Inauguré en 1974 par le président Boumediène lors d'une cérémonie mémorable, dont le souvenir est resté vivace dans la mémoire locale, l'ex-village socialiste de Belghimouze n'est plus aujourd'hui que l'ombre d'une certaine époque. Celle où l'Algérie était aux petits soins pour ses pauvres et ses fellahs, auxquels on n'hésitait pas à remettre des appartements meublés clés en main. La nostalgie de cette époque a d'ailleurs été très vite perçue dès qu'une discussion a été engagée avec quelques habitants de ce village, aujourd'hui « tombeau des pauvres », selon la formule d'un de ces derniers. Situé sur l'axe routier de la RN43, à une quarantaine de kilomètres à l'est du chef-lieu de la wilaya de Jijel, et à 3 km d'El Ancer, commune à laquelle il est administrativement rattaché, ce village était connu par la culture maraîchère, la production d'agrumes, ainsi que l'élevage bovin et avicole, avant de tomber dans la déchéance. Restées en jachère durant une longue période, les terres fertiles des plaines de ce village, où l'agriculture semble n'avoir plus droit de cité, sont simplement abandonnées. Les rares fellahs qui travaillent encore la terre avouent qu'ils peinent à trouver les engrais, qu'il faut payer au prix fort, en plus du manque de moyens financiers. « La plupart d'entre nous n'ont plus que deux à trois serres à cultiver », affirme un fellah, visiblement éprouvé par le poids des ans et la misère. Il dit n'avoir pas les moyens, tout comme ses pairs, de travailler la terre, en raison, a-t-il reconnu, de conditions sociales très précaires. De la discussion que nous avons eue avec quelques habitants de ce village, on s'est rendu à l'évidence que Belghimouze n'est plus qu'un banal village qui a perdu sa vocation agricole. Ses habitants se plaignent des conditions sociales difficiles, du chômage et de l'insécurité, ainsi que du phénomène des agressions, et autres fléaux comme le vol et la drogue. « Les jeunes n'ont aucune opportunité d'emploi, ils vivent dans le chômage et la misère et s'adonnent au vice », nous dit-on, non sans mentionner la misère qui désormais caractérise nos villes et nos villages. « On manque d'éclairage public, d'eau et de bien d'autres commodités, telle une route praticable », a-t-on encore souligné. A cet effet, un appel a été lancé aux responsables concernés pour qu'ils se tournent enfin vers ce village de 8 000 habitants. Initialement prévu pour être un havre de paix pour les gens humbles, Belghimouze s'est transformé en refuge pour les familles ayant fui l'insécurité et ceux qu'on a fait venir pour les loger dans des blocs qui ne sont plus ce qu'ils étaient avant. Ce sont d'autres temps et d'autres mœurs pour Belghimouze qui, aujourd'hui, a tourné le dos à sa vocation initiale. Ses quelques habitants ont également évoqué avec regret les espaces verts qui égayaient jadis les alentours des 360 logements. Cependant, la réalisation d'un complexe sportif de proximité, l'aménagement de la route, en plus des logements construits dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire (RHP) les ont un peu consolés de toutes ces misères.