Quand on voit le faste mis dans cette cérémonie du Fennec d'or jeudi au Théâtre national, pour un show aussi pitoyable, on mesure mieux le déclin de la production filmique en Algérie. Ces limousines rutilantes que Hamraoui Habib Chawki ramène d'on ne sait où, pour accueillir ses invités, offrent un spectacle de « Carnaval fi Dechra » du grand Alliouet, au beau milieu d'une Basse Casbah où tout le monde ne mange pas à sa faim. Cela fausse déjà le décor. Mais HHC et son ami organisateur de l'événement ont bien préparé leur scénario pour vendre un faux suspense. Nos artistes, à l'image du grand Adjaimi, ont eu certes les honneurs de descendre de la limousine et de marcher sur le tapis rouge, mais ont dû faire le chemin inverse de la même manière, c'est-à-dire les bras ballants… Les Fennecs d'or et la reconnaissance du talent c'est pour les autres, pas forcément brillants. C'est, apparemment, la règle et non pas l'exception pour les concepteurs de cette cérémonie qui consiste à surprendre, y compris le public dans le choix des lauréats. Après la mode des sitcoms qui ont raflé tous les prix mis en jeu lors des précédentes éditions, le Fennec d'or a brusquement tourné le dos au spectacle. Il est tout de même curieux que le populaire Djemaï Family avec Salah Ougrout n'ait pas trouvé grâce aux yeux du jury. Pas même le jeune artiste Mohamed Bouchaïb qui a pourtant enlevé haut la main le prix Lumière à Paris de meilleur espoir pour son rôle dans Mascarade en janvier dernier. Mais il semble que le regard de HHC est plus rivé vers l'Orient… Pour un festival qui se voulait national, deux Fennecs ont été détournés en Syrie au profit de deux acteurs d'une coproduction algéro-syrienne. Nos jeunes espoirs auxquels le public a eu un vrai coup de cœur, durant le Ramadhan dans le feuilleton Qouloub fi Sirâa, n'étaient là, ce jeudi, que pour applaudir ces acteurs, d'ailleurs, qui n'ont pas eu la correction de venir récupérer leurs Fennecs ! Se pose alors la question de ce complexe bien algérien de dérouler le tapis rouge aux étrangers au détriment de nos artistes tout juste bons pour amuser la galerie. Même les prix spéciaux du Fennec sont allés à une actrice égyptienne et un artiste syrien. Après avoir créé de toutes pièces un festival du film arabe à Oran, Hamraoui Habib Chawki voudrait également « orientaliser » ce Fennec décidément fatigué à force d'usure. Où étaient donc passés, ce jeudi, tous ces professionnels du 7e art algérien dans une soirée censée être la leur ? Au moment où Marrakech et Carthage accueillent les monstres sacrés de Hollywood comme dans la cérémonie des Oscars, HHC fait son cinéma au Théâtre national à un jet de pierres des trottoirs occupés par des SDF. Le Fennec d'or est devenu un feuilleton annuel de mauvais goût, joué par des acteurs au talent incertain. Il serait utile d'enquêter sur les sous et les dessous d'un montage politico-cinématographique dans lequel Hamraoui Habib Chawki adore remercier son « excellence » pour dissiper les doutes et décourager ceux qui seraient tentés de lever le rideau sur la forêt où évolue ce Fennec.