Le colloque international en hommage à l'historien Mahfoud Kaddache et portant sur les « Générations engagées dans le Mouvement national au Maghreb » a été ouvert samedi au siège du CRASC et se clôturera aujourd'hui. L'équipe de recherche Parcours, biographies et réseaux de la division anthropologique de l'histoire et de la mémoire (CRASC) et le département Euro-Méditerranée, Monde maghrébin, (université Paris VIII) en sont les initiateurs. « L'objectif étant, selon Hassan Remaoun, directeur de la division des recherches en socio-anthropologie de l'histoire et de la mémoire, de proposer une réflexion commune à différentes disciplines des sciences sociales autour des générations engagées dans les Mouvements nationaux au Maghreb et qui ont abouti aux indépendances. » Il s'agira, poursuit-il, de « passer en revue le chemin parcouru par l'historiographie générale du Mouvement national à l'aune d'une catégorie d'analyses, celle des générations engagées dans la construction des dynamismes sociaux qui l'ont structuré et irrigué ». Il faut signaler que ce colloque est marqué par la présence de chercheurs et d'historiens de renom. « Pourquoi la Révolution algérienne a-t-elle abouti à un régime autoritaire ? » est la préoccupation de Mohamed Harbi de l'université Paris VIII. Les réponses des acteurs politiques à cette question sont multiples. Il citera plusieurs acteurs du Mouvement national qui se sont exprimés sur la question, mais la démarche de l'historien algérien rejoint celle des chercheurs en sciences sociales qui privilégient, quant à eux, une approche historique et sociologique sur le temps long et mettent l'accent sur la société et ses élites, pour analyser en profondeur, les ressorts de l'autoritarisme. « Les pionniers du nationalisme au Maroc et en Algérie dans les années 1930 », tel est le thème de la communication de l'historien Benjamin Stora, qui considère que sa communication entend restituer les mouvements d'écriture de l'histoire, portée par différentes générations d'historiens algériens après l'indépendance. Selon lui, derrière les conceptions d'une certaine écriture « officielle » se perçoivent toujours les tentatives de récits qui contredisent des vérités établies, en Algérie ou à l'étranger. Il estime qu'« en dépit d'une instrumentalisation par les pouvoirs successifs, la société ne cesse de réclamer des références et des justifications ». « L'Algérie coloniale, du café maure au café des sports » est le thème de la communication donnée par Youcef Fates, de l'université Paris X. Il s'agit, selon cet orateur, « d'une analyse socio-historique du processus de transformation d'un lieu fort de la sociabilité algérienne masculine, le café maure en "café des sports" ». Cette intervention vise à montrer la place et le rôle du café dans le développement du sport, cette nouvelle culture du corps et du loisir, que se sont appropriée les Algériens, malgré de nombreux obstacles coloniaux d'ordre administratif et les facteurs endogènes dont la résistance des « traditionalistes musulmans ». René Gallissot est intervenu pour expliciter le concept de génération intellectuelle en remettant en question quelques idées reçues comme la notion d'élite intellectuelle qu'il trouve méprisante avant de passer en revue, malgré une dimension maghrébine qu'il défend, la spécificité du cas algérien caractérisé par « la dépréciation d'une culture bilingue » (pendant et après la colonisation) qui a abouti à une certaine coupure entre l'Algérie et les deux autres pays voisins. Il a considéré par ailleurs que Mahfoud Kaddache, issu des Scouts musulmans, a évolué dans une alternance entre un nationalisme fermé et un nationalisme ouvert. Il a abordé ensuite le concept de nationalisme « développementiste » qui a caractérisé la génération des années 1960 avant d'entamer la période actuelle (après 1988 pour l'Algérie) marquée par la mondialisation et la dislocation des mouvements sociaux entre la culture des droits de l'homme, néanmoins toujours en rapport avec la société, et les nouveaux concepts pour lui inopérants de développement durable et autres « idioties ». Hier, Omar Carlier a présenté une communication sur le PPA en axant son intervention sur les guerres (1re et 2e Guerres mondiales et la Guerre d'Algérie) et en mettant en avant les bouleversements des années 1940 qui ont influé sur le PPA, mais qui ont laissé émerger une génération d'intellectuels représentée par Mohamed Lamine Debaghine. Il évoquera également Lacheraf et Kaddache qui, au début des années 1940, n'étaient pas encore entièrement engagés, mais cette génération allait par la suite être marginalisée. De l'université de Constantine, Abdelmadjid Merdaci a tenté de démystifier Abdelhamid Ben Badis en le restituant dans le contexte historique (les années 1930) et géographique (la ville de Constantine), mais aussi en passant en revue sa propre filiation. Le colloque se poursuit encore aujourd'hui. D. B., Hadj Sahraoui