La bibliothèque nationale d'Algérie (BN), à Alger, a abrité, hier, une rencontre-témoignages en hommage à l'historien et chercheur Mahfoudh Kaddache, disparu le 30 juillet dernier. Dans une intervention laconique, Abdelhamid Mehri estime : « Rares ceux qui savent que Mahfoudh Kaddache est un des premiers militants chargés de constituer, après la bataille d'Alger, un réseau de contact avec les responsables de la révolution qui se trouvent à l'extérieur du pays. » De son côté, le docteur Mohamed Corso a plaidé pour l'organisation de journées d'étude sur l'œuvre de l'historien. Et s'interroge « si l'université algérienne d'aujourd'hui est capable de former des chercheurs de même envergure de Mahfoudh Kaddache ». Aussi, il juge aberrantes ces allégations qui classent l'historien dans « la promotion Lacoste ». Le professeur Saâd El Kenz voit en Mahfoudh Kaddache « un historien de la didactique ». Il relève trois « registres » dans ses œuvres, à savoir l'historicisme didactique, l'historicisme politique et les écrits polygraphiques. L'intervenant « préfère » évoquer le premier aspect où « on peut découvrir du Xénophon et du Thucydide dans Kaddache ». Ce qui fait de ce dernier un historien « clinique, froid chirurgical qui se base sur des faits, rien que des faits. Il n'y a pas de hagiographie dans son œuvre. Il constitue la conscience de notre mémoire soucieux de transmettre l'étincelle de l'histoire aux jeunes ». Il évoque aussi l'influence exercée par l'historien Stéphane Gsell sur Kaddache sa jeunesse durant. A son tour, le maître Amar Bentoumi, qui a connu Kaddache en 1936 à l'école Sarrouy, à Alger, se dit choqué par ces allégations faisant état de l'appartenance de l'historien à « la promotion Lacoste ». « Mahfoudh Kaddache a toujours été un brillant élève. Comme il ne connaissait pas le latin, il n'avait pas le droit de préparer sa licence d'histoire. Ainsi, il s'est mis au latin et passe ses examens à Alger et à Besançon. Il échoue à Alger mais réussit à Besançon. Ce qui lui a permis de préparer sa licence d'histoire et aller encore plus loin dans ses études. Ainsi, comment parler de promotion Lacoste quand il s'agit de Kaddache ? D'autant qu'il est un des premiers Algériens à être interné au camp de Berrouaghia. Comme il fait partie de ceux qui ont intégré les Scouts musulmans algériens (SMA) dans le mouvement national », rappelle l'intervenant. Dans son intervention, l'historien et universitaire Daho Jerbal, qui est aussi un ancien élève de Kaddache, indique que « nous avons appris l'histoire d'Algérie et du mouvement national avec Kaddache. Il aborde l'histoire avec objectivité et méthodologie. C'est un historien sans tendance. Il a formé la première génération d'historiens algériens. Ses ouvrages constituent une référence en la matière ». « Néanmoins, relève Daho Jerbal, il a souffert de ressentiments. Il a été écarté de l'institut d'histoire. Pourquoi ses livres ne sont pas à ce jour traduits en arabe sachant que des enseignants d'histoire interdisent à leurs étudiants de se référer à des ouvrages écrits en français ? Pourquoi il a été écarté de l'institut d'histoire ? Pourquoi dans d'autres pays, comme l'Egypte et l'Irak, les enseignants d'histoire sont polyglottes, contrairement à l'Algérie où ils sont monolingues ? » Cela dit, « nous devons respecter Mahfoudh Kaddache sans pour autant la sacraliser ». Notons que Mahfoudh Kaddache est né en 1921 à La Casbah d'Alger. Il mène de brillantes études : certificat d'études, brevet élémentaire, brevet supérieur, licence d'histoire et, quelques années plus tard, doctorat d'Etat. Il devient un des animateurs principaux des SMA, où il assume très tôt des responsabilités.Adolescent, il est commissaire local puis chef du groupe El Kotb, en 1940. Ensuite, il devient secrétaire général. Vient la guerre d'Algérie. Il répond présent. Il est menacé par un article du journal Rivol puis échappe à deux attentats de l'OAS. Au cours d'une audience accordée par le général de Gaulle, il plaide avec l'écrivain Mouloud Feraoun en faveur de la négociation et la paix. Après l'indépendance, il se consacre à l'enseignement et à la recherche. En 1985, il plaide avec Mahfoudh Boucebsi en faveur des détenus des droits de l'homme qui sont passés devant la Cour de sûreté de l'Etat pour atteinte à l'autorité de l'Etat, création d'association illégale et distribution de tracts. Il a écrit quatorze ouvrages, entre autres L'Algérie médiévale (éditions Enal 1992), Histoire du nationalisme algérien (éditions Enal 1993). En 2003, il publie L'Algérie des Algériens de la préhistoire à 1954 (éditions Paris Méditerranée), ouvrage qui regroupe quatre livres publiés séparément, à savoir L'Algérie dans l'antiquité, L'Algérie médiévale, L'Algérie durant la période ottomane et L'Algérie des Algériens.