La mine revêche, D. Mohamed, un escogriffe estropié, s'avance vers la barre des accusés en s'appuyant sur une paire de béquilles. Subitement, il trébuche et faillit s'affaler de tout son long sans la prompte intervention de l'un des agents de police chargé de la sécurité des lieux. Cette entrée théâtrale suscite encore beaucoup plus l'attention des présents à l'audience de la cour d'appel d'Oran du 4 avril dernier. Le prévenu affiche un rictus et marmonne des mots intelligibles tout en ajustant le col de son survêtement. « Pas de mal ? », s'enquit le président après l'avoir jaugé. « Non, ça va », glapit-il en soufflant dans ses joues avec un air canaille. Selon l'acte d'accusation, D. Mohamed, âgé de 36 ans, qui avait été condamné par contumace à une peine de cinq années de prison ferme pour trafic de drogue une année auparavant, s'est présenté fin février dernier devant le tribunal correctionnel Djamel Eddine d'Oran. Il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt et il était traqué sans relâche par les policiers. Le faubourg Saint- Pierre, situé en plein cœur d'Oran, est son lieu de résidence et lieu de prédilection favori, où il traîne sa réputation comme un lépreux. Sa clochette s'est transformée en une véritable toile d'araignée savamment tissée par les enquêteurs. Le filet était tendu et refermé, mais le fugitif enserré dans ses mailles demeure dangereux tant qu'il n'était pas capturé. La rapine, son seul moyen de subsistance, lui était désormais synonyme de localisation et donc, incontestablement, d'arrestation. Acculé, il improvise un subterfuge en sollicitant une audience auprès du représentant du ministère public près dudit tribunal pour clamer son innocence après s'être au préalable gavé jusqu'à satiété de résine de cannabis. L'agent de sécurité l'a, évidemment, prié d'évacuer les lieux. De but en blanc, animé d'une rage folle, D. Mohamed tente de se défenestrer. Maîtrisé in extremis, il parvient tout de même, malgré son handicap, à s'extirper pour ôter subitement la tunique qu'il portait, vraisemblablement, de manière intentionnelle ce jour là. Puis, à l'aide d'une lame de rasoir, il se mutila avant de se castrer devant les regards médusés des présents. « C'est l'effet de la drogue conjugué à la colère. Je suis innocent, Monsieur le juge », ergote-t-il à la barre. Le président énumère ses antécédents judiciaires, qui feront pâlir de jalousie le plus dur des durs à cuire des repris de justice. Une crispation déforme le visage du prévenu qui se racle la gorge en bombant le torse, fier comme un paon. Il avait l'air de ce qu'il était. Au terme d'un bref réquisitoire, le représentant du ministère public a requis le maintien de la peine initiale de 2 années de prison ferme, assortie d'une amende d'un montant de 50 000 DA, qui a été prononcée en première instance par le tribunal correctionnel Djamel Eddine. L'accusé était poursuivi pour trouble à l'ordre public, attentat à la pudeur et tentative de suicide. L'avocat a plaidé le bénéfice des circonstances atténuantes. A l'issue des délibérations, la cour d'appel a confirmé la peine initiale.