Ces événements auraient pu s'arrêter à ce stade si ce n'est la réponse qu'a soulignée à l'Algérie cette même ambassade, arguant «qu'au nom du devoir que leur impose la loi de protéger leurs citoyens, obligation leur est faite de les prévenir du danger là où ils se trouvent…» Le droit, tel est le mot pas facile d'utilisation pour la justification d'acte tel que «l'ingérence», car c'est de cela dont il s'agit, «le droit d'ingérence», cet acte qui se faufile dans le droit international moderne en plusieurs variantes, droit d'ingérence humanitaire, lutte contre le terrorisme…etc ; dans le cas de l'humanitaire, cela est désigné par le devoir d'ingérence, qui est conçu comme plus contraignant. Il désigne l'obligation morale faite à un Etat de fournir son assistance en cas d'urgence humanitaire, les Etats-Unis n'ont pas proposé d'assistance ni d'aide au sens humanitaire que ce soit en Syrie, en Afghanistan, en Irak ou ailleurs ; de plus, même si l'intention était celle de «l'humanitaire», eh bien, le droit humanitaire international ne prévoit ni droit ni devoir d'ingérence. Quant au cas où les Etats-Unis s'ingèrent pour d'autres raisons, on est dans le concept du droit d'ingérence, ce droit qui est celui de la reconnaissance du droit des Etats de violer la souveraineté nationale d'un autre Etat; à juste titre, y a-t-il des Etats dans le monde qui ont reconnu ce droit aux Etats-Unis ? La réponse est non; aucun Etat au monde n'a attribué ce droit aux Etats-unis d'Amérique de s'ingérer dans les affaires algériennes; de plus, pour cette ambassade qui fonde la légitimité de son acte dans le droit, l'ingérence en tant qu'acte n'est pas un concept juridique défini. Les cas d'ingérence guerrière sous le patronyme de droit et non de devoir ont été initiés par plusieurs Etats occidentaux, à titre d'exemple au Kurdistan irakien en avril 1991 après que le Conseil de sécurité eut invoqué une «menace contre la paix et la sécurité internationales» (résolution 688 du Conseil de sécurité). Cependant, les interventions humanitaires, qu'il s'agisse de l'opération «Restore Hope», menée en Somalie à partir de fin 1992 (résolution 794), l'opération Turquoise menée par la France au Rwanda en 1994, ou encore les interventions armées en Bosnie-Herzégovine en 1994-1995, au Liberia, en Sierra Leone, en Albanie en 1997 ou l'envoi d'une force d'intervention de l'OTAN au Kosovo en 1999 révèlent également l'ambiguïté et la complexité d'interventions parfois autant militaires qu'humanitaires. Cela n'est pas la conviction des Américains qui, apparemment, hiérarchisent leurs propres lois plus haut que le droit international, chose qui est étymologiquement juste, mais de plus en plus haut que le droit positif des autres Etats du monde, qui sont les garants de leur propre souveraineté. Il est donc clair que l'intervention de cette ambassade n'est basée sur aucun critère rationnel qui est, en l'occurrence, le droit. La réciprocité diplomatique doit jouer un rôle dans ce cas, notre ambassade à Washington doit, au nom de la Constitution algérienne se référant à son article 24 stipulant : «L'Etat est responsable de la sécurité des personnes et des biens. Il assure la protection de tout citoyen à l'étranger», comme le fait exactement la loi américaine, à protéger ses citoyens là où ils se trouvent. Celle-ci doit annoncer toute menace sur le sol américain, un communiqué doit effectivement relever que «sur informations non confirmées», des attentats imminents annoncés sur Internet par El Qaïda et d'autres groupes islamistes, de gauche, altermondialistes, Black Panthers, des civils armés (et la liste est longue), vont se produire éventuellement sur le Pentagone, à New York, au Texas, dans les universités, les supermarchés,etc. Il n'est pas question dans cet article de démontrer que le Département américain a raison d'ameuter tout un pays pour prévenir quelques Américains travaillant dans des lieux sécurisés qui ne semblent n'avoir jamais été inquiétés par les problèmes de terrorisme dans le pays. Mais l'on remarque qu'on est loin de nous inscrire dans un schéma dont les éléments fondamentaux relèvent du droit, du devoir et de l'éthique, avancés par les défenseurs de la démocratie dans le monde. L'auteur est Doctorant en droit pénal et en sciences criminelles