La Caisse nationale d'épargne et de prévoyance, CNEP, a été décrié à plusieurs reprises ces derniers mois pour ne pas être suffisamment engagée dans le financement de l'immobilier, son métier de base. Abdelatif Benachenhou, était la dernière « voix officieuse » à avoir évoqué « le cas Cnep », lors de la soirée débat organisée par le forum des chefs d'entreprises (FCE) durant le ramadan. Compte tenu du niveau des dépôts dont elle dispose – plus de 500 milliards de dinars et non pas « plus de mille milliards de dinars » comme rapporté par l'ancien ministre des finances – la CNEP devrait avoir un volume de crédit immobilier plus élevé que les 279 milliards de dinars en cours actuellement. Ce constat est globalement partagé par les cadres de la maison et au-delà par la communauté des banquiers du secteur public. Mais aussitôt s'arrête la convergence : pourquoi les engagements de la CNEP ne sont pas suffisants ? Le ministère des finances, représentant l'actionnaire Etat dans le capital de la CNEP a proposé une réponse « expéditive » au début de l'année 2007. Une résolution de l'Assemblée générale interdit à la CNEP depuis février dernier d'accompagner tout projet d'investissement en dehors de la promotion immobilière stricto sensu. Diagnostic induit : si la CNEP ne prête pas assez à ses épargnants c'est parce qu'elle s'est éparpillée dans le financement d'autres opérations que l'acquisition du logement. «C'est une erreur de croire que le financement des autres projets de banque universelle se font à la CNEP au détriment du financement de l'immobilier. Le problème de la faible croissance du crédit hypothécaire en Algérie est lié à l'écart trop grand entre la capacité d'endettement des demandeurs de logements et le niveau excessivement élevé du prix du logement », explique un ancien responsable à la CNEP. D'ailleurs les chiffres plaident contre cette « croyance magique » : le crédit immobilier a cru de 260% durant les deux années ou la CNEP avait toujours le loisir de financer d'autres projets en dehors du logement. En outre 93% des demandes de financement auraient été satisfaites en 2006. Cette performance a elle seule résume la question. Les non éligibles au crédit ne font même pas de demande. Et ils sont le grand volant en marge du marché immobilier qui fait qu'à la CNEP les dépôts augmentent plus vite que les crédits. C'est la politique publique qui tue le crédit hypothécaire « Le problème c'est la bulle de l'immobilier. L'évolution du prix du logement est en rupture avec le reste de l'économie. Alors lorsqu'un épargnant veut acquérir un logement à six ou sept millions de dinars et que sa capacité d'endettement ne dépasse le million de dinars … », il n' y aura même pas d'études de dossier sauf à passer à des délais de remboursements intergénérationnels. La CNEP a alors bon dos. Aux yeux d'un membre actif de l'ABEF, l'association des banques et établissements financiers la « bonne réponse » se trouve ailleurs : « pour que le crédit hypothécaire décolle, il faudrait réduire le gap entre le prix du logement et le revenu moyen des demandeurs. Soit le premier baisse nettement avec la fin de la bulle de l'immobilier, soit le second augmente sensiblement. En dehors de cette évolution, ou l'offre de logement se libère et ou la demande devient plus solvable , il ne sert à rien de réquisitionner le crédit CNEP pour le seul financement du logement ». Et là les professionnels du crédit immobilier qui se sont succédés dans l'encadrement de la CNEP des dix dernières années sont quasi unanimes : la politique de l'offre de logement de l'Etat bloque l'essor du crédit hypothécaire. Exemple frappant, sur un million de logements prévus dans le quinquennal 2005-2009. 135 000 logements seulement sont prévus sous le statut de la promotion immobilière, tout le reste l'est sous formes diverses du logement social, rural, location vente à concours définitif du budget : « cela a crée une attente chez les demandeurs de logements qui se détournent de l'acquisition par financement bancaire ». Autre frein au recours au crédit hypothécaire les formules d'aides au logement , qui excluent les ménages dont le revenu cumulé des époux est supérieur à 30 000 dinars. « Ceux qui sont en dessous de cette limite n'ont pas assez de revenus pour l'apport personnel et pour l'endettement bancaire, il aurait suffit de mettre cette barrière 10 000 dinars plus haut pour faire rentrer dans le marché de l'immobilier des centaines de milliers de ménages qui eux peuvent boucler leur plan de financement ». Les incohérences de l'aménagement du territoire sont également évoquées qui font que l'Etat continuent de proposer dans ses programmes, du logement social dans les grands centres urbains cassant toute possibilité de zonage de la promotion immobilière. « Je serai directeur de banque je ne donnerai pas un seul dinar à un promoteur immobilier de Souk Ahras. Pourquoi ? Parce qu'il existe un programme de 5000 logements sociaux dans la ville. Pourquoi voulez vous que les gens viennent dans votre promotion tant qu'ils entrevoient la possibilité d'avoir un logement gratuitement ? » déplore un autre cadre financier du secteur bancaire public. «Réglementairement», la CNEP doit dire «non» à Emmar Le décor est donc redessiné. Si le crédit hypothécaire se développe trop peu c'est d'abord la faute au marché de l'immobilier, à la faible offre foncière et à la faible capacité d'endettement des demandeurs de logements. La CNEP ne ferait donc pas de la rétention de crédit, même si dans le milieu on admet que les temps de réponses – raccourcis ces dernières années – aux demandes restent perfectibles. L'interdiction de se développer dans les autres métiers des banques universelles pour la CNEP est une fausse réponse pour un vrai problème. « Le rétablissement de la possibilité pour la CNEP de faire à nouveau du crédit automobile ne compense pas le manque à gagner qui correspond l'exclusion du financement de bâti industriel, des projets commerciaux et des investissements d'aménagements et de tourismes. C'est le marché le plus porteur pour une banque aujourd'hui en dehors de la domiciliation des importations. La CNEP en est curieusement exclu. Il y' a deux ans son exclusion du crédit automobile correspondait avec l'arrivée de Cetelem. On ne peut pas ne pas avoir des pensées homologues dans le contexte d'aujourd'hui » . Si le géant émirati Emmar s'adressait demain à la CNEP pour l'accompagner dans ses projets à Alger, elle serait tenue de lui dire non au terme de son confinement obligatoire au seul financement du logement. Bien sûr il y' aura sans doute alors « des amis de la CNEP » qui se manifesteraient peut être pour déroger, dans un tel cas, à la résolution de l'AG. En attendant, la politique de l'hyper spécialisation imposée creuse les conditions d'un déséquilibre comptable. Le bilan de la CNEP est menacé à terme. Avec deux points de marge entre la rémunération des dépôts (encore en hausse de 14 milliards de dinars au premier semestre 2007) et le revenu des intérêts de crédits, condamné à croître à l'étroit du marché immobilier, la CNEP avance désormais sur le fil du rasoir. Son actionnaire est prévenu.