Evaluer, c'est d'abord fournir aux responsables et aux cadres d'un établissement les outils leur permettant de réfléchir et de progresser. L'évaluation doit être donc concrète, basée sur le quotidien. Dans tous les pays, le débat sur la qualité dans les établissements de santé n'est pas tout à fait neutre, politiquement et économiquement. En ce sens, l'accréditation, même si elle n'apporte pas de réponse à tout, peut-être une opportunité à saisir. Les professionnels de santé pourront facilement s'inscrire dans cette démarche de qualité, d'évaluation de leur pratique, à la recherche du juste soin. Nommer un spécialiste dans un village ou dans une ville d'une région déshéritée et le doter de quelques instruments loin d'une structure hospitalière où peut-être cette spécialité n'existe même pas, ne sont pas productifs, abstraction faite encore du niveau de qualification et de compétence du praticien. C'est l'accréditation des services et l'évaluation des pratiques professionnelles du praticien qui, seules, seront valables pour installer les gens là où ils peuvent être productifs et efficaces. Nous pouvons citer des dizaines d'exemples de ce genre où les praticiens vont passer leur temps à rédiger des rapports d'orientation et d'évacuation ou, pour certains, basculer rapidement dans la dichotomie et l'informel en attendant la fin de leur service civil. Une agence d'accréditation est généralement un organisme indépendant à caractère public. Elle se compose d'un ensemble de professionnels de santé : ce n'est pas une procédure de contrôle, c'est un outil au service de qualité des hôpitaux et l'accréditation restera une démarche volontaire dont le but est d'améliorer la qualité des soins et du service rendu aux patients par les professionnels de la santé que nous sommes. – L'évaluation des bonnes pratiques professionnelles – L'évaluation des pratiques professionnelles participe aussi à la démarche qualité. Son objectif est de promouvoir qualité, sécurité, efficacité et efficience des soins et de la prévention dans le respect des règles déontologiques. Elle consiste en l'analyse de pratiques professionnelles en référence à des recommandations selon une méthodologie élaborée par des professionnels (en France, c'est la Haute autorité de la santé). Cette pratique se situe dans une démarche de qualité non plus à l'échelle d'un établissement mais à celui de l'individu, démarche reconnue par les organismes d'assurance maladie, les autorités de tutelle et le public, procurant ainsi au praticien une sorte de garantie contre les contrôles de tout ordre. Cette démarche doit espérer une pratique plus rationnelle, donc moins coûteuse, ce que l'Etat et les caisses souhaitent et espèrent. Un homme seul ne pourrait posséder toutes les compétences nécessaires. Des experts et différents professionnels doivent participer à la démarche qualité pour valider des propositions et apporter, chacun dans son domaine, la richesse de leur expérience personnelle. La situation actuelle est nouvelle, car l'intérêt du patient, celui du soignant, de l'établissement et, partant, celui de l'Etat, en viennent à converger. Il n'est donc pas surprenant que la notion de qualité des soins soit apparue dans le vocabulaire médiatique, indiquant le souhait des gouvernants de la vérifier. – L'assurance qualité – Un premier pas vers l'assurance de qualité contribue certainement à mettre en place une nouvelle approche, plus rationnelle, du fonctionnement de l'hôpital. – Dans les hôpitaux – La remise en cause est une obligation déontologique vis-à-vis du patient et de sa famille et pour toutes ces raisons, il est devenu indispensable de mettre en œuvre une démarche adaptée à la réalité culturelle et technique de nos structures hospitalières. La qualité se vit tous les jours et dans le détail. Dans l'intérêt général, il paraît nécessaire, avant tout, de consolider les bases à un niveau acceptable au plan humain, supportable au plan financier ; le risque lié au fonctionnement des structures de soins modernes doit faire l'objet d'une prise en charge globale et cohérente. Cela justifie une action nationale de grande ampleur. Démarrer une journée opératoire dont le programme comporte de nombreuses anesthésies, mettre en place un matériel de cœlioscopie ou d'examens invasifs ne sont pas des actes dénués de risques. Il n'est pas simple de contrôler les systèmes de climatisation et de traitement d'air, d'organiser une attitude cohérente des intervenants auprès d'un malade dont l'état nécessite l'isolement. La complexité des diverses situations augmente avec l'évolution des techniques médicales. Le vieillissement de la population par exemple en Europe, ou la prise en charge tardive des patients dans nos structures, conduisent à traiter des pathologies de plus en plus lourdes sur des patients fragiles, ce qui accroît d'autant les risques engendrés par les structures techniques des établissements médicaux. Certains de ces risques peuvent être correctement gérés, notamment ceux liés aux bâtiments, à l'incendie, à l'électricité, à la vapeur, aux gaz médicaux. Les autres, relevant davantage de la médecine, ne font pas l'objet de procédures clairement définies et connues de tous. Il faut donc rechercher une méthode permettant à chacun de concevoir autrement son activité quotidienne, pour mieux gérer les risques qu'elle comporte. Les premières questions qui se posent concernent toujours l'accueil dans sa forme administrative, médicale et soignante, qu'il s'agisse de l'hospitalisation ou des urgences. Le patient apprécie ensuite la qualité de la restauration et de l'hôtellerie, deux services où la notion d'hygiène est capitale. L'évaluation du bloc opératoire, même si certains aspects de son fonctionnement sont appréciés du point de vue des patients, constitue avant tout un instrument de travail interne. Il faut se garder de penser qu'un bloc opératoire neuf suffit à résoudre tous les problèmes qu'on peut rencontrer. Enfin la qualité des soins infirmiers est un atout essentiel tant en termes d'image que de coût. L'exigence croissante des malades, tant sur le point de l'accueil et de l'hôtellerie, que des prestations médicales, ne saurait être négligée. Un seul secteur défaillant peut compromettre la perception de la qualité de tous les autres. – Dans les cliniques – Le jeu de la concurrence impose déjà aux établissements privés de maintenir, voire d'élargir sa clientèle. Les responsables sont donc appelés à s'interroger sur leurs points faibles et à valider ce qu'ils considèrent comme leurs points forts, s'ils veulent assurer la pérennité de leur entreprise et jouer pleinement leur rôle économique et social. Pratiquer une politique de qualité n'est pas obligatoirement synonyme d'une augmentation des dépenses. Il s'agit d'utiliser plus efficacement les moyens disponibles afin de garantir et de maintenir la rigueur des prestations fournies, ce qui implique d'optimiser les investissements financiers à partir d'une appréciation objective des besoins. Une vision claire de l'aspect quotidien du fonctionnement d'un hôpital permet de réaliser des économies sensibles en matière de consommation de produits, de temps, de personnel et bien souvent d'investissements forts coûteux. – Des propositions – L'accréditation devrait être conçue, organisée, gérée, appliquée et financée par des professionnels pour des professionnels. Elle ne sera acceptable par tous que si elle peut garantir une totale indépendance par rapport aux pouvoirs de l'Etat, des caisses d'assurance maladie, des mutuelles, des groupes financiers, de l'hospitalisation privée et des assureurs. Elle doit reposer sur trois aspects essentiels : l'évaluation des résultats médicaux, l'évaluation des coûts et celle des structures et des procédures, qui devrait inclure le fonctionnement administratif. L'évaluation des résultats et des coûts peut être suivie par une instance nationale, sur la base d'une transmission régulière des informations par chaque établissement. L'accréditation n'est pas un instrument de contrôle au service de l'Etat mais un outil de progrès et d'assistance en matière de qualité de soins. – La formation médicale continue – La formation médicale continue est certainement le moyen unique et privilégié de la mise à niveau des ressources humaines. Le développement rapide des connaissances et des techniques et la nécessaire maîtrise de ces nouvelles acquisitions face à un public de plus en plus exigeant, inquiet et informé par les médias, ou croyant l'être, imposent une actualisation permanente. L'Enseignement post-universitaire (EPU), appellation remplacée vers les années 1950 par Formation médicale continue (FMC), a voulu montrer qu'il ne s'agit plus d'un enseignement traditionnel, mais d'une formation de professionnels, privilégiant l'adaptation des compétences plutôt que l'acquisition des connaissances, par une pédagogie moderne interactive. Les grandes réunions scientifiques et les sociétés savantes sont indispensables pour les universitaires et les hospitaliers, qui doivent aussi actualiser leurs connaissances, mais peu profitables et mal adaptées aux préoccupations journalières du médecin d'exercice libéral. Dans certains pays, comme la France, la FMC est obligatoire et c'est même devenu le passage obligé pour accéder à des points d'accréditation en vue du conventionnement. Ces réunions sont généralement sponsorisées par l'industrie pharmaceutique, dont l'apport financier pour la formation des médecins est considérable. – Qu'en est-il chez nous ? – Les associations et cercles de formation médicale continue se comptent sur les doigts d'une main à l'échelle nationale. Les congrès régionaux, très rares, sont peu fréquentés par les médecins libéraux, qui sont toujours les mêmes, ceux justement qui en auraient le moins besoin. On y discute souvent entre hospitaliers et universitaires. Les congrès nationaux sont dans leur grande majorité toujours centralisés à Alger et peu médiatisés. Les congrès internationaux sont très onéreux et ne sont accessibles qu'à ceux qui peuvent être pris en charge sans parler des tracasseries du visa. De toute façon, l'abondance des sujets est telle qu'il n'est pas en général possible de dialoguer. Leur intérêt touristique est cependant indéniable ! Beaucoup d'excellents ouvrages sont à la disposition des médecins mais ils sont souvent trop formels vis-à-vis de la diversité des situations cliniques quotidiennes, de même que les périodiques. L'acquisition et le suivi de cette littérature, quand elle est disponible dans notre pays, coûtent très cher. Enfin, l'outil informatique est théoriquement un extraordinaire moyen d'information, notamment via Internet et les bases de données. Son développement à large échelle demeure encore limité chez nous. Il ne permet pas cependant un dialogue en temps réel et ponctuel. Ainsi, et face à ces moyens d'information et de formation classique, les médecins généralistes libéraux sont confrontés à des problèmes de temps et d'argent. Cependant, si l'évaluation permet de vérifier la qualification professionnelle, elle ne peut valider les compétences. Qu'il s'agisse des médecins, des soignants ou de tout autre intervenant, le diplôme est actuellement un permis de travail à vie, qui n'impose aucune amélioration des connaissances et encore moins de contrôles. Certains font de la formation continue une priorité personnelle ; d'autres bénéficient parfois de recyclages au frais de l'Etat plus ou moins réussis, mais il ne s'agit là que de rares cas privilégiés. – Quelles réponses ? – La médecine en Algérie va connaître de profondes modifications dans les 10 années futures qui rendront l'exercice médical inéluctablement plus délicat pour ne pas dire plus difficile. Que nous le voulions ou non, de nombreuses contraintes vont peser sur nos pratiques professionnelles dans les 10 années à venir. – L'évolution démographique va se sentir avec l'augmentation sensible du nombre de médecins généralistes associée à une féminisation croissante. – L'évolution technologique constituera un autre enjeu avec l'utilisation de matériels diagnostics et thérapeutiques de plus en plus nombreux, sophistiqués et coûteux. – Les contraintes réglementaires n'iront pas non plus en diminuant : évaluation des pratiques professionnelles, formation médicale continue, rectification de spécialités, agrément des hommes et structures. Le contexte médico-légal et la judiciarisation de la médecine qui sont en constante progression. – Les associations de malades deviendront également de plus en plus vigilantes non seulement sur la formation initiale et continue des praticiens mais également sur leur niveau d'activité en particulier chirurgical. On ne pourra plus aussi fonctionner sans assurances qui vont devenir très onéreuses. L'obligation de formation médicale continue pour les médecins libéraux et hospitaliers existe dans de nombreux pays : les formations sont validées par un conseil national de la formation médicale continue qui réunit l'ordre, l'université, les associations de formation ainsi que les représentants des unions régionales de médecins libéraux. Il est certain que cela va obliger un certain nombre de nos collègues à fréquenter plus régulièrement les ateliers, les congrès, les cours et les séances de FMC. C'est d'ailleurs la moindre des corrections vis-à-vis de nos patients de leur apporter des soins et des conseils en accord avec les recommandations établies par des experts en accord avec les référentiels et les recommandations et qui nous mettent aussi à l'abri de reproches ultérieurs. – Conclusion – La nécessaire remise à niveau que nous souhaitons pour notre système de soins et dont nous suggérons les moyens va tendre à modifier profondément notre mode d'exercice, induisant fatalement un regroupement de professionnels. Si l'information passe bien et si la majorité des personnels de la santé et les partenaires sociaux adhèrent à ces nouveaux pas, nos modestes propositions peuvent nous mener vers l'hôpital de demain : – Le décor est bien planté maintenant depuis l'installation de la commission de la nomenclature et de la tarification. Il reste à l'Etat de développer les mutuelles de santé et regrouper dans un engagement bien assumé, les personnels de santé autour d'objectifs communs. – Permettre une mutualisation de moyens nécessaires à l'exercice de notre art avec des plateaux médico-techniques partagés, économiquement viables, ouvrant la voie à la réunion de structures d'hospitalisation privée et publique, qui conduiront certainement à décloisonner l'exercice libéral et l'exercice hospitalier. – Pour permettre d'échanger et de partager les points de vue médicaux sur un même lieu et de favoriser l'exercice en groupe, il va falloir remettre en cause les habitudes, susciter des interrogations, centraliser les informations pour en tirer un plan d'action à long terme. Tout cela peut créer une perturbation profonde. Il faut donc faire preuve de réalisme et conduire cette démarche avec autant de délicatesse que de fermeté, en évitant de culpabiliser ceux qui ont fait le choix d'évoluer quels que soient le temps nécessaire et les difficultés rencontrées. En revanche, aucune excuse ne saurait être accordée aux responsables qui s'enferment dans un système de refus : outre qu'ils se condamnent eux-mêmes à disparaître, ils nuisent en même temps à l'entreprise et à ses salariés, et surtout aux patients qui leur font confiance. Il faut aussi sensibiliser les patients au bon usage des soins et développer les réflexes de prévention aujourd'hui à l'état embryonnaire Cela conduit à souligner l'importance de la formation des intervenants à tous les niveaux de décision, mais également la difficulté de mener une action cohérente, sur un problème donné. L'auteur est Spécialiste O.R.L. – Oran, Président de l'Association des cliniques de l'Ouest