Les autorités algériennes ont été directement interpellées par des organisation internationales sur le verrouillage des médias lourds et le refus total du gouvernement algérien d'un quelconque changement dans la législation pour l'autorisation de télévisions ou radios algériennes à capitaux privés. Des formations politiques d'opposition ont également utilisé les tribunes de l'APN et du Sénat pour lancer des appels pour la libération de ces espaces, mais l'Etat ne semble ni presser de revoir ce cadre législatif anachronique ni prêt à permettre aux opposants de s'exprimer sur la chaîne publique. Pour tout argument, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait justifié les craintes des pouvoirs publics à ce sujet par l'expérience algérienne en matière de presse écrite. Il a évoqué la sécurité intérieure de l'Algérie qui ne peut être, selon lui, mise à mal par l'apparition de médias lourds à large diffusion. Pour le responsable de l'Exécutif, il s'agit en premier de renforcer qualitativement et éthiquement la presse écrite privée avant de permettre l'apparition de télévisions ou radios privées. « Le gouvernement ne veut pas de médias orientés qui risquent de servir des intérêts autres que ceux de l'Algérie ou des intérêts personnels sous couvert de la liberté d'expression », a précisé un spécialiste du dossier. Néanmoins, face à ce verrouillage et lorsque l'on sait que l'Algérie est le pays qui compte le plus de paraboles, les indésirables personnalités politiques ont trouvé la parade en s'exilant médiatiquement. Quant aux spectateurs, ils se sont détournés de l'unique pour étancher leur soif d'informations via justement le satellite. S'exprimant sur ce sujet, Karim Tabbou, premier secrétaire du FFS, et Mohcène Belabès, chargé de l'information au RCD, ont souligné qu'ils n'ont jamais été sollicités par l'ENTV pour participer à une quelconque manifestation. « Nous ne passons jamais sur notre chaîne alors que nous sommes sollicités par toutes les chaînes étrangères, que ce soit en langue arabe comme la chaîne qatarie El Jazeera, ou les chaînes iranienne, canadienne et américaine. Dernièrement, le docteur Sadi est passé sur ARTE suite à une invitation de cette chaîne », a soutenu M. Belabès qui ne comprend pas les craintes du pouvoir par rapport au débat contradictoire. « Nous avons demandé, à deux reprises, au directeur de l'ENTV de nous autoriser de passer au JT pour un droit de réponse, il nous a répondu par un niet », a fulminé notre interlocuteur. Poursuivant la liste des interdits, M. Belabès a expliqué que le groupe parlementaire du RCD a interpellé, à travers une question orale, le secrétaire d'Etat chargé de la communication pour qu'il intervienne afin de mettre fin au parti pris de l'ENTV en faveur du candidat Bouteflika, en vain. « Le président de la République veut moderniser la dictature. Il veut faire croire qu'il y a un semblant de multipartisme, de syndicats autonomes, d'élections libres alors que ces dernières sont truquées, des syndicats réprimés et des partis interdits de passer sur la chaîne publique », a affirmé le représentant du RCD, qui est, toutefois, persuadé qu'il n'y aura pas d'ouverture. Le FFS ne s'étonne pas qu'en 2009 le champ médiatique reste verrouillé, sous contrôle du pouvoir et continue à subir toutes les violences, que ce soit de l'Etat ou des extrémistes. « La presse et le champ médiatique sont à recréer et à reconstruire. Malgré l'engagement des journalistes, cela demeure insuffisant. Toutefois, on ne se fait pas d'illusions sur le caractère privé de l'ENTV qui exclut la participation de certains partis au débat. La chaîne unique est une entreprise qui a été privatisée sans aucun acte ; elle est un instrument entre les mains du pouvoir », a soutenu M. Tabbou. De l'avis du représentant du FFS, l'Algérie est l'un des rares pays à se trouver dans cette situation de fermeture de toute expression libre. Certes, fera-t-il Tabbou, « les autorités ont tenté des ouvertures, mais tel que conçu par eux, cela constitue un drame pour l'Algérie ». « Sous couvert d'ouverture, le pouvoir va créer des chaînes qui ne sont autres que des suppléments de l'ENTV. Il compte probablement récompenser ceux qui l'ont soutenu en leur permettant d'être des propriétaires de chaîne qui sont une transfusion de l'ENTV », a souligné notre interlocuteur qui pense qu'aucun prétexte politique ne peut justifier le recours à la fermeture du champ médiatique.