Les premiers responsables des syndicats autonomes affirment, à l'unanimité, qu'il y a une nette régression des libertés syndicales en Algérie. Une régression perceptible surtout ces deux dernières années. Dans les années 1990, rappellent-ils, notre pays a enregistré une avancée dans ce domaine, et ce, en comparaison avec les pays voisins. Mais l'Algérie a reculé, ces dernières années, et cette situation, selon nos interlocuteurs, a périclité il y a plus exactement une année. Tahar Besbes, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) et coordinateur du Comité national des libertés syndicales (CNLS), est « persuadé » que les pouvoirs publics ont décidé, un certain 20 novembre 2004 (date qui correspond à une réunion du Conseil de gouvernement, ndlr), de s'occuper sérieusement des syndicats autonomes et surtout d'interdire toute activité qui risque de perturber les réformes engagées par l'Etat. « L'Exécutif a décidé, en plein Conseil de gouvernement, de tracer un programme ainsi que la mise en place d'une feuille de route ayant pour objectif la normalisation du monde syndical par la loi de la force. Le chef du gouvernement a clairement déclaré que les grévistes feront objet de poursuites et risquent le licenciement », souligne notre interlocuteur. M. Besbes indiquera aussi, avec certitude, qu'il y a une volonté affichée des pouvoirs publics de museler et de réprimer toutes les voix de contestation émanant du monde du travail. « Les enseignants qui ont été traduits devant les tribunaux ont commis un seul crime : avoir appelé à un débrayage, unique alternative après avoir épuisé tous les moyens de recours pour se faire entendre », a expliqué M. Besbes qui s'est dit déçu de constater qu'aujourd'hui « le pouvoir essaye d'emprisonner même le savoir ». Pourquoi tant d'acharnement ? Parce que les syndicats autonomes sont ingérables, répliquent des syndicalistes comme MM. Besbes, Osmane (représentant du Conseil des lycées d'Alger) et Malaoui (représentant le Syndicat national autonome du personnel de l'administration publique-SNAPAP). « En ce qui nous concerne, nous obéissons à une seule logique qui est l'intérêt de nos adhérents. Mais actuellement nous entrons dans une logique de néolibéralisme sauvage appliquée par le pouvoir. Nous avons compris que les pouvoirs publics voudraient arriver à un pacte social par la force », expliquent les représentants de ces syndicats. M. Osmane considère, en outre, que les atteintes aux libertés syndicales ont vu le jour avant et après la réélection de M. Bouteflika. « Ce qui se passe en ce moment relève d'une gravité extrême. Nos textes de loi sont assez progressistes, mais sur le terrain la réalité est tout autre. Il y a une entrave terrible à l'exercice syndical, ce qui remet entièrement en cause l'ouverture du champ politique effectuée dans les années 1990. Normalement, cet état de fait doit inquiéter les pouvoirs publics qui tentent de soigner l'image de marque du pays à l'étranger », indique notre interlocuteur. Et d'ajouter que c'est la conjoncture économique et sociale actuelle qui pousse le pouvoir à agir de la sorte. Pour lui, également, les travailleurs réfutent catégoriquement la démarche prônée par le Pouvoir sur le plan social notamment. De son côté, le gouvernement n'est pas près de céder sur la demande sociale des travailleurs qui sont représentés dans les syndicats autonomes. D'où, selon lui, la multiplication des confrontations sur le terrain. « Cette situation nous mène inévitablement vers un conflit entre les deux parties. Cependant, afin d'éviter l'affrontement et de barrer la route aux contestataires, le Pouvoir s'attaque à ces syndicats en étouffant toutes leurs actions par les poursuites judiciaires, l'interdiction de réunion, l'ingérence dans leur mouvement... », a souligné M. Osmane. Le leader du CLA ajoute que le pouvoir a déjà réussi à intégrer dans sa sphère l'UGTA qui est devenue son alliée. Il mentionne, toutefois, que l'Etat « a échoué dans sa tentative de normaliser les syndicats autonome ». « Ils veulent à tout prix normaliser par la force le syndicat autonome ou à défaut le détruire afin de s'en débarrasser définitivement », conlura le responsable du CLA.