L'Algérie connaît une nette régression des libertés syndicales. Une régression perceptible, surtout ces deux dernières années. Après les événements de 1988, notre pays – c'est l'avis de nombreux d'observateurs – a enregistré une avancée appréciable dans ce domaine, en comparaison de nos voisins. Mais ces libertés ont malheureusement reculé entre-temps, et cette situation a périclité ces dernières années. Il y a comme une volonté affichée des pouvoirs publics de museler et de réprimer toutes les voix de contestation émanant du monde du travail. Le pouvoir s'attaque aux syndicats autonomes en étouffant toutes leurs actions par des poursuites judiciaires, l'interdiction des réunions et presque l'ingérence dans leur mouvement. D'aucuns estiment que les atteintes aux libertés syndicales ont vu le jour avant la réélection pour un deuxième mandat de Bouteflika à la tête de l'Etat. Il y a, note-t-on, une entrave effroyable à l'exercice syndical, ce qui remet entièrement en cause l'ouverture du champ politique effectuée dans les années 1990. Normalement, cet état de fait devrait inquiéter les pouvoirs publics qui tentent par tous les moyens de soigner l'image de l'Algérie à l'étranger, mais ce n'est pas le cas. Ce qui se passe en ce moment, estiment les syndicalistes, relève d'une gravité extrême alors que nos textes de loi sont assez progressistes. Seulement, sur le terrain la réalité est tout autre. Néanmoins, aujourd'hui, au lendemain du 9 avril, les syndicats autonomes ne désarment pas. Ils espèrent, en dépit du mépris du pouvoir, qu'un changement soit amorcé avec cette « nouvelle ère ». Jusque-là les syndicats de différents corps n'ont pas été gâtés par l'Etat. Ils ont été de tout temps bastonnés, marginalisés et tenus loin de toutes les décisions prises à leur égard. Conscients qu'un changement spontané ne viendra jamais, ils investissent le terrain de la contestation sociale. « Aucun pouvoir ne donne spontanément, il n'y a pas de charité d'âme. L'Etat est très éclairé sur la société et si cette dernière ne bouge pas et ne revendique pas, il est évident qu'elle n'aura rien », a indiqué le professeur Djidjelli, responsable d'un syndicat de la santé. L'ensemble des organisations syndicales réfutent l'idée que les cinq ans à venir seront une photocopie des dix années écoulées. « Si l'on pense ainsi, il est inutile de parler de syndicalisme, ni de lutte syndicale ou d'agrément d'un parti, d'un syndicat ou d'un journal. Tous les combats s'inscrivent dans la continuité, à l'instar du programme du Président, donc nous ne baisserons pas les bras », a soutenu un autre syndicaliste qui espère que ce troisième mandat va permettre au Président d'avoir les coudées franches et plus de liberté pour engager des chantiers qu'il n'a pas ouverts jusque-là, à l'image de la reconnaissance des syndicats autonomes en tant que partenaires sociaux incontournables. « Nous sommes obligés d'avoir de l'espoir et nous continuerons à déranger le pouvoir par nos actions de protestation, mais nous pensons qu'il ne peut y avoir de développement sans liberté, et de ce fait Bouteflika a assez de vision et de recul pour comprendre que c'est inexorable », fait remarquer un syndicaliste. M. Mériane, responsable d'un syndicat de l'éducation, ne partage pas vraiment cette vision. Pour lui, les syndicats sont agréés théoriquement mais pas pratiquement, vu qu'ils ne sont pas considérés comme partenaires à part entière, à l'instar de l'UGTA. « Jamais les libertés n'ont atteint un seuil aussi dégradant. Le pouvoir a déjà réussi à intégrer, dans sa sphère, l'UGTA qui est devenue son alliée et a échoué dans sa tentative de normaliser les syndicats autonomes », se réjouit-on. « Ils veulent à tout prix normaliser par la force le syndicat autonome ou à défaut le détruire afin de s'en débarrasser définitivement », affirme un syndicaliste. M. Mériane n'attend pas un grand changement et encore moins l'ouverture du champ syndical et autre, si la nouvelle équipe gouvernementale n'est pas investie d'une nouvelle orientation et d'une nouvelle politique loin de toute surenchère. « Nous restons dans une position d'attente pour le moment. Nous attendons les promesses électoralistes de Bouteflika. Il est clair que nous n'accepterons pas que nos salaires fassent l'objet de colmatage, nous voulons une politique des salaires indexée sur le pouvoir d'achat », a soutenu M. Mériane. Docteur Merabet du syndicat de la santé propose au pouvoir l'application stricte des textes de loi dans le sens de permettre le libre exercice syndical, le droit de faire grève qui est actuellement bafoué. « Nous sommes dans la continuité et nous demandons à être reconnus », a-t-il lancé. Les syndicats autonomes ont décidé, ce 11 avril, de maintenir la pression et de reconduire leurs mouvements de débrayage et à leur tête le syndicat algérien des psychologues et celui des docents et maîtres assistants.