Agée de 36 ans, K. M. Aounia reflète fidèlement le portrait de cette catégorie de femmes qui passent le plus clair de leur temps perchées sur le tabouret d'un bar. Elle est modelée dans la pâte de la patience dont jouissent celles qui savent guetter durant toute une nuit un potentiel pigeon à déplumer, sans être tout à fait sûres de le débusquer en fin de compte. Les débits de boissons alcoolisées et les boîtes de nuit, qui jalonnent le littoral ouest de la wilaya d'Oran, constituaient son lieu de prédilection. Pour être plus proche de son cadre de travail, K. M. Aounia a élu domicile dans la station balnéaire de Aïn El Turck, où elle traîne sa réputation comme un lépreux sa clochette. Au fil du temps, elle a très vite compris, la mort dans l'âme, qu'elle se faisait trop vieille pour le métier et que la concurrence était acharnée. Cet état de fait serait à l'origine de son caractère sournois et insociable, selon son entourage. Mais tout cela ne pouvait absolument pas justifier l'infanticide dont elle s'était rendue coupable un matin du mois d'août de l'année écoulée. Selon l'acte d'accusation, cette mère célibataire a battu à mort son propre enfant, D. Tayeb, âgé d'à peine quatre ans, fruit d'une union illégitime. La petite victime a beaucoup souffert avant de succomber. Elle est morte à petit feu, des suites de la lente dégradation de son état de santé. L'expertise médicale a fait état de traces de morsures et de brûlures de cigarettes sur différentes parties de son corps. Des hématomes ont également été relevés par le médecin légiste. « Il est tombé de l'escalier, je ne l'ai pas tué monsieur le juge », radote l'accusée à la barre, le 22 avril. Décontenancé, à l'instar des autres membres constituant le tribunal criminel, le président jauge l'accusée avant de s'étonner : « Vous êtes enceinte ? » « Oui. Une grossesse de quatre mois », rétorque-t-elle en baissant la tête, vraisemblablement embarrassée par les regards consternés. Elle avait, une fois de plus, consommé le fruit défendu sans prendre ses précautions, quelques jours seulement avant son interpellation. « Dans son témoignage, la nourrice chargée de la garde de votre enfant au niveau de la crèche a signalé qu'il portait des traces de sévices », renchérit le magistrat d'une voix qui a sensiblement monté d'une octave. Piégée, elle balbutie : « Je ne sais pas pourquoi elle a dit cela … » « Le rapport de l'expertise médicale confirme ses déclarations ! », interrompt le président avant de l'inviter à regagner sa place dans le box des accusés. Le représentant du ministère public a mis en évidence « la souffrance de l'enfant, qui a été arraché à la vie par celle qui l'a engendré ». L'avocat général a conclu son réquisitoire en requérant une peine de 20 ans de réclusion criminelle. La défense a plaidé le bénéfice des circonstances atténuantes. Au terme des délibérations, le tribunal criminel a condamné K. M. Aounia à une peine de 12 ans de réclusion. A l'annonce du verdict, son visage est resté impassible. D'un regard sinistre, elle contemplait ses mains posées à plat sur son ventre…