« L'Union pour la Méditerranée (UPM) est une mauvaise idée et les pays du Sud n'auront pas à gagner grand-chose de ce projet », affirme le géographe et historien français, Yves Lacoste. Le projet du président français, Nicolas Sarkozy, risque de connaître, selon lui, le même sort que le processus de Barcelone. Et ce pour diverses raisons. Outre le fait que l'initiateur de ce projet n'a pas tiré les leçons de l'échec du processus de Barcelone dû à un manque de financements, l'UPM rencontre, estime-t-il, une opposition acharnée des pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) et de l'Allemagne. « C'est cette opposition qui a conduit d'ailleurs au changement de l'appellation du projet baptisé initialement : Union pour la Méditerranée », déclare-t-il, lors d'une conférence-débat sur le thème « Géopolitique de la Méditerranée » organisée, hier à Alger, par le Centre culturel français (CCF). Selon ce professeur, spécialiste en géopolitique, la position des pays baltes trouve son explication dans leur crainte de voir les financements dont ils bénéficient diminués. Estimant que l'UPM n'est pas un projet stratégique, Yves Lacoste soutient que les pays de la rive sud de la Méditerranée n'auront pas grand-chose à gagner de ce projet. « On peut dire qu'ils joueront le rôle de gendarme contre l'immigration clandestine. » La question de l'UPM permet ainsi de comprendre les problèmes géopolitiques de la Méditerranée. Définissant la géopolitique comme « une rivalité de pouvoir ou d'influence sur des territoires », le conférencier précise que les problèmes de la Méditerranée sont beaucoup plus profonds. « Les problèmes géopolitiques en Méditerranée sont multiples, dangereux et enchevêtrés. Ce sont, en effet, ceux de vingt-cinq Etats, auxquels s'ajoute le rôle de puissances extérieures à ce bassin. Les rivalités de pouvoirs dans cette région ne peuvent pas y être réduites à un schéma d'affrontement Nord-Sud, ni à une rivalité entre l'Islam et une chrétienté laïcisée. Il faut tenir compte des conflits qui se déroulent plus ou moins loin de la Méditerranée, car leurs contrecoups se répercutent en Europe occidentale », souligne-t-il. Pour étayer ses dires, Yves Lacoste cite d'abord l'influence des pays baltes qui sont loin de la Méditerranée sur le projet du président français. Faisant une rétrospective de l'histoire des pays méditerranéens, il relève l'existence des contrastes économiques et sociaux à l'Ouest. Mais aujourd'hui, les problèmes géopolitiques les plus graves sont ceux de la Méditerranée orientale où le conflit israélo-palestinien a des implications sur le Moyen- Orient et toute la région. « Sur ce petit espace s'affrontent les influences de divers pays musulmans (notamment l'Iran et la Syrie) et de la puissance américaine », précise-t-il. Sollicité pour expliquer les graves crises qui peuvent peser présentement sur le monde, Yve Lacoste évoque celles que peuvent générer notamment la question du nucléaire iranienne et le Pakistan où les talibans se renforcent et se rapprochent dangereusement de la capitale pakistanaise. Au Maghreb, pense-t-il également, « la situation n'est pas aussi paisible ». Le conflit du Sahara occidental, rappelle-t-il, a entravé la construction de l'Union maghrébine (UMA) dès le début des indépendances. « Dans la région du Maghreb, les conflits géostratégiques ont des liens avec l'histoire très ancienne de la région (plusieurs siècles avant le colonialisme) », explique-t-il. Evoquant la position de l'Algérie dans l'espace géopolitique, Yves Lacoste dira qu'elle occupe une place très importante. « L'Algérie joue un rôle très important dans la gestion des problèmes qui surviennent dans la région du Sahel. Elle le fait très bien. De par le passé, elle jouait également un rôle important sur le marché pétrolier », indique-t-il. Selon lui, : « L'Algérie est présente dans une série d'affaires très difficiles. L'ONU sollicite des diplomates algériens qui ont une expérience et une notoriété. »