C'est la compétition qui se déroule entre plusieurs opérateurs sur un même marché pour atteindre plus complètement une fin économique : l'offre de produits ou de services qui satisfont des besoins égaux ou proches ou, si l'on préfère, la conquête et la conservation d'une clientèle d'une part de marché. Cette compétition s'exprime dans l'économie de marché qui repose sur le mécanisme de l'offre et de la demande et suppose que les opérateurs économiques disposent d'une certaine marge de liberté. Et s'il est vrai que la lutte concurrentielle est libre et qu'il est donc possible et licite d'atteindre la clientèle d'autrui, cette liberté dans l'exercice de la concurrence n'est pas absolue. La recherche de la clientèle ne doit pas être placée sous le signe de la déloyauté et si les tribunaux sont amenés à rappeler la liberté pour chaque concurrent d'attirer la clientèle de ses rivaux, c'est toujours sous la réserve de «respecter les usages loyaux du commerce». Dans ce contexte, la notion de captation de clientèle implique, en premier lieu, la constatation que le produit s'adresse à une même clientèle, peu important que le client soit fidèle au départ à un concurrent, seule l'identification qualitative du produit étant de nature à vérifier s'il existe une «amorce» de ressemblance avec le produit concurrent permettant, après que le processus fautif ait été relevé, de vérifier s'il y a eu captation ou tentative de captation de clientèle. Sur le plan international, l'article 1.2/ de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle mentionne parmi les objets de la protection de la propriété industrielle, la répression de la concurrence déloyale en même temps que les brevets, les modèles d'utilité, les dessins ou modèles industriels, les marques de fabrique ou de commerce, le nom commercial, les indications de provenance et les appellations d'origine, et l'article 10 bis contient une disposition qui vise expressément à réprimer la concurrence déloyale et la définit comme tout acte contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale et cette définition laisse aux tribunaux et autorités administratives de chaque pays le soin de préciser le contenu de la notion d'«honnêteté commerciale». L'article 10 bis 3 donne trois exemples d'actes qui devront «notamment» être interdits. Ces exemples ne constituent pas une liste exhaustive mais représentent plutôt le niveau de protection minimale que tous les Etats membres doivent assurer. Les deux premiers «faits de nature à créer une confusion et allégation de nature à discréditer un concurrent» relèvent en quelque sorte du domaine «traditionnel», du droit de la concurrence, celui de la protection des concurrents. Le troisième «indication ou allégation susceptible d'induire en erreur», qui a été ajoutée par la conférence de révision tenue à Lisbonne, en 1958, tient compte des intérêts et des concurrents et des consommateurs. Citant comme exemple l'Algérie, qui étant membre de l'Union de Paris et selon l'article 27 de la loi 04/02 sur les règles applicables aux pratiques commerciales, sont considérées comme pratiques commerciales déloyales notamment les pratiques par lesquelles un agent économique : 1/- dénigre un agent économique concurrent en répandant à son propos ou au sujet de ses produits ou services des informations malveillantes ; 2/- imite les signes distinctifs d'un agent économique concurrent, de ses produits ou services et de sa publicité dans le but de rallier sa clientèle en créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur ; 3/- profite des secrets professionnels en qualité d'ancien salarié ou associé pour agir de manière déloyale à l'encontre de son ancien employeur ou associé. 4/- s'implante à proximité immédiate du local commercial du concurrent dans le but de profiter de sa notoriété, en dehors des usages et des pratiques concurrentiels en la matière. S'agissant du «dénigrement» qui est une attaque dirigée directement contre un concurrent ou une catégorie de concurrents donnée, ses conséquences vont plus loin puisque l'information donnée sur le concurrent ou ses produits étant inexacte, le consommateur risque d'être lésé lui aussi. L'article 10 bis 3 de la convention de Paris oblige les Etats membres à interdire toutes «les allégations fausses, dans l'exercice du commerce, de nature à discréditer l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent». Une disposition analogue figure dans la plupart des lois nationales sur la concurrence déloyale. Mais, même lorsqu'il n'est pas expressément interdit, le dénigrement apparaît contraire à la notion de loyauté de concurrence. Comme c'est surtout le concurrent individuel qui subit un préjudice, les sanctions prévues sont surtout civiles (ordonnance de cassation ou dommages-intérêts). Toutefois, dans les cas les plus graves, et surtout lorsqu'il y a diffamation, des sanctions pénales sont également prévues, souvent dans le cadre général du code pénal. La jurisprudence marque le souci de faire une distinction entre le dénigrement, qui est condamné, et la simple critique qui est autorisée. Certes, la frontière entre la libre critique qui est un droit, et le dénigrement qui est une faute, n'est pas toujours aisée à tracer. Le dénigrement ne commence qu'avec des critiques acerbes et systématiques voulant discréditer le concurrent. Il ne faudrait pas croire, cependant, que le dénigrement provenant d'un non-concurrent échappe à tout reproche. La question de savoir si l'expression d'une opinion peut discréditer un concurrent renvoie à la question de savoir si la protection doit s'étendre au cas où les déclarations sont véridiques. L'article 10 bis 3 de la convention de Paris vise les allégations fausses, mais beaucoup de pays vont plus loin, et les remarques de nature à discréditer un tiers y tombent sous le coup de l'interdiction expresse du dénigrement, ou constituent tout au moins une violation des dispositions générales sur les usages commerciaux honnêtes, même lorsque les faits allégués sont exacts. Une remarque sur un concurrent-même littéralement exacte, sera donc considérée comme un acte de concurrence déloyale si, par exemple, l'«attaque» prend des proportions démesurées ou si les mots utilisés sont inutilement offensants. Aussi, au cas où le contenu des lettres établit que la société A s'est adressée aux clients de la société concurrente B pour les menacer d'un procès en affirmant péremptoirement que le produit du concurrent est contrefaisant avant même que le jugement en contrefaçon ne soit intervenu, on se retrouve devant un dénigrement, par la menace d'une action en justice vue par la publicité donnée à une action en justice, constitue alors un acte de concurrence déloyale. Ici, le dénigrement est aggravé dans la mesure où les mises en garde sont assorties de menaces destinées à détourner la clientèle de la société B de telles menaces ont en partie produit l'effet escompté, puisqu'un des distributeurs lui a renvoyé les stocks commandés. C'est la raison pour laquelle le tribunal estime urgent de faire cesser ces actes déloyaux. Quant à «la violation de secret», en principe l'information confidentielle ne peut être licitement divulguée, acquise ou utilisée par autrui qu'avec le consentement du détenteur légitime. C'est lui qui décide que l'information sera considérée comme confidentielle, en prenant des mesures suffisantes à cet effet. L'obligation de ne divulguer, acquérir ou utiliser l'information qu'avec le consentement du détenteur légitime peut découler directement d'un contrat ou d'un accord verbal conclu, par exemple, entre lui et son employé ou entre lui et un fournisseur associé à un projet particulier. Elle peut aussi se déduire des circonstances, c'est-à-dire des mesures prises par le détenteur légitime pour préserver le secret de l'information, qui doivent faire comprendre aux tiers qu'elle est confidentielle. Au cas où le salarié est débiteur envers son ancien employeur d'une obligation de confidentialité couvrant certains principes techniques secrets appris au cours de son emploi, le seul fait pour le nouvel employeur d'en obtenir la révélation en connaissance de cette obligation, constitue à l'égard du créancier de celle-ci la faute délictuelle de tierce complicité à la violation de l'obligation contractuelle du salarié débiteur. Pour le parasitisme», il consiste à se nourrir de l'effort intellectuel ou économique d'autrui, il est ainsi, par exemple, de la copie servile ou du surmoulage. Il arrive que le consommateur le moins averti se rende compte que le produit copié n'a pas la même origine que celui du copieur. Mais il est certain, que l'absence de tout risque de confusion, n'est pas admissible car le copieur aura économisé les frais de conception et de présentation du produit. Il en est de même de celui qui a utilisé la marque notoire d'autrui pour des produits ou services différents de ceux pour lesquels la marque notoire a été déposée. Le parasitisme peut se présenter sous deux formes différentes : la première, est l'utilisation de la notoriété d'autrui. La réputation ou la notoriété d'un commerçant toute volatile et subjective soit-elle est une certitude de fait d'attirer et de retenir un certain volant de clients. Cette notoriété ne tombe pas du ciel : elle est le résultat d'investissements, de campagnes publicitaires répétées, d'efforts continus et coûteux, de qualité des produits et services, etc. Elle est le reflet et la mesure de dynamisme de l'entreprise qui en bénéficie. Autant dire qu'elle s'apparente à une valeur économique et qu'il serait injuste de laisser un concurrent s'en emparer librement. En second lieu, la notoriété est une valeur économique et un bien juridique. Dès lors, elle est appréciable en argent, elle a un prix. La notoriété est le résultat d'un savoir-faire. Or, celui-ci n'est pas inné : il résulte d'un travail persévérant et d'efforts continus. En bref, la renommée est une vraie création. Son enfantement fut coûteux lui-même, et il a été assorti d'investissements notables, matériels et intellectuels. La seconde est «l'utilisation du travail du concurrent». La protection des idées par le droit d'auteur n'est pas satisfaisante en raison essentiellement de leur faible — pour ne pas dire leur absence totale d'originalité. Une protection indirecte pourrait résulter de la théorie des agissements parasitaires, ce qui permettrait de condamner celui qui produit une compilation précédemment réalisée par un tiers, qu'il existe ou non un risque de confusion avec la production originaire, c'est-à-dire qu'il y ait ou non identité dans le monde de communication au public. L'exploitation du travail d'autrui, sans autorisation et, sans rémunération, peut constituer un acte de parasitisme. Ainsi, par exemple, la reproduction d'études statistiques a-t-elle été jugée parasitaire en ce sens que «même si elles ne sont pas protégées par un droit privatif spécifique, des études statistiques sont le fruit d'un savoir-faire dans la conception des méthodes de sondage, d'importantes prestations de services pour l'exécution de ceux-ci et d'un travail intellectuel pour leur exploitation. Aussi, quand une société considère que le fait pour une autre société d'avoir voulu profiter de ses propres investissements pour promouvoir son émission sur le court métrage qui est diffusée le même jour, le samedi , au même moment, selon la même périodicité et qui vise la même clientèle d'initié, est constitutif d'un acte de concurrence déloyale. Le problème est alors de savoir si la reprise d'une émission de court métrage par une société comme argument publicitaire de sa propre émission constitue-elle une usurpation des investissements d'un concurrent, est par conséquent une faute. La réponse apportée par le tribunal est négative, mais la cour d'appel de Paris a considéré que lorsque dans la réalisation d'un objet, l'auteur, au lieu de donner libre cours à ses facultés mentales, les met en sommeil et conduit un processus d'élaboration asservi à l'imitation de l'œuvre d'autrui, c'est une caractérisation de l'usurpation de l'investissement ou de l'effort intellectuel, autrement dit la présence de la concurrence déloyale ou, plus exactement, le parasitisme. S'ajoute au parasitisme la «contrefaçon» qui consiste en la violation d'un droit privatif sur un signe ou une création. En outre, le caractère complémentaire de l'action en concurrence déloyale résulte des « faits distincts» ou d'«agissements distincts» de ceux constituant une contrefaçon et de la protection d'un «droit privatif» non inclus dans la législation spéciale. Cette complémentarité se développe dans deux situations : parfois, l'action en concurrence déloyale prolonge la protection déjà assurée par l'action en contrefaçon, parfois, l'action en concurrence déloyale est exercée parce que l'on ne peut se prévaloir d'aucune protection spéciale. Par ailleurs, l'ADPIC établit un niveau minimal de protection des droits de propriété intellectuelle, comme condition d'accès à l'OMC, en intégrant l'essentiel des normes fixées, à titre minimal, par les conventions de l'OMPI. Il introduit un nombre important d'obligations supplémentaires, en particulier la convention de Berne, et l'acte de Paris de 1971 énonce les procédures et mesures correctives civiles et administratives (section 2), les mesures provisoires (section 3), les prescriptions spéciales concernant les mesures à la frontière (section 4) et les procédures pénales (section 5). En matière de lutte contre la contrefaçon, plusieurs dispositions sont essentielles, notamment: les articles 44 et 45 qui prévoient la nécessité de conférer aux tribunaux le pouvoir d'ordonner des injonctions, de faire verser au détenteur du droit des dommages et intérêts, d'obtenir le recouvrement des bénéfices et/ou le paiement des dommages et intérêts, mais aussi des saisies et destructions de marchandises contrefaites. Les mesures provisoires, aux termes des articles 41 et 50, que peuvent ordonner les autorités judiciaires, doivent être rapides et efficaces, soit parce qu'elles sont nécessaires pour empêcher qu'un acte portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle ne soit commis, soit parce qu'elles sont nécessaires pour sauvegarder les éléments de preuve relatifs à une atteinte. Par conséquent, elles peuvent être prises sans que la partie considérée comme contrefacteur ne soit nécessairement avisée des mesures s'il existe un risque de préjudice irréparable ou de destruction de preuve et à condition que le demandeur fournisse des éléments de preuve de la titularité des droits. Les procédures pénales que doivent mettre en œuvre les Etats (art. 61) visent les actes délibérés de contrefaçon, notamment le piratage portant atteinte à un droit d'auteur, commis à une échelle commerciale et doivent pouvoir s'appuyer sur des incriminations larges comportant des sanctions pénales : emprisonnement et/ou des amendes dissuasives, saisie, confiscation, destruction. La contrefaçon produit pour l'ensemble des acteurs économiques des effets négatifs : elle conduit à des pertes de parts de marché, manifeste des attitudes de concurrence déloyale et/ou parasitaire, notamment quant aux réseaux de distribution, puisqu'elle fait l'économie de l'ensemble des dépenses d'investissement, de R&D, de création, de publicité, marketing et développement commercial, en plus des dépenses relatives aux protections juridiques. Elle ne concerne que rarement les plus grandes entreprises, mais porte ses effets sur des filières affectant le tissu créatif et inventif des PME et PMI qui constituent des victimes particulièrement fragiles. Elle a donc des conséquences réelles en termes de croissance et d'emploi. 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L'Accord multilatéral sur les ADPIC, en vigueur depuis le 1 er janvier 1995. – Loi 04/02 du 23 juin 2004, j. o. n°41, fixant les règles applicables aux pratiques commerciales.