Menaces de retrait, appel au boycott, monopole flagrant des moyens publics par un seul candidat et incartades ont dominé une campagne électorale atypique, qui aura marqué une génération condamnée à subir les chimères d'un Etat élu par… lui-même. Si l'on se réfère à l'histoire des scrutins en Algérie, candidats et électeurs ont toujours eu un comportement pour le moins ubuesque en période électorale. Connivence et supercherie pour les premiers, lassitude et discorde pour les seconds. Depuis le début des joutes, le spectre d'une abstention massive a occupé l'esprit des candidats à la magistrature suprême qui, par tous les moyens ont, sans cesse, appelé les Algériens à se présenter en masse pour accomplir le « devoir national » : « Votez pour qui vous voulez, mais votez pour l'intérêt de l'Algérie », a exhorté le candidat-président Abdelaziz Bouteflika en craignant un remake du scénario des législatives de 2007 qui avaient connu une abstention record jamais enregistrée depuis 1962. Un vœu émis dans toutes les villes du pays qu'il a sillonnées depuis le début de la campagne, le 19 mars, date qui a coïncidé avec la fête nationale de la Victoire. Sa victoire, le candidat-président pouvait d'ores et déjà la proclamer avant même d' « agresser » le regard des Algériens par une campagne d'affichage envahissante, financée par les deniers publics et les bourses privées au détriment d'un peuple avide de pommes de terre. Comme le veut la coutume, ce sont toujours les mêmes opposants qui essaient tant bien que mal de défrayer la chronique à l'instar du parti du Front des forces socialistes (FFS), initiateur de deux marches à Béjaïa et Tizi Ouzou pour appeler à boycotter les élections et dont l'issue était déjà connue. Sous la houlette de Karim Tabbou, le premier secrétaire du parti, des milliers de militants ont scandé des slogans « Ulach l'vote ulach » (pas de vote) et de « pouvoir assassin ». Karim Tabbou a vigoureusement dénoncé ces élections en les qualifiant de « mascarade » et en accusant l'administration d'avoir mobilisé tous les moyens de l'Etat au profit de la candidature du président sortant. Les opposants ont aussi fustigé « la complaisance » des cinq autres postulants à la magistrature suprême en considérant leur participation comme « une fausse caution à un processus dont l'issue est connue d'avance ». De son côté, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui lui aussi rejette l'élection présidentielle, a décidé de faire du 9 avril une journée de « deuil » en hissant un drapeau noir à la place de l'emblème national sur le bâtiment de son siège national à Alger. Cette décision a suscité une vive polémique dans les hautes sphères qui ont saisi l'occasion pour condamner ce geste. Le chef de la Commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle (CPNSP), qui n'avait pas réagi aux dépassements dénoncés par certains candidats, s'est enfin manifesté pour brocarder le RCD : « C'est un acte absurde et irresponsable. » Ironie du sort, Madani Mezrag choisit un moment crucial de la campagne pour animer la scène politique en se permettant le luxe de légitimer l'assassinat de Abdelhak Benhamouda, le défunt SG de l'UGTA. Scandale coïcindant avec l'annonce par le candidat Bouteflika d'une éventuelle amnistie générale. Dénonçant l'impartialité des pouvoirs publics au profit du chef de l'Etat lors des derniers jours de la campagne, certains « concurrents » du président sortant n'ont fait que jouer le jeu d'une compétition faussée dès le départ. Et même avant.