Bain de jouvence pour le docteur Saïd Sadi, mardi soir, sur Arte. Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), invité de l'émission « Thema », de la chaîne franco-allemande intitulée « Ces droits de l'homme qu'on assassine », a « cassé » avec une froide délectation du « régime » algérien. Revanche post-électorale pour l'enfant terrible de l'opposition algérienne, servie sur un plateau télé européen, et pas des moindres. L'émission, retransmise en direct à partir du palais Wilson, à Genève, où se tient du 20 au 24 avril la deuxième conférence mondiale contre le racisme (Durban II) et à laquelle furent aussi conviés François Zimeray, ambassadeur français pour les droits de l'homme, et l'ombrageux député vert européen, Daniel Cohn-Bendit, se veut une « invite » au téléspectateur à découvrir « l'underground » du Conseil des Nations unies pour les droits de l'homme. La veille de l'émission, lundi, le président Ahmadinedjad est passé au palais Wilson. Un passage qui restera sans doute dans les annales pour avoir soulevé un tollé général. Le président Ahmadinedjad a qualifié entre autres de « raciste » l'Etat d'Israël. Le journaliste et présentateur de « Thema », Daniel Leconte, s'interroge : « Pourquoi il ne se trouve aucune voix dans le Sud pour condamner les propos d'Ahmadinedjad ? » Docteur Sadi répond :« Parce que les représentants des pays du Sud ne sont absolument pas ce que méritent les peuples du Sud. Est-ce que lorsque la démocratie a été piétinée, on a entendu autant de révolte ? Lorsque des abus ont été commis en Algérie où une orgie politique vient de déposséder les Algériens de leurs droits les plus élémentaires n'a-t-on pas applaudi ? Cette manière d'appréhender la démocratie, selon que l'on soit d'un côté d'une ligne blanche ou de l'autre, complique la cohésion de la communauté internationale. » « Tous les despotes du Sud recourent à ces simagrées quand ils sont mis en faillite devant leur gestion. » Un brin complice, Daniel C. Bendit lui emboîte le pas. « L'UE n'a pas pipé mot sur les élections contrairement aux Américains… lorsqu'on veut faire du business, nous sommes pris d'amnésie partielle », constate-t-il. Le député regrette qu'on n'ait jamais invoqué l'article 2 de l'accord d'association. « Nous avons demandé la mise en place d'une procédure pour obtenir l'application de cet article d'une façon opposable », dit-il. L'Algérie réduite à un « pipeline » « La vraie question est : va-t-on se décider à faire en sorte que toutes les nations bénéficient de la même considération ou bien parquer les peuples dans des niches où on tolère sauvagerie et barbarie, surtout si l'on considère que le régime est stable, comme c'est le cas pour mon pays, réduit à un pipeline qui dès lors que l'irrigation en pétrole arrive, on peut s'en accommoder ? » Les débats, ponctués de deux documentaires jettent un éclairage sur le fonctionnement « atypique » du Conseil des droits de l'homme. Les conférences Durban I et II sont passées au crible par la journaliste Fourest, auteure des documentaires en question. « Les droits de l'homme sont-ils universels ? », thème des débats. Driss Djazaïri, ambassadeur d'Algérie aux Nations unies, à Genève, est épinglé par la journaliste sur la question des droits des homosexuels. « Respecter les droits de l'homme, c'est respecter les conventions des droits de l'homme. Dans ces conventions, il n'y a rien qui fait état de la question de l'homosexualité ou du mariage des personnes du même sexe. Par conséquent, il s'agit là d'une vision justement "occidentalocentrique" des choses qui est pratiquée dans certains de vos pays ; grand bien vous fasse, mais ce n'est pas une vision nécessairement universelle », répond notre ambassadeur. Robert Badinter, interrogé dans le film, affirme que « les droits de l'homme sont redevenus le lieu d'un combat idéologique ». La lutte contre le racisme doit-elle interdire de s'attaquer aux religions ? Saïd Sadi fait observer : « Si on soutient que le droit à la liberté peut s'apprécier différemment au motif de religions différentes, c'est qu'on est déjà dans l'enfer. L'interprétation faite du Coran n'est pas forcément la même, selon que l'on soit dans l'Islam nord-africain, wahhabite, turc, indonésien ou autre... Il ne faut pas faire de concessions sur le minimum universel. » . L'« interprétation restrictive » des droits de l'homme réamorce, selon le président du RCD, « la pompe du malheur ». « A chaque fois qu'il y a un abus par une nation occidentale, il y a une frustration dans le Sud qui est récupérée par les despotes et recyclée contre les droits de l'homme » L'interprétation « catégorielle », « partielle », « condescendante » de la notion des droits de l'homme prévaut en Occident. Mais pas seulement. « Cela ne me gêne pas qu'on parle de la traite des esclaves par les Arabo-musulmans et en faire une sanction historique. Ne pas en parler pour ménager les sensibilités de régimes frileux participerait d'une forme de racisme, cela me rappelle l'épisode des caricatures. On a entendu ici des démocrates patentés nous dire ‘‘vous pouvez critiquer Jésus, Moïse, les adeptes de ces religions sont adultes'', assez bien décortiqués, savent mettre de la distance entre ce qui est de la dérision et ce qui relève de la raison, mais lorsqu'il s'agit de musulmans, faites attention, ils réfléchissent un niveau cérébral en dessous… Je n'ai pas du tout apprécié ce genre de solidarité », fulmine le docteur.