Un séminaire maghrébin a regroupé, durant deux jours, les 7 et 8 mai, à Tunis, au siège de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), des Marocaines, des Tunisiennes et des Algériennes autour de questions relatives au développement et à l'évolution des droits des femmes dans ces pays. Le combat des Maghrébines, qui ne sont pas au bout de leurs peines, a un long chemin à faire. Des questions restent encore non réglées concernant leurs droits les plus élémentaires. Si les textes juridiques et réglementaires nationaux et internationaux consacrent le principe d'égalité et l'égalité des chances entre les sexes, la réalité vécue par ces femmes est tout autre. Si les Marocaines et les Tunisiennes ont arraché certains droits en matière d'égalité, les décideurs ne cèdent pas sur les principes fondamentaux qui caractérisent une société démocratique, plurielle et progressiste. L'attachement aux valeurs traditionnelles et religieuses remet en cause les acquis de ces femmes encore menacées. Le cas de la Tunisie est tout indiqué pour se rendre compte de la fermeture et du verrouillage instaurés par les autorités face à toute voix discordante. L'interdiction pour l'ATFD d'organiser le séminaire dans une salle publique au sein d'un hôtel qui avait pourtant donné son accord en est un exemple édifiant. Organisée à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la presse, le 3 mai, cette rencontre s'inscrit dans le cadre du projet Moussawat (égalité) citoyenne financé par l'Union européenne (UE) et la fondation allemande Friedrich Naumann et dirigée par l'Association marocaine pour les droits des femmes (AMFD), l'ATFD et l'association algérienne SOS Femmes en détresse. Ce projet a été lancé il y a une année. Les trois associations ont mis l'accent, lors des travaux ayant pour thème « Approches gouvernementales et non gouvernementales sur la question femmes et médias », sur le principe de la liberté d'expression et de la presse qu'elles revendiquent, la promotion des droits des femmes ainsi que le nécessaire d'accès aux médias et aux nouvelles techniques de l'information et de communication (NTIC). Pour elles, cela est incontournable pour que les femmes puissent être des acteurs dans la société de l'information. Le libre accès pour les femmes à tous médias confondus est aussi un des points essentiels débattus lors de ce séminaire. A l'ouverture des travaux, la présidente de l'ATFD, Ahlem Belhadj, a souligné le caractère répressif imposé par les autorités dans lequel les Tunisiennes tentent de revendiquer leur droit à la libre expression, voire à l'existence même. Pour les participantes, sans la liberté de la presse, il ne peut y avoir de droits ni de liberté. Ahlem Belhadj a rappelé que son pays continue d'enregistrer de graves violations des droits de l'homme et de la liberté d'information. « Le gouvernement continue de refuser l'autorisation de publication légale de journaux féminins en ligne aux associations ainsi que la saisie de plusieurs livres et ouvrages traitant de la violence à l'égard des femmes, dont le harcèlement sexuel », a-t-il souligné. Elle a signalé que les violences à l'encontre des femmes représentaient un obstacle à l'égalité, à la citoyenneté, au droit de la personne, à la démocratie et à la liberté. Elle a également signalé que cette rencontre s'inscrit en prélude à la tenue du Sommet mondial de la société de l'information (SMSI), qui se tiendra en Tunisie en novembre 2005. « La voix des ONG doit être entendue lors de ce sommet. Nous devons exercer une pression sur l'Etat tunisien pour participer à ce sommet mondial, d'autant que le caucus femme ne bénéficie pas de ce qui lui est dû », a t-elle relevé, avant de préciser que la Tunisie vit actuellement une situation particulière en matière de violation des droits de l'homme, en rendant hommage à un avocat qui venait d'être condamné à trois ans de prison ferme pour des écrits critiques à l'égard du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali. Une journée portes ouvertes de soutien pour cet avocat sera organisée aujourd'hui au sein du siège de l'association à Tunis. Pour sa part, la journaliste Siham Bensedrine, directrice du journal en ligne Kalima et militante des droits de l'homme, a déploré la situation « dégradante » de la liberté d'expression et de la presse en Tunisie. « Les choses ont empiré, ces dernières années. Les associations de femmes sont interdites d'expression, ainsi que les journalistes. Les femmes servent de faire-valoir politique, mais la parole des indépendantes est confisquée en Tunisie », a-t-elle ajouté. Par ailleurs, des représentants d'ONG internationales - Fédération internationale des droits de l'hommes (FIDH), Comité international de lutte contre la torture (CILT) et le Comité droits et démocratie (CDD) - qui ont assisté à l'ouverture des travaux du séminaire ont exprimé leur soutien aux Maghrébines, particulièrement aux Tunisiennes. Ils ont indiqué que les programmes de leur ONG consacrent une place importante à la question de la femme. Sidiki Kaba, le président de la FIDH, a souligné l'engagement de son organisation en faveur des droits des femmes et proposé aux Maghrébines le statut d'observateur à la FIDH. Francis Mark, représentant des radios communautaires du réseau IFEX et du Comité international des droits de la personne et du développement démocratique (CIDPDD), s'est permis une métaphore en disant que le temps est venu pour changer la situation des femmes dans les médias, car « l'information est femme, la communication est femme ». Les représentants de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), d'Amnesty International et de l'Association mondiale des éditeurs (AME) ont exprimé leurs préoccupations quant aux atteintes à la liberté d'expression et de la presse en Tunisie. Ils trouvent scandaleux la non-participation des ONG tunisiennes au prochain SMSI. Pour le représentant de l'AME, ce sommet constitue une opportunité pour assurer des avancées en matière des libertés. Les associations algériennes et marocaines ont chacune présenté la réalité de leur pays et les difficultés rencontrées justement dans l'accès aux médias et la place des femmes dans les médias. « Pas de violations de la liberté de l'information, selon les autorités » Présent en Tunisie dans le cadre d'une mission d'enquête et de dialogue dans le cadre de la préparation du Sommet mondiale sur la société de l'information (SMSI), le représentant du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (Droits et Démocratie) et membre de l'Association mondiale des éditeurs (AME), a signalé qu'en réponse aux interrogations des membres de la mission, les autorités tunisiennes ont affirmé que la Tunisie a une presse libre. Quant à la non-participation des ONG au SMSI, il nous a été expliqué que ces associations ont mal rempli les formulaires. A propos du blocage et du verrouillage de certains sites internet, les autorités tunisiennes les ont décidés pour des raisons sécuritaires, le terrorisme notamment.