Les contrevenants à cette disposition de déclaration du patrimoine s'exposent à des poursuites et sont passibles, selon l'article 36 de la loi contre la corruption, de peines allant de 6 mois à 5 ans de prison ferme et d'amendes allant de 50.000 à 500.000DA. La lutte aux fonctionnaires véreux a commencé en Algérie. Avec ce décret présidentiel, il y a une volonté de nettoyer les rangs des corps de police, de la douane et des impôts; ce qui ne veut pas dire que la majorité des fonctionnaires qui travaillent dans ces corps sont véreux, ou corrompus. Loin de là. Et c'est justement parce que la majorité des fonctionnaires sont propres et agissent dans l'intérêt du public qu'il est bon de mettre des garde- fous pour traquer les brebis galeuses et séparer le bon grain de l'ivraie. Il suffit d'une tomate pourrie pour gâter tout un cageot. Et c'est justement là que le bât blesse. Il y a également le syndrome de l'uniforme. Un seul policier en tenue peut, par son comportement, salir tout un corps sain. On peut dire la même chose des douaniers ou des inspecteurs des impôts. Les faits: selon l'Agence AAI, un décret présidentiel promulgué dans le Journal Officiel du 18 avril dernier impose à une certaine catégorie d'agents de l'Etat de rendre publics leurs biens et leur patrimoine, deux mois avant d'entamer leur nouvelle responsabilité, puis à l'issue de leur mission. Le texte en question concerne les agents de plusieurs institutions et ministères de la République. Le champ d'action du décret est assez vaste. Jugez-en: les premiers concernés sont, comme on l'a dit plus haut, les commissaires de police, les commissaires principaux et les divisionnaires de police, les agents de contrôle des Douanes, les officiers de brigade, les inspecteurs généraux, les divisionnaires ainsi que les contrôleurs généraux des Douanes. Quant au secteur financier, il s'agit des contrôleurs, des inspecteurs principaux et centraux des impôts qui sont contraints par la loi de déclarer leurs biens à la commission de lutte contre la corruption, de même que les agents publics des domaines et les inspecteurs de l'Inspection générale des finances (IGF). Ce sont sans doute les corps les plus exposés aux tentatives de corruption et, où des réseaux mafieux, se sont constitués. Acheter un douanier ou un inspecteur des impôts semble devenir le sport national favori de certaines catégories de commerçants et d'hommes d'affaires. Notamment ceux qu'on classe dans le cercle très fermé des barons des containers. Si un douanier qui gagne 20.000 ou 30.000 dinars par mois, se construit une villa et roule carrosse, sans parler des autres signes extérieurs de richesse, c'est qu'il y a anguille sous roche. En revanche, affirmer, comme n'hésitent pas à le faire certains: «Je ne connais pas de douanier honnête», ou d'inspecteur des impôts propre, c'est aller un peu trop vite en besogne. Là comme ailleurs, il y a les bons et les mauvais, fort heureusement. En revanche, il ne fait pas l'ombre d'un doute que la passivité et le laxisme de l'Etat à lutter contre le fléau de la corruption ont encouragé les plus véreux, qui ont fait de l'Algérie une chasse gardée et souillé pour de bon la notion de service public. Au point que dès qu'on sait qu'on a affaire à un douanier ou à un contrôleur des impôts, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé, si on ne graisse pas la patte du fonctionnaire. La nouveauté avec ce texte, c'est que c'est un décret présidentiel qui prévoit des mesures pratiques et des sanctions. La déclaration du patrimoine devient une obligation, et les contrevenants encourent des sanctions. Pour une fois, on ne se contente pas de beaux discours. On se rappelle, en effet, des différentes campagnes de lutte contre la corruption. Sans aucun résultat. Il y a aussi ce fameux observatoire de lutte contre la corruption, adopté par le gouvernement au cours des années 90. Il ne fut jamais mis en oeuvre, et l'on a assisté à des cas de corruption incroyables. Mis à part ces catégories de fonctionnaires, le décret concerne aussi de nombreuses autres institutions et ministères. Il en est ainsi des ingénieurs des mines et examinateurs des permis de conduire (PC), en raison, semble-t-il, de la propagation de vente des permis de conduire. Mais ils ne sont pas les seuls. Le décret cible également les fonctionnaires du ministère du Commerce, notamment ceux chargés du contrôle. On peut, en outre, citer les greffiers dans l'appareil judiciaire. Mais la palette est encore plus vaste, puisqu'elle englobe les inspecteurs du secrétariat général du gouvernement, des ministères de la Jeunesse et des Sports, des Ntic, du Tourisme, de l'Agriculture et du Travail, sans oublier les médecins, pharmaciens et dentistes. Tous ces corps sont tenus de faire la déclaration, en bonne et due forme, des biens qu'ils possèdent en Algérie et à l'étranger. C'est sans doute cette dernière disposition qu'il sera difficile, sinon impossible de mettre en oeuvre. Quant aux sanctions prévues par la loi, il faut savoir que les contrevenants à cette disposition de déclaration du patrimoine s'exposent à des poursuites et sont passibles, selon l'article 36 de la loi contre la corruption, de peines allant de 6 mois à 5 ans de prison ferme et d'amendes allant de 50.000 à 500.000 dinars. Ce qui n'est pas rien. Quant à savoir si ces dispositions seront efficaces et dissuasives, c'est l'avenir qui nous le dira. Tout comme la corruption existe, il ne fait pas de doute que certains, qui sont passés maîtres en la matière, trouveront des échappatoires et des ruses pour détourner la loi et passer une fois de plus, entre les mailles du filet. Boudjerra Soltani avait déjà parlé des prête-noms. Mais ne soyons pas pessimistes. C'est vrai que la corruption zéro n'existe pas. Le président Boumediene ne disait-il pas à ce propos: «Celui qui coupe le miel, ne peut pas s'empêcher de se lécher les doigts?» Certes, mais il y a des seuils à ne pas dépasser, et une éthique à respecter. Sinon, l'Algérie, où les cas de corruption ont défrayé la chronique ces dernières années, deviendra la République des ripoux et des malfrats.