Au vu du nombre excessif d'enfants qui arpentent à longueur de journée ses artères principales, Souk Ahras donnerait l'impression à un hypothétique visiteur qu'il s'agit d'une garderie grandeur nature, où l'on ne se gène guère d'y abandonner, pendant toute la journée, des fillettes et des garçonnets dont la moyenne d'âge ne dépasse que rarement les huit ans. Des dizaines parmi ces jeunes personnes, toutes en âge d'être à l'école, s'adonnent à des jeux dangereux, allant des courses-poursuites aux acrobaties périlleuses au milieu de la route. Ceux qui s'accrochent aux bennes des camions, ceux qui roulent à bord d'une trottinette à une vitesse vertigineuse et ceux qui escaladent les façades des immeubles en font partie. Il existe encore plusieurs hordes qui s'adonnent aux petits larcins ou servent carrément de guetteurs pour des voleurs. D'autres sont utilisés par des mendiants « flibustiers » dans leur quête de quelque obole auprès des passants. Vous les rencontrez déguenillés, en compagnie d'une femme adulte quémandant quelques dinars ou lançant à l'adresse des gens des formules devenues sans âme à force d'être répétées. Ceux qui vous abordent mimant un air pitoyable et ceux qui vous collent aux basques pour vous obliger à marquer une halte sont recrutés, apprend-on auprès d'une source au fait du phénomène, dans les quartiers populaires à raison de 200 DA/jour l'enfant. Les signes précoces d'agressivité sont déjà perceptibles chez cette frange, ô combien vulnérable de la société, devenue, outre mesure, une cible privilégiée pour une nouvelle génération de ravisseurs et les dépravés de tous bords. D'aucuns se demandent, d'ailleurs, si les parents mesurent les dangers de la rue auxquels leurs enfants se trouvent exposés. Les raisons invoquées par les uns et par les autres, à savoir la paupérisation qui a atteint des proportions alarmantes, l'absence des aires de jeu, l'exiguïté dans laquelle vit la quasi-totalité des locataires des cités-dortoirs...ne peuvent dédouaner les parents de leur impardonnable démission.