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« Plus le système tarde à s'ouvrir, plus il fait le lit de l'islamisme » Khadija Mohsen-Finan. Chercheur responsable du programme Maghreb à l'Institut français des relations internationales, Paris
On a le sentiment que ce qui arrive au Maghreb est davantage lié aux systèmes qu'aux hommes au pouvoir. Les systèmes n'ont pas su générer un renouvellement et un rajeunissement des élites. Ni créer un projet fort fédérateur avec leur société. Aucun projet de développement – le socialisme ou les projets de développement en Algérie, par exemple – n'a réellement abouti. L'échec est à la fois économique et politique. Ces systèmes, en panne de projet, génèrent par ailleurs de l'inertie. En clair : tout ce qui est nouveau ou qui comprend un élément inconnu est écarté. Cette absence d'audace politique n'est pas propre aux systèmes en place ; elle est valable aussi pour l'opposition qui n'est pas en mesure de produire de contre-projet. Prenons encore l'exemple de l'Algérie : est-ce que le boycott du FFS et du RCD n'est pas une solution de facilité ? Quand on est Algérien, comment peut-on avoir la foi en une opposition qui n'a rien d'une force de proposition ? En se réfugiant dans le refus, dans le « non à Bouteflika », elle s'auto-exclut du paysage politique. Les régimes du Maghreb donnent des signes de transformation, mais ces changements ne se font pas en profondeur. Ce n'est qu'un changement de façade. On met en place le multipartisme, mais sans se soucier de ce que doit être un parti. On fait entrer les islamistes au Parlement sans se préoccuper du rôle de ce Parlement. On organise des élections à des dates régulières sans se soucier du rôle et de la fonction de ces élections. Pourquoi ? Dans un souci d'affichage, pour séduire les institutions financières internationales, les Etats-Unis et l'Union européenne. Mais d'un point de vue interne, personne ne s'interroge sur la nécessité de l'ouverture comme facteur de cohésion sociale. Au contraire, les systèmes y voient une menace. Le problème, c'est que plus on tarde à ouvrir, plus on fait le lit de l'islamisme, la formation politique la plus organisée, celle qui incarne une véritable force de proposition. Contrairement au système turc qui les a associés, le Monde arabe persiste à les juguler. Mais quand on fait cela, on renforce aussi ceux qui se trouvent à la marge.