Au cours de la visite officielle du chef de l'Etat français au Mexique en début mars, de nombreux accords ont été signés entre les deux pays, parmi lesquels un important contrat pharmaceutique de 100 millions d'euros entre un groupe français, Sanofi-Aventis, leader mondial de vaccin grippal, et le gouvernement mexicain. L'objectif est l'implantation au Mexique d'une usine de production de vaccins de grippe saisonnière et de grippe pandémique. Hors des cercles assez fermés de l'industrie du médicament, cette information n'a suscité que peu d'intérêt. Et pourtant ! Peu de temps après cet accord, le virus de la grippe porcine H1N1 fait sa soudaine apparition au Mexique, semant la panique à l'échelle planétaire. L'annonce a été faite en présence des chefs d'Etat des deux pays, Felipe Calderon et Nicolas Sarkozy. Il y a deux dates à retenir dans cette affaire : la signature du contrat qui a eu lieu le 8 mars et l'identification du premier malade au Mexique, le 13 avril. À cette coïncidence, s'ajoute l'énigmatique déclaration du directeur général du groupe pharmaceutique, Chris Viehbacher, qui avait anticipé sur « l'engagement exemplaire envers la santé publique du Mexique à travers son programme de vaccination contre la grippe et de préparation à la pandémie ». Pour l'exemplarité envers la santé publique, les autorités sanitaires du Mexique auraient pu regarder d'un plus près les élevages concentrationnaires qui caractérisent ses porcheries. Et pour la préparation à la pandémie, le président Calderon peut toujours claironner que son pays a pris la tête de la « bataille mondiale » contre un virus que personne n'a vu venir. Le communiqué de presse de Sanofi-Aventis, publié le 8 mars, décrit la grippe saisonnière et réserve curieusement un passage explicite à la grippe pandémique, susceptible d'entraîner une morbidité et une mortalité élevée. Un mois après cette étonnante prophétie, la pandémie faisait son apparition avec son lot de décès au Mexique et le franchissement du cap de 1000 malades recensés dans 21 pays, selon l'OMS. Au Moyen-Âge, des animaux étaient régulièrement condamnés en Europe pour des délits dont ils étaient reconnus coupables et responsables. Dans une certaine mesure, l'ère moderne n'a pas rompu avec cette tradition. Le discours scientifique remplace le réquisitoire de l'Inquisition pour accuser soit le poulet de la fièvre aviaire soit le cochon de la fièvre porcine.