La sexualité des Algériens est très mal vécue, voire ignorée. Elle est souvent réduite à son aspect reproductif. Conséquence : cela a généré des frustrations chez les adolescents et les jeunes couples. Des professionnels de la santé, dont des sexologues, des psychologues, des sociologues, des psychiatres, ont tenté, hier, à Timimoun, à l'invitation de Nedjda que préside le Dr Boulbina, de briser ce tabou en débattant, pour la première fois, du thème de la sexologie. Timimoun De notre envoyé spécial « C'est un sujet autant délicat à aborder, mais qui est nécessaire aux jeunes gens surtout », reconnait la sexothérapeute Mounira Guerboussi. Cette dernière n'est pas allée par trente-six mille chemins pour reconnaître que « le sexe est quelque chose d'important dans notre vie, il fait partie des besoins fondamentaux de l'individu. Notre équilibre dépend de notre sexualité qui participe à l'épanouissement de l'être humain ». Et par conséquent, conclut-elle « l'absence de la sexualité est ressentie comme une énorme frustration pouvant conduire à des déséquilibres psychologiques. » Comme Mme Guerboussi, les différents intervenants à cette rencontre n'ont pas manqué de relever une absence totale d'éducation sexuelle à l'école... mais aussi dans la famille. Et pour ce cas précis, Mme Zohra Abbassi, psychologue et psychosociologue, maître de conférences à l'université d'Alger, qui a longtemps travaillé sur tous les blocages de l'expression sexuelle chez les couples, en sait quelque chose en parlant de « l'immaturité culturelle » chez les couples algériens. Elle regrettera le fait que le plaisir venu du corps se limite à trois situations : les moments festifs, les yeux et l'esprit. Résultat : « Le corps action ou le corps moyen d'expression personnelle est quasiment absent de l'environnement social algérien. » Mme Abassi en cite plusieurs à l'image de Nachida, âgée de 36 ans, professeur d'enseignement moyen, qui lui déclara qu'elle n'était pas satisfaite sexuellement, car son mari était égoïste. « Il faisait de moi ce qu'il voulait. Pour un rapport sexuel il me réveillait au milieu de la nuit. Je lui refusais, car j'estime qu'un rapport sexuel se prépare par des baisers et des caresses. Il y a des zones érogènes qu'il faut exciter… ça ne vient pas comme ça. Il n y a pas d'heure pour l'amour mais la manière compte beaucoup. » Ou celle de Soraya : « Pour mon mari, ce qui comptait c'était l'amour physique. Dans la journée nous n'avons aucune communication. Il était en contact étroit avec ses parents. Il n'était pas le genre d'homme à discuter avec son épouse. Dans ces conditions j'ai préféré retourner chez mes parents. » En conclusion, Mme Abbassi estime que « les conjoints ne possèdent ni leur corps ni leur sexualité psychoaffective ». « Vivant côte à côte mais pas ensemble, ils ne se réunissent pas dans la création d'une relation soudée nécessaire à la formation du couple », a-t-elle regretté. Avant de s'interroger : « Est-ce à dire que malgré les changements intervenus dans la société algérienne, le couple demeure plus souvent une utopie. »