « un système sismologique d'alerte rapide » dont sont dotés les pays à risque sismique. Ce système, qui permet entre autres, rappelle-t-on, de situer l'épicentre et de définir les magnitudes, ne peut, en outre, intervenir que si les données nécessaires sont fournies en temps réel. « Si les stations, nationales et/ou régionales, ne sont pas connectées, il n'est plus question de parler d'alerte », souligne Abdelkrim Yelles. Et d'ajouter : « Les réseaux existent dans le bassin méditerranéen. L'Algérie en est, bien entendu, également dotée avec près d'une quarantaine de stations réparties sur la région nord du pays. » A la différence des systèmes d'alerte précoce (pour les tsunamis), les systèmes d'alerte rapide servent aussi à l'élaboration des études pour une meilleure connaissance du phénomène sismique (répartition spatiale de la sismicité, son ampleur, la détermination des régions à haut risque, l'introduction des données dans le domaine du génie parasismique...). En substance, les réseaux nationaux permettent de faire à petite échelle ce que les sismologues appellent « l'écoute sismologique et sismique fine ». Concernant le réseau local, le premier responsable du CRAAG estime que « les stations nationales fonctionnent normalement, mais l'on se doit de les renforcer en nombre - l'on doit installer d'ici à deux à trois années une centaine de stations supplémentaires et en capacités de liaison - transmission de données par l'introduction du VSAT (système satellitaire) et d'Internet ». La Chine a, apprend-on de source bien informée, offert à l'Algérie une dizaine de stations numériques. En somme, le réseau d'alerte rapide, en plus de permettre une meilleure appréhension du phénomène sismique dont on ne prévoit pas l'occurrence mais dont on se doit de connaître l'impact, permet aussi d'organiser plus rapidement les aides et les interventions (dispositif d'assistance...). Si le séisme de Boumerdès est, en outre, à l'origine de grands changements, essentiellement dans le domaine de la prévention, seule la survenue d'un tremblement de terre aussi important révélera - trop tard - les carences et les manquements.