C'est le printemps, la chasse aux corrompus est ouverte, au signal d'un effet d'annonce auquel personne ne croit vraiment, pas plus qu'aux 74% de votants. Mais pourquoi pas. Qu'est-ce que la corruption ? Tout le monde le sait, c'est un dispositif multiforme qui maille toute l'administration et l'Etat par des points nodaux bien répartis sur le filet, avec des têtes de réseaux connus. Qu'est-ce qu'un corrompu ? Il n'est pas forcément gros et moustachu mais a forcément une villa à Dély Ibrahim et adore la viande. Il peut ressembler à tout le monde, à l'exception du petit renflement caractéristique dans sa poche, un entonnoir pour canaliser les marchés ou un tuyau pour siphonner les budgets, qu'il transporte toujours sur lui. En Algérie, la corruption est passée de sport d'élite à sport de masse, ce qui tendrait à démontrer que là où il peut gagner de l'argent en empiétant sur la morale et les règles, l'Algérien le fera. C'est d'ailleurs l'argument du régime, qui aime à expliquer que lutter contre la corruption n'est pas possible, puisque même le planton de la mairie, le facteur ou le chauffeur de taxi est corrompu. Ce qui par ailleurs est l'argument du corrompu d'en bas, qui aime à expliquer que tout le monde fait ça, même en haut, pourquoi se gênerait-il ? Match nul ? Non. Si la Présidence décide de nettoyer d'abord dans sa cour immédiate, ce qu'elle ne fera pas, l'effet vertical sera immédiat. Plus bas, tout le monde aura peur, ce qui éliminera 50% de la corruption. Reste 50%, à compresser au niveau des juges, des administrations, des services de sécurité et des passeurs de marché pour arriver à 10%. Satisfaisant pour un pays comme l'Algérie. Mais il y a une autre méthode. Il suffit simplement de corrompre un directeur des statistiques pour que les 100% de corruption devienne un petit 10%, largement tolérable. Le tour est joué. Car ce n'est qu'un tour.