Le 10 mars 1980, le wali de Tizi Ouzou de l'époque annule une conférence de l'écrivain Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne sous prétexte de « risques de troubles à l'ordre public ». Dès le lendemain, des manifestations éclatent en Kabylie réclamant la liberté d'expression et la reconnaissance de la culture et de la langue berbères. Le 23 avril, l'université de Tizi Ouzou est prise d'assaut par les forces de l'ordre. On parle de dizaines de morts. Qui a donné l'ordre de réprimer dans le sang la contestation estudiantine ? Vingt-huit ans après le déclenchement du printemps berbère, la question demeure entière. Rares sont les officiels qui ont eu à s'exprimer sur ces événements qui ont écorné le règne sans partage de l'ancien président de la République Chadli Bendjedid. De passage à Draâ El Mizan, où il a animé hier un meeting électoral, Ahmed Ouyahia a levé un pan du voile sur les contradictions au sommet de la hiérarchie quant à la gestion de cette affaire durant cette période trouble.Chadli Bendjedid venait de nommer l'actuel président de la République ministre d'Etat. Bouteflika est néanmoins peu à peu écarté de la scène politique qu'il quitte en 1981. Etant l'un des hommes du sérail au sein du redoutable bureau politique du FLN, Abdelaziz Bouteflika se serait opposé à l'interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri qui a mis le feu aux poudres. En tout cas, c'est ce qu'a rapporté le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) et, néanmoins, Premier ministre. « Abdelaziz Bouteflika m'a confié récemment qu'il était contre l'interdiction de la conférence de Mammeri. Il avait suggéré même aux responsables de l'université de Tizi Ouzou de l'époque de distribuer les livres de l'écrivain dans les librairies de la région afin qu'ils soient lus par le grand public. Les autres membres du bureau politique lui ont alors rétorqué : Si Abdelaziz, on ne savait pas que tu étais zouaoui (Kabyle) », a témoigné l'orateur. Ahmed Ouyahia a abordé par ailleurs d'autres questions liées à tamazight, au terrorisme et au bilan « positif » des deux mandats du président candidat. En outre, il a annoncé que la daïra de Draâ El Mizan sera promue wilaya déléguée.