Les électeurs de la wilaya de Béjaïa ont été les moins emballés par la présidentielle du 9 avril au niveau national. L'on a peut-être dépassé le taux rachitique des 16,07% de participation enregistré en 2004, mais les 29,42% annoncés à la fin du scrutin de jeudi dernier comme une victoire par les partisans du Président disent bien que plus de 70, 50% des inscrits ont boudé les bureaux de vote. Sur un autre plan et vu à l'aune des scores faramineux enregistrés par la participation au niveau national, le pourcentage réalisé à Béjaïa reflète beaucoup plus une stagnation, en comparaison avec les taux de 2004. L'écart entre le taux de participation national en 2004 (58, 08%) et celui enregistré dans la région (16,07%) était en effet de 42 points. Il est passé à 44 points à l'issue du scrutin du 9 avril. 141 512 électeurs sur les 481 052 inscrits ont ainsi répondu à l'appel des urnes, jeudi dernier. Parmi les 339 540 qui ne se sont pas sentis concernés par l'événement, il faudra bien reconnaître la part des abstentionnistes endurcis et celle des boycotteurs. L'importance du chiffre laisse le loisir d'y voir à la fois la défiance renouvelée à l'égard des dispositifs électoraux tels que pratiqués dans le pays est un signe d'adhésion significatif au mot d'ordre du boycott. Même l'option plate du vote « blanc », louée par la campagne officielle comme un gage alternatif d'amour pour la patrie, n'a pas intéressé grand monde. A peine13% des suffrages exprimés ne sont pas allés dans l'escarcelle de tel ou tel autre candidat. Une portion dont il faudra soustraire les cas classiques d'anomalies et de méprises légales, ce qui réduit le choix conscient d'un vote « neutre », à des seuils pour le moins insignifiants. Sans surprise, le président candidat écrase son monde à la moisson des suffrages. 80,82% des voix ont élu le candidat « indépendant », tandis que ses concurrents se sont partagé les moins de 20% qui restent. Enjeu superflu, Louisa Hanoune émerge du lot, nanisée avec un quelconque 11,49%, laissant des poussières aux autres candidats en lice dont l'engagement médiocre n'a fait finalement que mettre en valeur le grand favori. L'opposition épuisée Malgré le matraquage à grande échelle et à gros moyens, appelant à l'ouverture d'une nouvelle page en Kabylie, les partisans de Bouteflika ne sortent pas vainqueurs de l'échéance dans les seuils escomptés. Pour la campagne pourtant, les structures de campagne ont eu toute la liberté d'organiser meetings et rencontres de proximité loin de l'hostilité qui, lors des précédentes échéances, limitaient leurs marges de manœuvre. Autre aspect inédit localement, une pléthore de sigles associatifs, des organisations professionnelles, pas moins de neuf ministres en visite et l'appui décisif de l'administration ont conforté un discours de campagne axé sur des promesses de relance économique et sociale qui ne semble pas avoir laissé indifférents des catégories de l'électorat. C'est sur ce point sans doute que les nouveaux points gagnés par la participation ont été réalisés, d'autant qu'en face, l'opposition, incarnée essentiellement par le FFS, a eu du mal à occuper l'espace en raison des interdictions et des intimidations dont on sous-estime un peu trop l'effet sur les velléités de contestation en ces temps de recul des luttes démocratiques. L'appel au boycott de l'élection, s'il a pris de la vigueur à la dernière semaine de la campagne, s'est appuyé sur des structures épuisées par des luttes antérieures qui ont usé la substance militante. Les rapports de force étaient en effet outrageusement disproportionnés, aussi bien sur le plan de l'occupation de l'espace publique que médiatique. Mais il demeure certain qu'un ressentiment larvé couve encore à l'ombre tapageuse de cette élection comme en témoignent les incidents vécus le jour du scrutin à Tazmalt. Il a suffi d'une étincelle en effet pour que des centaines de jeunes affrontent les policiers dans la rue, alors que des intentions de contestation ont été par ailleurs dissuadés par l'argument de la force publique à El Kseur.