L'année 2005 devrait connaître une accélération dans la réforme du système national de sécurité sociale, dont l'équilibre financier demeure précaire. Si ses recettes ont progressé de 62,8% entre 2000 et 2004, le système de sécurité sociale a vu ses dépenses augmenter également de 66%. Ces statistiques ont été rendues publiques par Tayeb Louh, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, lors d'un point de presse tenu hier au siège de son département. Pour redresser la balance, les réformes seront particulièrement axées sur l'amélioration du système de recouvrement des cotisations, notamment dans le but de traquer les employeurs indélicats qui établissent de fausses déclarations. Les chiffres sont éloquents à ce sujet : 34,8% de travailleurs non déclarés en 2003, le taux était de 43% en 1999. Le travail au noir fait perdre à la sécurité sociale une manne financière considérable. Ainsi, dans la structure des recettes pour l'année 2004, l'administration arrive en tête avec 53,4%, le secteur public économique avec 32,3% et le secteur privé avec seulement 11,6%. Grâce à une meilleure formation, selon M. Louh, des contrôleurs ont réussi récemment à relever plus de 30 000 infractions. On ne peut toutefois pas imputer l'entière responsabilité aux employeurs malhonnêtes, la gabegie de certains responsables ayant sévi pendant plus de deux décennies a entraîné la sécurité sociale dans une anarchie totale. « Il y a des agences de la CNAS (Caisse nationale d'assurance sociale) qui n'ont pas été contrôlées pendant plus de 15 ans », a révélé le ministre, ajoutant que les mauvais gestionnaires doivent partir. D'ailleurs, il a annoncé, au titre des réformes urgentes, une révision de la composition des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. Malgré toutes ces tares, le système de sécurité sociale a enregistré un excédent de 27,6 milliards de dinars. « La situation en matière d'équilibre financier diffère d'une caisse à une autre. En effet, si la CNAC (Caisse nationale d'assurance chômage) dégage des excédents appréciables, il n'en est pas de même pour la CNAS, la CNR (Caisse nationale de retraite) et la CASNOS (Caisse d'assurance sociale des non-salariés) qui connaissent des équilibres très fragiles qui nécessitent une attention particulière en vue de leur consolidation », a souligné Tayeb Louh. Accélérer la réforme La CNAC est parvenue, à elle seule, à dégager un excédent de 69 milliards de dinars en prévision de l'exercice précédent grâce à la création en 2003 du dispositif d'aide à la création d'activités destinées aux chômeurs âgés entre 35 et 50 ans. Connaissant une situation plus délicate, la CNAS devrait voir son excédent passer de 3,59 milliards de dinars en 2004 à 0,45 milliard de dinars en 2005. « Tout le dossier de la sécurité sociale sera soumis à la prochaine tripartite. C'est un dossier qui doit être traité avec sérieux », a indiqué le conférencier, tout en insistant sur le caractère « inévitable » des réformes. Pour réaliser l'équilibre financier des caisses, les réformes devront, en plus de la lutte contre la fraude, avoir pour principal objectif une maîtrise des dépenses de santé, à travers la réduction des transferts à l'étranger pour soins, l'encouragement des médicaments génériques, moins chers, et les médicaments de production nationale. Selon les statistiques fournies par M. Louh, les dépenses en médicaments ont représenté en 2004, 34,2% des dépenses de la CNAS, alors que le forfait hôpitaux a représenté 23%. La contractualisation des relations entre le système de sécurité sociale et les établissements publics de soins devra mettre fin, à terme, au forfait hôpitaux évalué, à titre prévisionnel, à 35 milliards de dinars pour 2005. S'agissant de la CNR, qui connaît une situation difficile, le ministre a déclaré qu'elle doit « se conformer aux normes internationales », notamment en constituant un fonds de réserve. Son fragile équilibre financier « l'oblige à recourir quasi systématiquement aux excédents dégagés par la branche retraite anticipée ». La CNR a dû par ailleurs subir les contraintes financières de la retraite proportionnelle, dont ont bénéficié 243 756 travailleurs à fin 2004. Le coût de ce dispositif est estimé à 141,6 milliards de dinars sur la période 1997-2004. Le ratio cotisants/retraités a baissé de 8 cotisants pour un retraité en 1986 à 2,8 cotisants pour 1 retraité en septembre 2004. Ces mauvais chiffres s'ajoutent à un taux de chômage toujours très élevé, aux alentours de 22% de la population active pour l'année 2004, selon M. Louh, qui se base sur les premiers résultats de l'Office national des statistiques (ONS). De surcroît, 228 PME sont dans l'incapacité depuis six mois d'assurer les salaires de 21 872 travailleurs. D'où l'appel du ministre du Travail à l'accélération des privatisations. Ce sombre tableau n'a pas empêché cependant M. Louh de se féliciter des indices macroéconomiques : les réserves de change devraient se situer à hauteur de 41,5 milliards de dollars, la croissance à près de 6%, contre 6,8% en 2003, et l'inflation à environ 3%. Des indices pourtant dopés par l'appréciation des cours du pétrole. Au chapitre des mesures en matière d'amélioration de la qualité des prestations, le ministre du Travail a mis en avant l'élargissement du réseau de centres de sécurité sociale qui est passé de 667 en 2002 à 816 en 2004, l'extension du système tiers payant, dont le nombre de bénéficiaires est passé de 784 600 en 2003 à près de 1 million à fin 2004, la réduction des délais de traitement des dossiers et la revalorisation annuelle des pensions et des rentes de sécurité sociale.