Le géographe et historien français Yves Lacoste a souligné que l'on ne peut pas considérer «la Méditerranée comme un ensemble clos fermé sur lui-même. Mais un ensemble dépendant de son pourtour proche et lointain, dont une partie de l'Union européenne, une partie de l'Afrique et du Moyen-Orient» lors de la conférence intitulée «Géopolitique de la Méditerranée» qu'il a animée jeudi dernier au Centre culturel français d'Alger. En présence d'un auditoire nombreux, définissant la géopolitique comme «une rivalité de pouvoir ou d'influence sur des territoires», le conférencier a expliqué que les problèmes géopolitiques en Méditerranée sont multiples, dangereux et complexes. En plus des problèmes géopolitiques des pays du pourtour méditerranéen, il faut ajouter, l'impact du rôle de puissances extérieures à ce bassin. Dans cette optique, il faut tenir compte des conflits qui se déroulent plus ou moins loin de la Méditerranée étant donné leurs répercussions sur l'Europe occidentale. Il a estimé qu'à l'avenir, l'Iran jouerait un rôle de plus en plus important en Méditerranée. Il a également relevé le fait que l'Egypte se préoccupe de plus en plus sur ce qui se passe au Soudan à propos du projet d'irrigation du Nil. Ainsi, elle tente de contrer l'influence des compagnies venant de Chine, d'Inde et de la Corée du Nord, de plus en plus présentes au Soudan. Par ailleurs, il a souligné que les rivalités de pouvoir dans la région méditerranéenne ne peuvent pas être réduites à un schéma manichéiste d'affrontement Nord-Sud, ou entre islam et chrétienté laïcisée, mais une situation complexe héritée de l'historique de la géopolitique qui a marqué la succession des centres de pouvoir dans ces pays. Refondateur de la géopolitique en France, Yves Lacoste a déroulé pendant près de deux heures les principaux chapitres du fil de l'histoire politique de la Méditerranée et ses liens avec la géographie, plus précisément de la topographie des principaux lieux de la rivalité de pouvoir. Il explique qu'aujourd'hui le phénomène qui marque les enjeux géopolitiques de la partie ouest de la Méditerranée c'est celui de l'immigration et de l'implantation démographique importante de la rive sud sur la rive nord. Mais les problèmes géopolitiques les plus épineux sont ceux de la partie ouest de la Méditerranée, où notamment le conflit israélo-palestinien a des implications sur le Moyen-Orient et toute la région. Il a affirmé que «ce sont des problèmes complexes et compliqués. Ce n'est pas aussi simple qu'on le croit». Abordant le projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) du président français, Nicolas Sarkozy, Yves Lacoste a expliqué qu'«il est plus difficile d'aller vers une union de la Méditerranée que vers une union pour la Méditerranée». Il estime que lorsque Nicolas Sarkozy avait lancé l'idée, lors de sa campagne électorale en 2006, il n'avait pas pris en considération les enjeux et les difficultés. Aujourd'hui, le projet connaît une réelle opposition des pays baltes qui ont peur de voir diminuer leur financement par l'Union européenne. Une opposition soutenue par l'Allemagne et les pays scandinaves. Ainsi, le projet de l'UPM risque de connaître le même échec que le processus de Barcelone. En outre, ce projet n'est pas d'une importance stratégique pour les pays de la rive sud de la Méditerranée qui, selon Yves Lacoste, seront réduits à «jouer le rôle de gendarme contre l'immigration clandestine». S. A.