Certaines de nos fêtes n'ont que le mérite de remuer le couteau dans la plaie. C'est une journée aux couleurs fades qu'a été celle du 1er Mai à Souk Ahras. Des défilés grandioses d'autrefois, des discours engagés d'une période de fierté, malheureusement révolue, et des scènes des travailleurs en liesse, dans le temps coutumières, l'on n'en assistera point. Des citoyens en parlent encore avec nostalgie, mais assument, malgré eux, l'ère du filet social et du pré-emploi. Parmi eux figurent des fonctionnaires affectés par la déliquescence du pouvoir d'achat, des centaines de travailleurs compressés du secteur industriel, les hordes de postulants (universitaires et autres) à l'emploi par le biais de la DAS, des centaines de travailleurs dans les secteurs du bâtiment et des services non déclarés aux assurances sociales et autres qui ne perçoivent même pas la moitié du SNMG pour plus de 10 h/jour de dur labeur, des secrétaires dans certaines professions libérales transformées, malgré elles, en filles de joie et des chômeurs tout court. Dans les différents lieux publics, l'on radote surtout au sujet des dernières factures salées de Sonelgaz et des malheurs des petites bourses. D'autres citoyens mettent à profit cette journée chômée pour se réunir autour d'un moitié-moitié et d'un double-six, sinon pour vaquer à leurs affaires dans une indifférence totale. Pour la circonstance, l'UGTA mobilisera timidement une cinquantaine de travailleurs qu'elle réunira autour d'une table à la salle Djoued Nourredine, où sera prononcé un discours fidèle à la ligne démagogique d'une organisation en détresse depuis l'assassinat de feu Benhamouda. Ailleurs, c'est-à-dire dans les communes déshéritées et à travers les quartiers pauvres de la périphérie, les signes de misère sont omniprésents et des scènes affligeantes vous coupent les narines. Des mesures, des caves et autres logis de fortune abritent des enseignants, des paramédicaux et des employés de la fonction publique, voire des cadres administratifs dans des conditions insoutenables. Leur tort : travailler avec sérieux et abnégation, sans ménager le temps nécessaire pour adhérer à un parti politique, une association ou une quelconque organisation de masse satellitaire. L'exercice du droit syndical favorise à Souk Ahras une coquille vide qui subsiste grâce à l'argent des œuvres sociales, aux alliances avec le pouvoir parallèle et aux compromis. Elle est contestée, de surcroît, par ses propres troupes qui ont appelé au boycott des festivités. Les syndicats autonomes, en phase de semi-reconnaissance, ne demandent « pas plus de 1% des moyens mis à la disposition d'un syndicat qui a perdu de sa vigueur comme perdrait irrémédiablement un vieillard les dents et la couleur des cheveux », pour rapporter fidèlement la citation d'un militant du Cnapest. Certaines de nos fêtes n'ont que le mérite de remuer le couteau dans la plaie. Celle du 1er Mai en est une.