Les deux fêtes universelles, timidement célébrées chaque année à Souk Ahras, sont loin de provoquer, au vu des contraintes, l'euphorie chez des travailleurs frappés de plein fouet par la déliquescence du pouvoir d'achat et une libéralisation tous azimuts ou chez les journalistes et correspondants de presse qui fêtent dans l'indifférence, voire l'hostilité la journée de la liberté d'expression. Les deux journées auront, encore une fois, eu le seul mérite de remuer le couteau dans la plaie et de rappeler que le pays est aux antipodes, s'agissant de la presse et des droits des travailleurs. Que reste-t-il d'un 1er Mai fait de centaines de compressés du secteur industriel, d'un pouvoir d'achat qui continue à prendre du plomb dans l'aile, de plusieurs contingents d'universitaires qui, faute de pouvoir se frayer un chemin dans le marché de l'emploi, se trouvent convertis en vaguemestres ou en agents d'accueil par la grâce de la formule pré-emploi ? Le non-respect du SNMG chez la majorité des employeurs privés, la non-affiliation à la sécurité sociale, l'emploi des mineurs dans le commerce et les services, l'absence des mesures d'hygiène et de sécurité dans le secteur du bâtiment et les carrières, où les accidents de travail mortels sont réduits à de simples faits divers sans suite ni commentaire de la part des responsables, et autres droits bafoués sont autant d'ingrédients qui font de cette fête du travail une simple halte pour constater les dégâts. L'interpellation des différentes instances de contrôle, dont certaines sont en hibernation, alors que d'autres sont « obligées » de brosser des tableaux satisfaisants à cause des ingérences et d'une absence de textes définissant clairement le champ d'action et la portée de leurs interventions, est tributaire d'un engagement de la part des syndicats et d'un mouvement associatif apprivoisé. La célébration de la journée mondiale de la liberté d'expression est perçue à Souk Ahras comme une fausse note chez un musicien de renommée. Si tout va bien pour ceux qui gèrent dans l'approximatif et le provisoire, si tout le monde s'échange des compliments et si les rédacteurs des bulletins de bonne santé se montrent aux ordres, la presse écrite empêche les premiers à rester indéfiniment calfeutrés dans leurs bureaux, provoque le hoquet chez les seconds et fausse les appréciations des derniers. Et c'est là où le chef d'orchestre réagit pour appeler à la rescousse courtiers, courtisans et une justice qui réagit au clin d'œil de ceux qui n'aiment pas trop lire autre chose que les bilans macabres des accidents de la circulation et des articles estampillés : « Tout va bien très bien madame la Marquise ».