Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées mercredi 8 avril dans 80 villes de France, pour dénoncer le « délit de solidarité » qui menacerait ceux qui aident les sans-papiers. Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale crie à la mauvaise foi. Existe-t-il en France un « délit de solidarité » ? Pour les associations d'aide aux étrangers, introduire la question est déjà un non-sens. Pour le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, Eric Besson, c'est un « mythe ». D'abord l'article : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros. » Article 622-1. Pour les ONG, c'est criminaliser la solidarité. Selon elles, passeurs et simples citoyens ou représentants d'associations peuvent être assimilés à un même délit. Et c'est pour dénoncer le flou de cette loi que des milliers de personnes ont demandé à être poursuivies en justice pour délit de solidarité. Très mal à l'aise, surtout depuis qu'il a reçu une feuille de route de Nicolas Sarkozy lui demandant l'interpellation de 5000 passeurs, Eric Besson ne parvient pas à convaincre. « Le délit de solidarité est un mythe. La preuve : en soixante-cinq ans, personne n'a été condamné. » Il cite le cas de deux bénévoles condamnés « avec dispense de peine pour être entrés dans la chaîne des passeurs : en clair, ils avaient transporté des fonds, pris de l'argent à des étrangers en situation irrégulière pour le porter à des passeurs ». Pour le ministre de l'Immigration, l'article 622-1 est clair : « Il ne s'applique pas à ceux qui aident une personne en détresse ». Et pour ceux qui ne sont pas en détresse ? Aucune réponse. Au syndicat de la magistrature qui participe à la mobilisation, Matthieu Bonduelle, secrétaire général, cité par Rue 89, explique la loi et l'esprit de la loi. « Cet article est écrit dans des termes extrêmement larges. Même si Besson parle des exemptions que pose l'article L622-4, le texte n'empêche aucunement le placement en garde à vue de personnes qui viennent en aide à des sans-papiers. Alors oui, peut-être que comme le dit Besson, il n'y a pas beaucoup de condamnations, mais il y a régulièrement des gardes à vue. » Le film de Philippe Loiret Welcome est rattrapé par la réalité. Sorti sur les écrans il y a quelques semaines, il dénonçait déjà les intimidations et les interpellations que subissaient régulièrement les militants des associations d'aide aux étrangers sans papiers. Le Groupement d'information et de soutien des immigrés (Gisti) affirme que les condamnations sont rares « mais les interrogatoires, les interpellations, les gardes à vue sont innombrables ». Les députés socialistes ont déposé une proposition de loi qui vise à « dépénaliser toute aide (entrée, séjour, transit) lorsque la sauvegarde de la vie ou l'intégrité physique de l'étranger est en jeu, sauf si cette aide a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ». Elle doit être débattue le 30 avril à l'Assemblée nationale. A suivre.